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François de Sales, le conquérant de la douceur

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Anne Bernet - publié le 23/01/25
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Fêté par l’Église le 24 janvier, saint François de Sales, noble savoyard puis évêque de Genève dans une région marquée par les conflits entre catholiques et protestants, ne s’est jamais départi de son éloquence, sa douceur et son calme lorsqu’il s’adressait aux petits et les grands de ce monde pour œuvrer en faveur de la paix et du Christ.

Quand François de Sales vient au monde, le 21 août 1567, au château de Sales, près de Thorens en Savoie, l’Europe est en feu, la chrétienté aussi. La Réforme a dressé les chrétiens les uns contre les autres, engendré guerres civiles et étrangères interminables, mais aussi conduit l’Église à se réformer, sans qu’il soit encore possible d’imposer partout les directives du concile de Trente. Certes moins brillante que celle de France, la cour de Savoie, à cheval sur les deux versants des Alpes, s’ingénie pourtant à la copier. On y cultive l’honneur aristocratique jusqu’à l’outrance et au péché mortel, quand les susceptibilités conduisent au duel et à la mort d’un des combattants. L’immensité des malheurs du temps durcit le cœur et finit par rendre indifférent à la souffrance des pauvres, les passions politiques, et théologiques, conduisent à prendre en haine l’adversaire que l’on excommunie ou massacre.

Souffrance, opposition et indifférence

C’est dans cette conception du monde que les jeunes nobles sont élevés. Et c’est celle que son père, dévoré d’ambition pour ce fils aîné, tente d’inculquer à François. Penser qu’il n’en restera rien serait une erreur. Toute sa vie, François de Sales devra lutter contre son premier mouvement, fruit de l’éducation reçue dont il a, à la sortie de l’enfance, compris qu’elle allait à rebours des préceptes évangéliques. Peut-être est-ce, outre une vocation réelle et précoce, ce qui l’incite à choisir l’état ecclésiastique où il sera préservé des pires dérives de son monde. En attendant d’en informer ses parents, François se plie à leur volonté en fils obéissant et, après des études à Annecy, les poursuit à Paris. Tout juste insiste-t-il pour être inscrit au collège de Clermont, tenu par les jésuites, dont les exigences morales le rassurent. Il a raison car cet adolescent blond et gracieux, au regard et au sourire, dira-t-on, d’un charme irrésistible, ne serait guère en sécurité sans cela, dans les salons qu’il fréquente où l’on s’étonne vite de son intelligence et d’une culture déjà impressionnante. Les fils de saint Ignace l’en félicitent, un peu trop peut-être, tout comme ses camarades qui, étonnés de ses principes austères, le surnomment l’ange…

Quelque tentation d’orgueil le menacerait-il ?

En 1586, François, qui vient de prononcer en secret un vœu de chasteté et de virginité coupant court aux ambitions paternelles ; est soudain la proie d’une terrible crise spirituelle. S’étant trop passionné pour la question de la grâce soulevée par Luther et son corollaire, la prédestination, prétendant que Dieu sauve ou perd qui bon lui semble, sans tenir compte des œuvres bonnes ou mauvaises, le jeune homme se persuade qu’il pourrait faire partie de ces infortunés voués à l’enfer quoiqu’ils fassent, pensée qui le conduit au désespoir. Il se jette alors aux pieds de Notre-Dame de bonne délivrance, voisine de son domicile, et prononce devant elle une prière d’abandon, d’amour et de confiance si belle qu’il est, par miracle, libéré en une seconde de cette tentation, apprenant aussi qu’en dépit de ses dons, mieux vaut s’appuyer sur Dieu que sur la sagesse humaine. Il est désormais mûr pour le rôle qui l’attend. Il gagne Padoue pour préparer un doctorat de droit qui devrait lui ouvrir les portes du Sénat de Savoie, avenir qu’il refuse, à la prévisible fureur paternelle mais François tient bon, et en mai 1593, il est ordonné prêtre, puis nommé chanoine quand l’évêque de Genève, Mgr Granier, chassé de son siège épiscopal devenu bastion calviniste et replié sur Annecy, s’attache ce jeune homme si doué auquel il confie la tâche réputée impossible de ramener à la foi catholique les populations du Chablais. François choisit une méthode opposée à celles de son temps ; c’est par la persuasion et l’affabilité qu’il tente de convaincre, usant d’imprimés d’apologétique qu’il fait afficher dans les rues ou distribuer de porte en porte, initiative qui lui vaudra de devenir le patron des journalistes. S’il endure déconvenues, rebuffades, humiliations, M. de Sales ne renonce pas, parvenant même à avoir une conversation avec "le pape des huguenots" qui sera à un doigt de se laisser convertir par ce prêtre catholique assez audacieux pour s’aventurer en ses domaines.

