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Le charme des commémorations nationales

Commémoration Saint Exupéry - Hommage

Commémoration des 80 ans de la mort de l'auteur Antoine de Saint Exupéry, le 31 juillet 2024.

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Henri Quantin - publié le 15/01/25
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La liste des commémorations nationales de 2025 offre le charme des proximités inattendues, de la reine Clotilde au poète Saint-John Perse en passant par le cycliste Louison Bobet. Malgré quelques biais politiques, observe l’écrivain Henri Quantin, cette promenade à travers l’Histoire nous aide à penser ce qu’est être Français.

On se souvient des polémiques qui marquèrent, en 2011, les cinquante ans de la mort de Louis-Ferdinand Céline : était-il légitime de porter sur la liste des célébrations nationales officielles un écrivain antisémite ? Non, s’indignait l’Association des fils et filles de déportés de France par la voix de Karl Klarsfeld. Oui, rétorquaient ceux qui estimaient qu’on pouvait rendre hommage au rayonnement mondial de l’œuvre d’un grand romancier français, sans cautionner en quoi que ce soit les haines du pamphlétaire. D’autres, non sans raison, jugeaient que Céline se passerait volontiers d’une oraison funèbre prononcée par Frédéric Mitterrand, alors ministre de la Culture.

Peu de polémiques

La liste des commémorations nationales de 2025, publiées par le site du gouvernement France mémoire, semble a priori offrir moins de prises aux polémiques, si ce n’est qu’elle s’ouvre avec "Clotilde, reine des Francs", "vers 475" (méritent célébration tous les anniversaires multiples de 50). En seconde position chronologique, on trouve le "début de la construction de la cathédrale de Beauvais", en 1225. Ceux qui font naître la France en 1789 trouveront peut-être à redire, mais ils se rassureront en constatant l’évidente infériorité des commémorés d’Ancien Régime. Biais idéologique ou épreuve du temps, on ne sait.

On doute que la célébration de la naissance du "théologien et moraliste" Pierre Nicole fasse défiler des étudiants de Sciences Po dans la rue, au cri de "le jansénisme ne passera pas".

Peu de polémiques certaines, disions-nous. On doute que la célébration de la naissance du "théologien et moraliste" Pierre Nicole fasse défiler des étudiants de Sciences Po dans la rue, au cri de "le jansénisme ne passera pas". C’est presque dommage, tant Nicole mériterait d’être dépoussiéré, mais ainsi va le monde des statues du passé : l’oubli est encore le plus sûr moyen de ne pas être déboulonné.

Une promenade à travers l’Histoire

Consulter le site des commémorations nationales n’est en tout cas pas sans richesses. La liste est une promenade à travers l’Histoire, une sorte de discours de Panthéon minimaliste, sans la pénible grandiloquence républicaine. On y savoure le charme inhérent aux proximités inattendues, comme cette année 1925 qui vit naître Michel Piccoli, Jean d’Ormesson et Louison Bobet. Cela peut prendre aussi des allures de discret passage de flambeau ; en cette même année 1925 mourait Érik Satie et naissait Pierre Boulez. Dans cet émouvant pêle-mêle, proche des "Je me souviens" de Georges Pérec, se côtoient de grands hommes demeurés tels aux yeux de tous et d’anciennes gloires désormais uniquement connues des spécialistes : les cent cinquante ans de la naissance du mathématicien Henri Lebesgue susciteront sans doute moins d’articles que les cinquante ans de la mort de Joséphine Baker.

L’égalité devant la mort

Sur la liste de "France Mémoire", toutefois, une forme d’égalité devant la mort s’impose. Le défilé immobile ignore les mots en trop : une date, un nom, une activité. On goûte la sobriété de cette suite de noms à l’allure de litanie d’épitaphes boiteuses, où manque une des deux dates. Exceptionnellement, les membres d’une même famille se trouvent réunis au-delà des siècles. Ainsi le duc de Saint-Simon, né en 1625, voisine-t-il avec son petit-cousin éloigné mort en 1825. Il n’est pas sûr que le nostalgique de Louis XIII, critique sévère des vices de la cour de Louis XIV, approuve les écrits de son descendant, qui raya sa particule au moment de la Révolution française et fut parfois qualifié de "premier socialiste", mais le charme de la liste est précisément-là.

On se prend à penser que c’est peut-être cela, être Français : considérer que tous ces êtres sont un peu nos aïeux, parce qu’ils ont employé peu ou prou la même langue que nous.

Biologistes, compositeurs, philosophes, sculpteurs, architectes, humoristes, médecins, mécènes, ils ont comme seul point commun de nous être désignés comme des prédécesseurs qui méritent une forme de reconnaissance. En 2025, cela ira de la reine Clotilde au poète Saint-John Perse, mort en 1975. On se prend à penser que c’est peut-être cela, être Français : considérer que tous ces êtres sont un peu nos aïeux, parce qu’ils ont employé peu ou prou la même langue que nous (et utilisé peu ou prou l’expression "peu ou prou").

L’art d’hériter

Il nous faut, déclarait récemment Alain Finkielkraut, "réapprendre l’art d’hériter". Les commémorations nationales, malgré leurs biais politiques, peuvent nous y aider. Pour ce qui est de la dette envers les hommes du passé, il n’y a, qu’on se rassure, nul droit de succession à payer. Il y a en revanche, ce qui est une exigence à beaucoup plus long terme, un devoir de transmission.

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