Campagne de Carême 2025
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À Pithiviers, la famille de Clock forme une grande bulle d'amour autour de Jean, 6 ans. Petit dernier d’une fratrie de quatre, il a été un bébé surprise. "C’était une belle surprise, et quelle surprise !", s’exclame sa mère Lise, 42 ans. Durant la grossesse, ni même après l’accouchement, rien ne présageait les problèmes de santé du petit garçon. Parents de trois autres enfants, Emmanuel, Éléonore et Margaux (âgés respectivement de 18, 16 et 12 ans), ils n’étaient pas inquiets du fait que Jean se mette à marcher et à parler tardivement. "Il a marché à 23 mois. Et, petit, il ne parlait pas vraiment. Mais on se disait que chaque enfant avance à son rythme. Nous pensions que son retard se rattraperait", raconte sa mère qui travaille comme principale adjointe dans un collège. Une vraie prise de conscience est survenue autour des 3 ans de Jean. Un pédiatre orléanais diagnostique pour la première fois des troubles du neurodéveloppement.
C’est alors que le couple est dirigé vers la plateforme de coordination et d’orientation du Loiret. Kiné, ophtalmo, ORL, psychomotricien, orthophoniste… Jean commence un suivi avec un pédiatre du centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP) d’abord à Orléans, puis à l’hôpital de Pithiviers. Ses parents montent un dossier pour qu’il puisse bénéficier d’un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) à l’école. "Actuellement, il est scolarisé en CP avec l’appui du dispositif ULIS à l’école de Gaulle, dans le centre-ville de Pithiviers. Grâce à cela, il a vraiment progressé", explique Lise, qui voulait, avec son époux, mettre un nom sur ce que vivait Jean, bien que le petit garçon ait déjà été reconnu comme étant handicapé. "Nous avons passé beaucoup d'examens et la seule chose qui nous restait était une analyse génétique. Jean était alors en moyenne section. La réponse à nos questions est tombée le 14 juin 2024 : syndrome de Kleefstra". Cette maladie génétique rare se caractérise par des troubles du neurodéveloppement, au niveau moteur et du langage, ainsi que par une déficience intellectuelle qui peut être modérée comme sévère. Elle touche un enfant sur 120.000 et n’a été découverte qu’en 2010.
De la peur à l’acceptation et à la joie
"C’était hyper violent de l’apprendre, car génétique veut dire que c’est à vie, ça ne changera jamais. Son gène sera défaillant quoi qu’il en soit", se souvient Lise. L’annonce de la maladie n’a pas été simple à vivre non plus pour le frère et les sœurs de Jean. Margaux a eu un peu peur, tandis que sa sœur Éléonore avoue être passée du déni (espoir qu’il s’agit juste d’un retard rattrapable), à l'acceptation et au soulagement, car désormais la famille a pu mettre un nom sur la maladie et Jean bénéficie des soins adaptés. Le père de famille, lui, s’est senti soulagé, car il était convaincu qu'il y avait quelque chose. "Il reste une certaine inquiétude aussi quand on sait ce qui peut advenir en grandissant. J'en conclus qu'il faut profiter de l'instant présent, chaque progrès est une victoire", confie Raphaël, 45 ans. "Je me souviens m’être dit qu’on venait de se prendre un mur en plein dans la tête, mais que cela nous ouvrait plein de portes", déclare de son côté Lise.
Des portes, ils en ont vu s’ouvrir devant eux, à commencer par celles de l'association KLEEFSTRA SYNDROME FRANCE. "Nous avons pris un rendez-vous avec la présidente dès le lendemain de notre visite chez le pédiatre". Depuis, le couple a fait connaissance avec d’autres parents d’enfants ayant le même syndrome. Lise et Raphaël comprennent mieux certaines des attitudes de Jean et savent à quoi s’attendre plus tard : "Plein de choses peuvent se développer par la suite, comme des régressions, une incapacité de marcher, de parler, voire des troubles psychotiques. Mais on envisage les choses une par une. Et on aime Jean et on va l’aimer quoi qu'il arrive". La famille milite pour faire connaître la maladie du petit garçon et a même participé à un concours vidéo lancé par Anddi-rares, une des 23 filières de santé des maladies rares, sur le thème "Réalités singulières : Mettez en scène l’invisible". "Nous voulions montrer que malgré notre quotidien pas toujours simple, nous sommes une famille heureuse".
