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Attendre et voir, telle était l’attitude de nombreux observateurs après la prise de pouvoir en Syrie d’Ahmed al-Sharaa et de son groupe. En ce début mars, de nombreuses craintes se sont révélées justifiées quand les massacres ont commencé à toucher la communauté alaouite.
Tout commence le 4 mars, à Lattaquié. Des membres du groupe Hayat Tahrir al-Cham ou HTC ("Organisation de libération du Levant"), désormais au pouvoir à Damas, auraient été tués, pour une raison inconnue, dans un quartier de la ville. En représailles, HTS a encerclé la zone et a lancé une attaque à l’arme lourde. Les vidéos montrent des islamistes à bord de pick-up tirant sur les façades et les civils croisés dans la rue.
Le 5 mars, des hélicoptères ont attaqué le village alaouite de Dalieh, lieu réputé de pèlerinage, où se trouve une centaine de mausolées. Là aussi, de nombreux morts sont à déplorer. Le 6 mars, des convois armés ont tenté de prendre la montagne alaouite, lançant plusieurs attaques près du littoral, attaques qui ont duré au moins jusqu’au 10 mars. Le bilan de ces massacres dépasse le millier de victimes. Si ce sont essentiellement des Alaouites qui ont été touchés, la crainte envahit toutes les communautés de Syrie.
Les Alaouites sous menace
Communauté ethnique qui représente environ 10 % de la population syrienne, les Alaouites ont toujours été en marge de la société, rejetés par les musulmans qui les considèrent comme des hérétiques, leur religion proche du chiisme étant un mélange d’islam, de christianisme et de gnose. Lorsque l’alaouite Hafez el-Assad prend le pouvoir en Syrie, puis son fils Bachar, la communauté accède à des postes à haute responsabilité, au grand dam des sunnites et des chiites. Le renversement du clan Assad a rendu les Alaouites à leur situation précaire. Beaucoup de Syriens, dont les membres de HTS, veulent se venger des années Assad.
Or, si les Assad sont bien des Alaouites, tous les Alaouites n’étaient pas des partisans d’Assad. La répression qui s’abat sur eux ne fait aucune distinction entre soutiens et opposants de l’ancien régime, une répression qui avait commencé avant les attaques de mars, par des enlèvements et des assassinats ciblés, à Damas et dans la région alaouite. La communauté craint désormais une épuration ethnique, d’autant qu’ils disposent de peu d’armes et de faibles moyens de résistance. Ce qui est craint également, c’est que la répression dépasse le cadre de la région littorale, là où les Alaouites habitent, pour déteindre sur toute la Syrie.
Des groupes islamistes sans coordination
Les groupes islamistes qui sévissent aujourd'hui en Syrie ne sont pas encore structurés et organisés. Ce sont, pour la plupart, des groupes violents, qui échappent au contrôle du gouvernement. Il est également possible que celui-ci laisse faire, permettant à d’autres d’endosser le travail d’épuration. Parmi les officiers qui dirigent ces groupes armés, rebaptisés à tort "armée syrienne", on trouve de nombreux étrangers venus d’Albanie, d’Égypte, d’Algérie et de France. Une armée internationale qui démontre que ce qui se passe en Syrie concerne au premier chef les Européens, tant les vagues de violence pourraient un jour toucher les côtes de l’Europe.
Effritement communautaire
Les chrétiens sont, pour l’instant, relativement épargnés par les violences, même si plusieurs morts sont à recenser. Un prêtre a été assassiné à Tartous, des églises ont été attaquées, des chrétiens ont été violentés à Damas, où des magasins ont également été visés, sans que cela puisse toujours être désigné comme des attaques communautaires : dans un grand nombre de cas, ce sont des violences de droit commun, témoins de la disparition de la sécurité publique à Damas et dans les grandes villes.
Les attaques contre les Alaouites détruisent l’idée même d’une Syrie unie. Les communautés, druzes, kurdes, alaouites, chrétiennes, comprennent qu’elles doivent se défendre seules et s’organiser dans le territoire qui est le leur, notamment pour assurer leur sécurité. La question de la responsabilité du gouvernement actuel est également posée. Laisse-t-il faire ? Organise-t-il ces violences en s’appuyant sur d’autres groupes ? Est-il impuissant à les juguler ? Toujours est-il que s’il veut bénéficier d’une reconnaissance et d’un soutien international, il doit les faire cesser et assurer la sécurité de l’ensemble des Syriens.