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L’horrible supplice de sainte Apolline

Martyre de sainte Apolline. Détail d'une miniature tirée du "Livre d'Heures d'Etienne Chevalier" de Jean Fouquet (1420-1477/1481). Chantilly, musée Condé.

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Anne Bernet - publié le 08/02/25
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Réputée apaiser les maux de dents, et vénérée à ce titre, sainte Apolline bénéficie d’une iconographie importante, reflet de sa grande popularité. Elle est toujours représentée sous les traits d’une belle jeune fille livrée aux mains de bourreaux sadiques qui, armés de tenailles et de daviers, lui arrachent les dents une à une… Cette imagerie populaire est un pâle reflet de la réalité.

Ce que nous savons d’Apolline tient en trois lignes mais elles sont sorties d’un document de première main, récit inestimable des événements survenus dans sa ville que le patriarche Denys d’Alexandrie rédigea, vers 252, à l’intention de son frère dans l’épiscopat, Fabius, patriarche d’Antioche. À Alexandrie, troisième ville de l’empire évangélisée par saint Marc son premier évêque, le christianisme est implanté de longue date et ses fidèles nombreux. Cela déplait aux habitants restés attachés aux anciens dieux. Les chrétiens, avec leur dieu unique et invisible, dérangent et l’on aimerait s’en débarrasser, ce qui est devenu impossible ces dernières années, car l’empereur Philippe éprouve envers eux une sympathie agissante et les protège. 

Au grand dam des païens d'Alexandrie qui attendent l’occasion de débonder leur haine. Elle vient début février 249. À en croire Denys, un prêtre du Serapeion, le plus grand temple de la ville, a fait de l’éradication des chrétiens une affaire personnelle et, depuis des mois, excite contre eux ses dévots. À l’en croire, si tout va mal, de la crue du Nil qui tarde aux mauvaises récoltes ou à la pénurie de poisson, sans parler des maladies des hommes et du bétail, c’est leur faute. Si l’on veut retrouver la protection des dieux, il faut en finir une bonne fois pour toutes avec ces gens-là. L’argument est à la mode et fonctionne.

Le 8 février, la populace, arrivée à un certain degré d’exaspération, passe à l’acte et agresse un vieux chrétien du nom de Métras qu’elle frappe à le laisser par terre avant de lui percer le corps à coups de roseaux pointus, lui crever les yeux et le lapider sans amener le vieil homme à apostasier. La bande s’en prend ensuite à une jeune femme, Quinta, conduite de force au temple et qui, puisqu’elle refuse de sacrifier aux idoles  est traînée par les cheveux à travers les rues, en prenant soin de la cogner contre les bornes, frappée à coups de fouet et enfin lapidée, elle aussi. Mise en appétit par ces meurtres sauvages, la foule pille et dévaste les maisons des chrétiens, volant ce qui possède de la valeur, détruisant ce qui n’en a pas. Les propriétaires sont à leur tour victimes de violences et de tortures, mais, comme l’affirme Denys, aucun n’apostasie, « sauf un, peut-être … » Et Apolline, me direz-vous ? Nous y arrivons.

Une femme d’au moins 50 ans

Parmi les victimes de ce qui n’est rien d’autre qu’une émeute contre laquelle les autorités, complices,  vont mettre un temps fou à sévir, se trouve Apollonia, dont nous avons fait Apolline. Ce prénom qui signifie "fidèle d’Apollon", prouve que cette femme, comme beaucoup de ses compagnons, est une chrétienne de première génération, convertie jeune mais née dans le paganisme. Laissons la parole au patriarche : "Ils prirent aussi Apollonia, vierge d’âge déjà avancé et d’une vertu admirable." L’âge avancé indique qu’elle a atteint la cinquantaine. Donc pas de frêle et gracieuse jeune fille.

Selon certains auteurs, Apollonia, vierge consacrée à la vertu éprouvée, est diaconesse, rôle propre aux églises d’Orient car les usages locaux interdisent l’accès des hommes aux gynécées, les appartements des femmes. Seules d’autres femmes peuvent y entrer les évangéliser. Tel est le rôle d’Apollonia, sans doute discrète puisque les persécuteurs ne l’identifient pas comme une propagatrice de la secte. Ils ne voient qu’une femme mûre, célibataire vivant seule, et pense aisé de la pousser à apostasier.

Un terrible supplice

Ils vont donc commencer par la frapper, alternant gifles et coups de poings de plus en plus violents quand ils constatent qu’elle reste impassible. Bientôt, ils cognent si fort qu’ils brisent les dents de la martyre et lui fracturent la mâchoire. Et ils continuent, persuadés qu’elle va céder mais, plus ils frappent, plus Apollonia, en dépit de la douleur, refuse de renier le Christ. On l’entraîne vers les faubourgs, là où Métras et Quinta ont déjà été suppliciés. Pas question de la lapider, comme eux ; son obstination les a encolérés. Ils veulent qu’elle abjure, ou souffre beaucoup. Alors, dans l’idée d’effrayer enfin cette indomptable, ils préparent un bûcher et lui disent qu’ils vont la brûler vive si elle ne renie pas le Christ. Admiratif, Denys, qui a recueilli des témoignages de première main sur la fin de la consacrée, écrit : « Elle leur réclame un instant de réflexion puis, soudain, ayant pris un peu de recul, elle se jette brusquement dans le feu et son corps y est consumé. »

Telle est la vraie histoire de sainte Apolline, vierge et martyre, qui a supporté les pires tortures pour l’amour de Dieu puis est morte pour le Christ « à un âge avancé », ce qui ne rend pas le martyre plus facile qu’en pleine jeunesse… Même si on s’est contenté de lui casser les dents et la mâchoire, on admettra qu’elle n’a pas volé son titre de patronne des dentistes et de protectrice de ceux que torturent abcès et rages de dents.

En images : les pires supplices des saints martyrs :

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