"Jean est notre rayon de soleil", assurent en chœur les de Clock. Lise et Raphaël estiment que leur couple est devenu plus fort. "Cela nous a rapprochés. On ne s'enferme jamais chacun dans son coin. Jean, à son tour, nous remonte le moral. On accueille cet enfant comme les autres", explique Lise. La mère de famille, qui avoue être devenue plus patiente grâce à son fils, estime aussi que Jean a apporté quelques changements au sein de la fratrie : "Leur relation est devenue plus forte. Jean a resserré tous les liens. Le jour de son baptême, son père a trouvé dans la rue une pièce de puzzle, c’était un clin Dieu. Cette pièce était toute abîmée, détrempée, on ne voyait plus l’image qu’elle représentait. Jean est la pièce de puzzle qui manquait à notre famille, même "abîmée": sans cette pièce, le puzzle ne peut être complet".
Les parents avouent aussi que leurs aînés sont d’un grand soutien. Margaux aide son frère à apprendre des poésies, fait la cuisine avec lui. "J'ai appris à m'en occuper, je veux devenir maîtresse depuis qu'il est là. Jean me permet de jouer, c'est important pour moi de prendre du temps pour lui, c'est une mission que je me donne, si ce n'est pas fait, la journée n'a pas été bonne", confie l’adolescente. Leurs amis sont également touchés par Jean. "Tout le monde l'aime, quand mes copines viennent, ça ne me dérange pas qu'il vienne avec nous. Elles sont toutes fans de lui", glisse Éléonore.
Un regard différent sur le handicap sous le regard de Dieu
Si le petit garçon au sourire attachant a soudé les liens familiaux, il a aussi changé le regard des personnes qui l'entourent sur le handicap. "Je suis enseignant au lycée et mon attention aux élèves à besoins éducatifs particuliers est plus importante. Le fait de consacrer du temps à Jean nous oblige à donner du temps aussi à nos autres enfants", précise le père de famille.

"Dieu nous aide à regarder les choses différemment". Toute la famille s’est même rendue à Lourdes cet été pour s’occuper des malades. “Je ne voulais pas y aller. La dernière fois que j’y suis allée, j’avais 15 ans, j’avais peur du handicap. Mais depuis, cela a changé mon regard”, explique Lise. La mère de famille n’est pas la seule à s’en être sortie métamorphosée. "J'avais des a priori sur le handicap ; ça m'a ouvert aux personnes handicapées ou pas, ça m'a permis de mieux accepter les différences. On a tous nos particularités", explique Emmanuel. De son côté, Jean a découvert que le handicap n’était pas seulement lié à sa propre maladie, mais aussi à d’autres types de handicap. La famille prévoit de retourner à Lourdes l’année prochaine, tous ensemble, car c’est aussi et surtout le credo de la famille de Clock : "ne pas oublier qu’il n’y a pas que Jean". "Jean a vraiment une place particulière, car sans les trois autres, il ne serait pas ce qu’il est, et nous ne serions pas une famille aussi aimante et qui s’aime", confie Lise, qui souligne que "la fraternité se joue maintenant en créant des souvenirs ensemble".
Jean a vraiment une place particulière, car sans les trois autres, il ne serait pas ce qu’il est, et nous ne serions pas une famille aussi aimante et qui s’aime.
Sur ce parcours, la famille peut aussi compter sur la foi. "Le Christ nous invite à ne pas avoir peur, parfois je vis le doute mais je me sens invité à Le suivre", confie Raphaël. Cette foi en Christ est également très présente chez le petit Jean, dont le premier mot a été "Alléluia". D’ailleurs, comme le confie sa mère, en ce temps de carême, il ne comprend pas pourquoi il ne peut pas le chanter. "Quand il avait 3 ans, il a assisté à un sacrement des malades, sans qu’on sache qu’il était malade. Le prêtre l’a béni, et ça m'a retournée. C’était comme s’il appelait à être guéri", se souvient sa mère, qui précise que Jean aime beaucoup aller à la messe durant laquelle il sert le prêtre en y mettant tout son cœur. "Saint Paul disait : "Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien, mais, en toutes circonstances, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes" (Ph 4, 4-6). Nous n’avons pas une vie ordinaire, mais une vie extraordinaire et sur chaque étape de cette vie nous nous appuyons sur Dieu", conclut Lise.