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"L’éloignement a été une vraie question dans notre discernement", confie Tiphaine, 30 ans, envoyée deux ans en mission avec Fidesco aux Philippines, à Manille, de 2021 à 2023, avec son mari. "Deux ans, quand on a des frères et sœurs plus jeunes, des grands-parents qui vieillissent, cela paraît très long. Et cela nous rendait tristes aussi de rater des mariages d’amis !", se souvient la jeune femme. Envisager le départ n’a pas non plus été évident pour Anne et Alexis, qui sont partis avec leurs quatre enfants à Bafia, au Cameroun, de 2022 à 2024. "Il était probable que ma grand-mère, de qui j’étais très proche, décède au cours des deux ans de mission", raconte Anne. "Et on a loupé aussi des événements heureux !", souligne Alexis.
Les responsabilités professionnelles, au sein d'une entreprise familiale, peuvent aussi être un frein puissant à la mission. Une situation à laquelle a été confronté Louis, 26 ans, agriculteur dans les Landes, parti en mission de 2022 à 2023 en Thaïlande. "Cela n’a pas été évident de faire comprendre mon choix, notamment à mes grands-parents avec qui je travaillais sur l’exploitation et qui sont de la génération où le travail passe avant tout et où la mission est plutôt une perte de temps", confie Louis.
Des appréhensions dépassées
Des appréhensions et des doutes partagés par de nombreux candidats à la mission. Bruno Champion, chargé du recrutement des volontaires chez Fidesco, entend généralement trois types de préoccupations : ne pas être là pour les évènements festifs et notamment les mariages, ne pas être là pour soutenir un proche qui tomberait malade ou dire au revoir à un grand-parent, et enfin ne pas pouvoir se confier à de bons amis et éprouver de la solitude pendant la mission. Autant de peurs que les volontaires ont su dépasser. Anne a effectivement perdu sa grand-mère lorsqu’elle était au Cameroun. "Je pensais que le fait de ne pas assister à l’enterrement serait le plus dur, mais finalement, le plus difficile, cela a été de ne pas être présente pour entourer mes proches à ce moment-là", confie-t-elle. Avant de partir, Anne avait pris le temps de dire au revoir à sa grand-mère. Une attention qui lui a permis de vivre son deuil de manière apaisée.
Quant à Tiphaine, elle s’est sentie prête à passer au-dessus du manque dû à l’éloignement de ses proches, prête à faire ce sacrifice, en découvrant son désir profond de se mettre au service des plus pauvres et en se disant qu’elle retrouverait ses proches en rentrant ! Louis, au terme d’un discernement accompagné notamment par Fidesco, a pu poser un choix libre : "J’ai réalisé que je désirais vraiment donner cette année en me mettant au service, et je l’aurais regretté si je ne l’avais pas fait", affirme-t-il. "J’ai pu rassurer mes parents et grands-parents en leur disant que la mission ne durait qu’un temps et que cela ne remettait pas en cause mon investissement à la ferme à mon retour". C’est aussi cet aspect temporaire qui a rassuré Laurent, envoyé avec sa femme Laure et leurs quatre enfants à Yaoundé, au Cameroun, de 2021 à 2023. "Le fait que ce soit limité dans le temps m’a mis à l’aise : deux ans, j’en étais capable", confie-t-il.
Un juste équilibre à trouver
"Partir en mission, ce n’est pas se couper du monde, mais cela suppose néanmoins de réfléchir à la juste utilisation des moyens de communication, des réseaux sociaux, puisque la priorité à donner, c’est la disponibilité aux partenaires, à la mission, aux personnes rencontrées, et l’ancrage dans le pays", rappelle Bruno. Donner des nouvelles, oui, mais pas au détriment de la vie sur le terrain. Un juste équilibre à trouver pour les volontaires, qui se fait assez naturellement une fois sur place. "À Manille, c’était facile de communiquer, nous avions accès à Internet, mais assez vite, nous avons enlevé les notifs", raconte Tiphaine. "On avait le wifi à la maison et sur notre lieu de travail mais c’est tout, nous nous sommes dit qu’il fallait vivre la mission à 100% et lorsqu’on reçoit à tout moment des messages ou des notifs, cela entrave la rencontre sur place". Sans compter que recevoir sans cesse des photos ou des messages liés à la vie en France qui continue n’est pas évident à gérer. "Rester dans la boucle WhatsApp des copains et voir tout ce qu’on rate, ça fait faire un grand écart, ça peut attrister, faire rêver, et empêcher de s’ancrer dans la mission", alerte Bruno.

