Waast, prénom germanique, naît dans les années 460. En Périgord, selon des traditions locales, dans le bourg de Villac où une église porte son nom aujourd’hui pour être encore plus précis. Est-ce exact ? Rien n’est moins certain car la région est alors sous la domination du roi wisigoth Euric, arien fanatique et ennemi déclaré du catholicisme, à peine toléré s’agissant des autochtones, et interdit à ceux de son propre peuple. Il y a en réalité peu de chances que Waast, s’il appartient à la noblesse barbare, comme on le prétend, soit né au sud de la Loire, sauf à supposer que son prénom cache, cela se fait alors pour tenter de s’assimiler à l’envahisseur, des origines gallo-romaines et cela expliquerait pourquoi il est élevé dans la foi catholique.
L’autre hypothèse est qu’il soit né près de Toul, en Lorraine, région où il passe la moitié de sa vie. Peu importe, au vrai, de savoir si Waast a quitté ses terres et sa famille pour aller chercher au nord de la Loire un endroit où vivre tranquillement dans la fidélité au credo de Nicée, ou s’il n’a jamais bougé ; l’important est qu’il s’installe à l’écart de Toul dans un ermitage où il se consacre à la prière. Là, sa réputation de sainteté grandit, l’évêque vient en personne voir de quoi il retourne et s’il faut ou non tolérer le personnage. Apparemment convaincu par la rencontre, mais désireux de conserver une certaine autorité sur ce solitaire, il l’élève au sacerdoce, ce qui évite toute dérive possible. La vie de Waast pourrait s’écouler de la sorte, environné d’une authentique réputation de sainteté mais quasi inconnu sorti de chez lui ; Dieu a d’autres vues sur cet homme qui ne doit guère avoir la trentaine.
Waast, le catéchiste de Clovis
Un événement va arracher notre ermite à sa pieuse routine. En juillet 496, Clovis, roi des Francs Saliens occupé à récupérer à son profit ce qui subsiste du pouvoir romain en Gaule afin de se donner une légitimité nouvelle, se rend à Cologne secourir le père de sa défunte première femme, victime d’une attaque des Alamans. L’affaire tourne mal devant Tolbiac. Sur le point de perdre la bataille et la vie, Clovis invoque le Dieu de Clotilde, sa seconde épouse catholique, et promet de recevoir le baptême selon le rite romain si le Ciel vient à son secours. Au même instant, la dernière flèche partie des rangs francs tue le roi ennemi, renversant la situation et accordant à Clovis la victoire.
Convaincu du miracle, le Franc, en redescendant vers Reims, car il entend informer l’évêque Rémi des événements et de son désir d’être baptisé, ne veut pas tarder davantage à se préparer au sacrement. L’évêché le plus proche sur sa route, c’est Toul et Clovis s’y rend, en quête d’un catéchiste qui l’accompagnera pendant son voyage de retour et l’enseignera, ce qui lui fera gagner du temps. L’évêque de Toul confie alors ce nouveau converti exceptionnel à Waast. Lorsqu’il part avec le roi, l’ermite n’imagine pas qu’il ne reverra jamais son ermitage…
Envoyé par Remi à Arras
Après son baptême, Clovis, en effet, désireux d’honorer celui qui a commencé à l’initier aux mystères du catholicisme, et particulièrement ceux du dogme trinitaire, point d’achoppement essentiel avec les ariens, demande à Rémi de le recevoir dans le clergé rémois. Rémi élève Waast au rang d’archidiacre puis le charge de reconquérir la région d’Arras, christianisée au IIIe siècle mais revenue au paganisme après l’invasion de 405 qui a massacré une partie de la population locale et établi des tribus idolâtres à sa place. Waast constate vite l’étendue de la catastrophe et la nécessité de recréer une église si l’on veut convertir ces gens. Clovis et Rémi fondent donc à son intention un siège épiscopal à Arras qu’il occupera quatre décennies.
En fait, Arras, détruite en 451 par les Huns, n’existe plus ; il n’en reste qu’un tas de ruines envahies par les ronces où vivent des bêtes sauvages. C’est ainsi qu’en tentant de retrouver trace du sanctuaire chrétien primitif, Waast dérange un ours qui, loin de l’attaquer, s’attache à lui tel un animal de compagnie. Dans les buissons où vivait le plantigrade, Waast découvre une statue de Notre-Dame. Il en conclut qu’avec l’aide de Marie, il apprivoisera les gens du coin comme il a apprivoisé son ours et c’est, en effet, ce qui se produit.
Il est vrai que le nouvel évêque est aimable, amical, accessible et que, après avoir vécu si longtemps dans la solitude, il ne déteste pas assister à des festins et voir du monde. Que l’on ne s’y méprenne pas, le prélat n’est pas soudain devenu mondain mais il imite le Christ à Cana et évangélise par ce moyen. Ainsi, un soir, invité chez un riche seigneur, constatant que son hôte, très porté sur la boisson, et ceux qui l’entourent, ont déjà forcé sur la cervoise, imperturbable, il trace un signe de croix sur les tonneaux, qui explosent, répandant la boisson et mettant un terme aux beuveries. Puis l’évêque explique au roi qu’un démon s’était caché dans la bière et s’en servait pour pousser les hommes au péché, habile dénonciation des méfaits de l’alcoolisme…
De nombreuses paroisses sous sa protection
Personne n’ose se fâcher tant Waast est aimé pour le bien qu’il fait, les hôpitaux qu’il bâtit, sa charité envers les miséreux, ses dons de thaumaturge et d’exorciste. Peu à peu, le diocèse d’Arras prend forme, l’évêque fonde une abbaye qui prendra ensuite son nom, ramène son peuple à Dieu et commence à étendre ses efforts vers le Beauvaisis. Lorsqu’il meurt, le 6 février 540, saint Waast a reconquis au Christ tout le nord de la Gaule, où les paroisses placées sous sa protection restent nombreuses. Son ours apprivoisé est toujours figuré, tenu en laisse, à ses côtés.
![Clovis a-t-il vraiment été baptisé en 496?](https://wp.fr.aleteia.org/wp-content/uploads/sites/6/2018/01/web3-the-baptism-of-clovis-remi-de-reims-saint-remi.jpg?resize=300,150&q=75)