Le succès venant, il retourne à Paris en 1602, négocier avec Henri IV un statut pour ses nouveaux convertis. Ce séjour est pour lui occasion de découvrir l’étonnant renouveau mystique en train de s’épanouir dans la haute société parisienne qui donnera naissance à ce "grand siècle des âmes", correspondant au règne de Louis XIII et à la régence d’Anne d’Autriche. François se lie d’amitié avec Barbe Acarie, future Marie de l’Incarnation, le futur cardinal de Bérulle, le frère Ange, capucin qui fut dans le monde le brillant duc de Joyeuse. La fougue de l’ecclésiastique savoisien impressionne jusqu’au roi, qui se l’attacherait bien mais en août, la mort de Mgr Granier fait M. de Sales nouveau prince évêque de Genève, titre tout honorifique, et bien réel évêque d’Annecy.

Évêque d'Annecy, il reste fidèle à lui-même

Ne changeant rien à ses habitudes, Monseigneur arpente rues et routes savoisiennes, prêchant, enseignant, se préoccupant des pauvres qu’il visite dans leurs taudis, quitte à en rapporter une odeur infecte dont se plaint son entourage, s’attirant cette réponse : "l’odeur punaise des pauvres est la bonne odeur de Jésus-Christ." On se le tiendra pour dit.

Il confesse aussi, directeur de conscience avisé aussi bien des paysans que des grandes dames, ses Philotées. C’est pour l’une d’elles, Mme de Charmoisy, qu’il écrit en 1609 l’Introduction à la vie dévote, où il explique que l’on peut faire son salut dans le monde et l’état où Dieu vous a placé aussi sûrement qu’au fond d’un couvent et sans faire violence à la nature et au bon sens.

Sa douceur est parfois mise à rude épreuve car certains n’aiment pas ses façons, tel ce gentilhomme qui vient sonner de la trompe de chasse et promener ses meutes aboyantes et hurlantes sous sa fenêtre nuit et jour, mais que sa patience finit par désarmer, ou cet autre, entré chez lui et qu’il laisse longuement sans mot dire l’agonir d’insultes. À son jeune frère qui lui demande, indigné, comment il a pu souffrir cela, M. de Sales avoue s’être senti bouillir de colère mais avoir pris sur lui jusqu’au bout pour se taire. On prétend que, sous son bureau, ses pieds, que l’on ne voyait pas mais qui trépignaient de toute la rage contenue derrière son sourire, auraient littéralement creusé le plancher, preuve que violence et orgueil étaient toujours là, l’obligeant à un combat constant.

Proclamé docteur de l’Église en 1877

En 1604, alors qu’il prêche le carême à Dijon malgré une fatigue intense, convaincu qu’il se produira dans cette ville un événement capital, il rencontre une jeune veuve, la baronne de Rabutin Chantal en qui il reconnaît l’aide réclamée à Dieu afin de fonder une communauté féminine d’un genre nouveau. Avec elle, il vivra une amitié mystique rare qui donnera naissance à l’Ordre de la Visitation.

S’usant à la tâche, ne renonçant à rien de ce qu’il estime son devoir, jouant encore à l’occasion les diplomates entre la France, la Savoie et Rome, François s’épuise, mais reste d’abord fidèle à la prière. À ceux qui, le voyant débordé, l’incitent à retrancher sur ses oraisons, il répond : "Quand vous n’avez plus le temps de faire une heure d’oraison, faites-en deux !", remède absolu à l’activisme.

C’est au retour d’un de ces voyages éreintants qu’il doit s’aliter à Lyon et meurt, tué à la tâche le 28 décembre 1622. Il est canonisé en 1665, délai remarquablement bref pour son temps. Pie IX l’a proclamé docteur de l’Église en 1877.

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