"Au début de la mission, j’ai envoyé pas mal de messages, cela répondait aussi à une volonté de dire que tout allait bien, de rassurer nos familles et nos amis", raconte Laurent. "Et puis je me suis rendu compte que cela ne servait à rien de garder une communication foisonnante, parce que la qualité des échanges diminue et c’est parfois frustrant de se sentir incompris". Tout est donc question de mesure. Pour Laure, ce nouvel équilibre s’est fait assez naturellement : "Quand on est bien dans sa mission, l’éloignement ne pèse pas trop !".
Une autre problématique est celle des familles qui partent avec leurs enfants, avec qui les grands-parents veulent rester en lien. "C’est tout à fait compréhensible de vouloir les voir grandir, de conserver le lien, mais pour les enfants, ce n’est pas toujours évident d’être ramenés à leur vie d’avant, là encore, il faut doser la communication pour leur permettre de s’ancrer dans leur nouvelle vie", souligne le chargé de recrutement.
Une nouvelle manière de communiquer
Il s’agit donc d’adopter une autre manière de communiquer, moins fréquente, moins immédiate. Et qui demande d’être expliquée à ses proches, pour éviter qu’ils soient surpris ou déçus. "Si on a l’habitude d’appeler ses parents plusieurs fois par semaine, ou de tout partager avec ses amis, il est bon, avant de partir, de les prévenir qu’on sera moins connecté", conseille Bruno. Cela ne signifie pas ne plus donner de nouvelles ! Mais d’en donner différemment.

Anne et Alexis en ont fait l’expérience et en ont tiré un bel enseignement qu’ils essaient de faire perdurer depuis leur retour en France. "Le fait d’avoir pris du recul sur la manière de communiquer nous invite à essayer de communiquer de manière plus qualitative", soulignent-ils. "C’est super les boucles WhatsApp familiales, mais parfois, le moindre événement est communiqué à tous ! On a perdu cet effort intellectuel qui consiste à choisir ce qu’on dit et ce qu’on ne dit pas. L’instantanéité ne laisse plus de place à une communication soignée, profonde." Autre leçon retenue par Laurent et Laure : intégrer une forme de rationnement dans la manière de communiquer. Au Cameroun, ils avaient accès à Internet, mais pas de manière illimitée comme en France. "Cela nous a fait du bien de revenir dans un univers où les gigas et les megas étaient comptés, une décroissance positive."
Le rapport de mission et les visites des proches
Le "rapport de mission" invite à adopter un mode de communication non pas fondé sur la spontanéité et l’immédiateté, mais sur la réflexion et la prise de recul. Rédigé par les volontaires, il est envoyé à leurs proches tous les trois mois, afin de témoigner en profondeur de la mission. L’occasion de partager en profondeur son expérience, d’expliquer ce que l’on vit sur le terrain, une discussion qu’il est parfois difficile d’avoir au téléphone. Louis en est le premier convaincu ! "La Thaïlande est un pays hyperconnecté, donc c’était facile de donner des nouvelles, mais ce que j’ai préféré, comme support, c’est le rapport, parce qu’on peut vraiment expliquer longuement ce que l’on fait au quotidien, partager ses joies, ses peines…"

La mission n’exclut pas non plus la visite des proches sur place. Louis a eu la joie d'accueillir les siens sur son lieu de mission. "Mes parents, et quatre amis, sont venus me voir en Thaïlande", précise-t-il. "C’était plus facile, au retour, de parler de ce que j’avais vécu là-bas puisqu’ils en avaient été témoins." Laurent et Laure ont également reçu la visite de leurs parents respectifs alors qu’ils étaient au Cameroun. "Il y a quelque chose de particulier avec les personnes qui sont venues nous voir parce qu’elles ont vu à quoi ressemblait notre quotidien là-bas, et puis cela permet de nous rendre compte du chemin parcouru", souligne Laure. "Ceux qui nous rendent visite sont un peu bousculés, au début, par les conditions de vie, la chaleur, l’accès à l’eau potable etc… Comme nous au début, et puis finalement, on se rend compte comme tout cela est accessoire par rapport à la richesse des relations humaines".
En partenariat avec Fidesco
Pratique
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