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"Aujourd’hui, je reçois des jeunes qui passent 10 à 15 heures par jour sur les réseaux ! Au détriment de toute autre activité, de toute socialisation, pourtant essentielle à cet âge", constate Sabine Duflo, psychologue clinicienne, spécialiste des écrans de l'usage des smartphones et fondatrice du collectif "Surexposition écrans" (CoSE). Face à ces dérives et à des comportements d’addiction, le Collectif Attention, qui regroupe une dizaine d’associations, donne de nouveaux repères pour encadrer l’usage des écrans et notamment d’Internet. Jusqu’à présent, les balises 3-6-9-12 imaginées en 2008 par le psychiatre Serge Tisseron faisaient référence pour donner des repères clairs selon l’âge de l’enfant. Mais les dernières études et observations cliniques tendent à restreindre encore davantage l’accès aux écrans et à Internet. "Un consensus scientifique net se dégage sur les conséquences néfastes des écrans sur plusieurs aspects de la santé somatique des enfants et des adolescents", affirme le rapport rendu par la commission "Enfants et écrans" en avril 2024. De ce fait, de nombreux médecins et psychologues, en France et à travers le monde, revoient à la hausse l’âge conseillé d’accès au numérique.
Le rapport de la commission "Enfants et écrans", présidée par Servane Mouton, neurologue, et Amine Benyamina, psychiatre, préconise notamment de "promouvoir une progressivité dans l’accès aux écrans et les usages qui en sont faits par les mineurs, en fonction de leur âge". Dans cette logique, la commission propose des bornes d’âge "repères" : pas d’écran avant 3 ans, un usage "fortement limité" et "occasionnel" entre 3 et 6 ans, et par la suite "une exposition modérée et contrôlée". Quant aux téléphones portables, la commission les déconseille avant l’âge de 11 ans. Entre 11 et 13 ans, si l’enfant a un téléphone, il est recommandé qu’il soit sans connexion à Internet. La commission recommande en ce sens de privilégier des téléphones "briques" ou "à clapet" à cet âge. À partir de 13 ans, si téléphone il y a, il ne doit pas permettre d’accéder aux réseaux sociaux. Enfin, à 15 ans, âge symbolique de la majorité numérique, l’accès aux réseaux sociaux devrait être limité à ceux pourvus d’une "conception éthique".
Le 5-10-15 des écrans
Le collectif Attention va même au-delà des préconisations faites au gouvernement, en formulant de nouveaux repères : les 5-10-15 : pas d’écran avant 5 ans, pas plus d’une heure par jour avant 10 ans et pas de smartphone avant 15 ans. Selon les experts, l’accès non accompagné à Internet expose inexorablement les jeunes à des contenus inappropriés. "Pour les réseaux sociaux, je préconise de respecter au moins la limite d’âge actuelle qui est 13 ans (avec accord parental, N.D.L.R.). Mais idéalement, pas avant 15 ans, c'est-à-dire l’entrée en seconde", souligne Sabine Duflo auprès d’Aleteia. Elle recommande également aux parents de télécharger sur leur propre téléphone les différents réseaux sociaux afin de se faire une idée des plateformes sur lesquelles leur enfant passe du temps. "Certains réseaux sont faits pour scroller indéfiniment sur des vidéos, il en est ainsi de TikTok ou d'Instagram, avec les réels. D'autres réseaux comme WhatsApp servent plus à la discussion. Dans tous les cas, il est essentiel de discuter en amont avec son adolescent des réseaux qu’il a l'intention de télécharger, et de le prévenir des dangers. Selon moi, le plus dangereux est TikTok, car c'est le plus addictif".
Le seuil des 15 ans n'a pas été choisi au hasard. D'une part, il correspond à la majorité numérique, instaurée par la loi du 7 juillet 2023 en France pour l'accès aux réseaux sociaux. La majorité numérique correspond à l’âge à partir duquel "un mineur peut consentir seul à un traitement de données à caractère personnel", autrement dit, à l'âge à partir duquel un mineur peut s'inscrire sur des réseaux sociaux sans autorisation parentale. D'autre part, il a été défini en fonction de ce que nous savons du développement psychoaffectif et cognitif de l’adolescent. Et 15 ans correspond à un stade de développement permettant à l'adolescent d’appréhender correctement cet environnement complexe et particulier qu’est le monde numérique.
Depuis cinq ans déjà, le groupe Facebook Parents unis contre les smartphones avant 15 ans regroupe des parents qui veulent résister à la pression émise aussi bien par la société que par leur adolescent. Un groupe qui rencontre un certain succès puisqu’il compte plus de 20.000 membres. Certains d’entre eux témoignent de leur vécu et de leurs expériences (et de celles de leurs enfants) : les notes qui remontent après un usage contrôlé du téléphone, la fausse mise à l’écart de ceux qui n’auraient pas WhatsApp, la remise en question des parents face à leur propre utilisation, les dégâts de la pornographie… Le groupe permet de tenir bon, de se dire qu’on n’est pas tout seul dans la "lutte", et que ce n’est pas vrai que "tout le monde en a un". Une mère de famille a récemment confié qu’elle était sur le point de céder mais qu’elle avait désormais, grâce au groupe, les arguments pour dire non. Et pour l’expliquer à sa fille.
