Campagne de Carême 2025
Ce contenu est gratuit, comme le sont tous nos articles.
Soutenez-nous par un don déductible de l'impôt sur le revenu et permettez-nous de continuer à toucher des millions de lecteurs.
Lorsque la perte d’un bébé in-utero survient, c’est toute la famille qui s’en trouve bouleversée. "On se rend compte que c’est toute la famille qui est déstabilisée par la fausse couche", affirme Anne Murard, écoutante au sein de l’association AGAPA, responsable de groupes de paroles et de parcours d’accompagnement individuels autour du deuil périnatal. En effet, comme les parents sont en détresse, les enfants sentent que quelque chose ne va pas, et vont réagir face à ces émotions. "Les enfants comprennent tout. Quand ils sont petits, ils ont davantage le risque de se sentir en insécurité, car les parents, tout à leur peine, peuvent sembler moins présents." Anne Murard précise d’ailleurs que c’est davantage la peine des parents qui va déstabiliser les enfants, plutôt que la perte d’un petit frère ou d’une petite sœur. Certains vont même se sentir coupable de la douleur de leurs parents.
C’est ce que raconte Claire : alors qu’elle était déjà mère de cinq filles, elle a perdu un petit bébé. "Je ne leur avais pas encore parlé du bébé. La plus grande, qui avait alors neuf ans, a tout de suite compris que quelque chose n'allait pas car je pleurais beaucoup. Elle m’a demandé pourquoi je n’allais pas bien. Je les ai toutes prises dans le salon pour leur expliquer ce qui m’arrivait. Les plus grandes se sont mises à pleurer et étaient très déçues. Mais l’ainée était surtout inquiète pour moi. Je leur ai expliqué que malheureusement cela arrivait et que ce n'était la faute de personne. Je leur ai dit que j’allais être triste pendant quelque temps, mais que bien vite reviendrait la joie, car la vie reprenait toujours le dessus."
Mettre les bons mots
Le rapport à la mort chez les enfants est très différent de celui des adultes. Avant l’âge de cinq ou six ans, le concept de mort n’est pas intégré par l’enfant, car il n’a pas encore acquis les notions d’universalité et d’irréversibilité, cela viendra plus tard. C’est pourquoi, selon, Anne Murard, il est très important de mettre des mots précis sur ce qui se passe. "Il me semble qu’il faut pouvoir employer le mot "mort". Les termes comme "parti" ou "endormi" sont très vagues pour les enfants. Un enfant peut par exemple comprendre que le bébé va revenir. Alors qu’il est important qu’ils en comprennent le côté définitif. Employer des termes précis peut aussi les aider, ainsi que les parents, à faire leur deuil. Cela les ancre dans le réel. On peut faire confiance aux enfants. En leur disant la vérité, ils se sentent reconnus et respectés".
Il faut pouvoir employer le mot "mort". Les termes comme "parti" ou "endormi" sont très vagues pour les enfants.
Il faut savoir être prudent, notamment avec les non-dits, qui peuvent être sources d’angoisses ou de traumatismes. Lors de sa deuxième fausse couche, Élise avait deux enfants de 8 et 3 ans : "Souffrant d’endométriose, il m’était difficile de tomber enceinte sans traitement. Or, cette grossesse est arrivée naturellement, alors que nous n’osions plus y croire. Malheureusement j’ai rapidement perdu ce bébé et le choc de la nouvelle a été extrêmement violent. Nous en avons tout de suite parlé aux enfants, d’abord pour expliquer les allées et venues de maman à l’hôpital, mais surtout pour qu’ils comprennent pourquoi nous étions tristes. Nous ne voulions surtout pas de secret ou de non-dits dans notre famille."
Partager ses émotions
Même s’il est normal pour les parents de garder certaines choses pour eux, il est important de savoir montrer ses émotions. Si les enfants n’ont pas le droit d’avoir accès à toutes les informations, ils ont droit à la vérité.
Marion confie, que lors de sa fausse couche, survenue à un mois et demi de grossesse, elle a fait le choix de le dire tout de suite à ses enfants, et que cela l’a aidé à vivre son deuil : "Lorsque mes ainés avaient trois et deux ans, j’ai perdu un petit bébé que nous avions beaucoup espéré. Nous avons fait le choix de leur expliquer ce qui s’était passé parce que je pleurais beaucoup. C’était important pour nous de ne pas créer de tabou ou de stress pour les enfants, et de leur expliquer simplement. Un petit bébé avait commencé à vivre dans mon ventre, il était trop faible pour vivre, et c’était sans doute mieux pour lui de partir et d’aller vivre auprès du Bon Dieu. J’étais fatiguée et triste, mais ce n’était en aucun cas leur faute. Ça faisait partie de la vie, mais la vie continuait. Les enfants ont été très doux et très tendres avec moi, et même un peu plus sages que d’habitude. J’ai pu vivre mon petit deuil sans avoir le sentiment de cacher les choses ou de trop prendre sur moi devant les enfants. Cela m’a aidé à me ressaisir vite."
Donner sa juste place au bébé
Certaines familles choisissent de donner une place, petite ou grande au bébé décédé. Le deuil est quelque chose d’intime et personnel, et chaque famille fait selon ses besoins. Il arrive qu’un prénom soit donné à ce petit bébé, par exemple. Marion confie encore : "Je pense que ce bébé m’ouvrira la porte du Ciel, et j’ai ajouté un petit ange dans notre coin prière pour le représenter".
Mais parfois, ce sont les enfants qui en parlent d’eux-mêmes. Les parents font face aux questions, parfois déroutantes, et même douloureuses, de leurs enfants à propos de leur petit frère ou petite sœur. "Charles, qui avait deux ans quand j’ai perdu mon bébé, nous en parle beaucoup, trop souvent, ça m’énerve presque, raconte Marion. C’est un enfant très sensible. Il en parle facilement autour de nous, alors que moi-même je n’ai pas forcément envie d’en parler avec tout le monde et surtout avec n’importe qui. Mais il me pose beaucoup de questions et donne une place importante à ce bébé. Pour moi, ce bébé a évidemment une place, mais cela reste dans une sphère très privée."
Pour les quatre enfants d’Élise, les petits bébés qu’elle a perdus font partie de la fratrie : "Ils connaissent l’existence de ces petits frères et sœurs partis trop tôt et répètent souvent : En fait, nous sommes sept enfants". Anne Murard conseille de ne pas ignorer les questions des enfants, même si elles semblent inopportunes. "Pour l’enfant, s’il y a question, c’est que c’est important pour lui. Si ce n’est pas le bon moment, on peut par exemple dire à l’enfant : J’ai entendu ta question, je prendrais le temps d’en rediscuter avec toi plus tard."
Chaque famille, à la lumière de son histoire, est impactée différemment par le deuil périnatal, mais la vie semble toujours reprendre le dessus. "Je suis épatée par la force de vie des familles. Il existe une réelle espérance, la vie est plus forte" conclut Anne Murard. "De tout malheur, Dieu fait sortir quelque chose de bon, ajoute Claire. Je sais mieux combien la vie est fragile et combien elle doit être respectée. Grâce à cette épreuve, je suis plus à l’écoute des souffrances des autres mamans qui peuvent la traverser".
Pratique