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Année jubilaire : la géopolitique des portes saintes

The Holy Door of St. Peter's Basilica in Vatican City Porte Sainte Basilique Saint Pierre Rome

La Porte Sainte de la Basilique Saint Pierre à Rome.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 02/01/25
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L’ouverture des portes saintes de l’année jubilaire révèle la dimension géographique particulière du christianisme, dont Rome est le centre. Auteur de "François le diplomate" (Salvator) et de "Géopolitique du Vatican" (PUF), Jean-Baptiste Noé montre comment l’Église fait de sa géographie un instrument de diplomatie et de paix.

François est un pape géographe. Au long de son pontificat, il a employé de nombreuses expressions qui dénotent une vision réellement géographique du monde. Il a ainsi comparé la mondialisation à un polyèdre, qui aurait plusieurs centres et plusieurs pôles ; il a régulièrement évoqué les périphéries, notamment existentielles, qu’il oppose donc à un centre ; il a évoqué des lieux et des espaces qui étaient souvent oubliés, comme l’Amazonie (objet d’un synode) et la Méditerranée. Cette année jubilaire ordinaire donne l’occasion d’ouvrir des portes du jubilé et donc de redécouvrir la signification à la fois théologique et géographique de ces portes.

Quatre basiliques pour une histoire

Le jubilé ordinaire se déroule tous les vingt-cinq ans et donne l’occasion de remettre Rome au cœur de la chrétienté. C’est l’une des raisons qui avaient poussé les papes médiévaux à instaurer cette tradition : face à l’Empire et aux prétentions politiques des royaumes et des principautés, le jubilé était le moyen d’affirmer la primauté et la centralité de Rome, et donc le rôle particulier du pape. Le christianisme est profondément géographique, dans le sens où il se manifeste dans des lieux, dont Rome est bien évidemment l’archétype. 

La cathédrale Saint-Jean-de-Latran, cathédrale du pape, est la tête et la mère de toutes les cathédrales du monde. La basilique Saint-Pierre est le lieu où l’apôtre principal est enterré et donc source du ministère pétrinien du pape. La basilique Saint-Paul-Hors-les-Murs est quant à elle le lieu du tombeau de l’apôtre des nations. Située hors des murs de Rome, elle rappelle ainsi que le christianisme va au-delà des murailles pour parler aux nations extérieures, comme Paul qui est parti convertir les païens. D’où la raison pour laquelle le pape adresse des messages urbi, à la ville, c’est-à-dire à Rome, et orbi, c’est-à-dire au monde. Quant à la quatrième basilique majeure, Sainte-Marie-Majeure, elle est la plus ancienne église de Rome consacrée à la Vierge Marie. Elle rappelle ainsi la place prééminente de Marie dans la foi chrétienne. Une foi qui est renforcée par la présence, sous l’autel, d’un morceau de bois de la crèche de la Nativité. C’est ainsi placer à Rome un élément de Bethléem. Ces quatre bâtiments s’inscrivent ainsi dans des lieux qui rappellent et poursuivent l’histoire du christianisme, dont Rome est certes le centre, mais qui rayonnent dans l’ensemble du monde chrétien.

Un jubilé et des portes

Seules ces quatre basiliques peuvent donc disposer d’une porte sainte, ouverte par le pape, et qui invitent les pèlerins à y venir l’année durant. Image du pèlerinage accompli sur la terre, ces portes illustrent aussi le thème du passage, rappelant les Hébreux traversant la mer Rouge, qui eurent la possibilité d’entrer en Terre promise, à la suite de Josué, et plus tard le baptême au Jourdain, qui est lui aussi un passage, et bien évidemment Pâques, dont le nom même signifie "passage". La porte renvoie donc à une symbolique, mais aussi à une histoire, qui s’inscrit dès les débuts de l’Ancien Testament, celle des passages et des terres traversées et habitées, mais aussi à une géographie.

Traditionnellement, les jubilés sont toujours l’occasion de publications nombreuses consacrées aux lieux du christianisme à Rome et aux strates de l’histoire de la ville, invitant l’ensemble des chrétiens à redécouvrir la capitale de la chrétienté. D’où les nombreuses rénovations lancées en 2024, qui ont permis de restaurer des lieux iconiques de Rome, comme la place Navone, la fontaine de Trévi, l’église Saint-Louis-des-Français et la via della Conciliazione. En ce sens, le christianisme, tout en étant mondial, est romain, et s’inscrit dans la culture et la pensée de la romanité.

Des portes au-delà de Rome

Seules les quatre basiliques majeures disposent d’une porte jubilaire. Une exception notable a été faite par le pape en ouvrant une porte dans la prison romaine de Rebibbia. François attache une grande importance aux prisonniers, il a célébré à plusieurs reprises le Jeudi saint dans une prison. Il veut ainsi montrer que le Christ parle à tous les hommes, que l’une des responsabilités des chrétiens est de visiter les prisons et que, même s’ils s’y trouvent de grands criminels, ceux-ci n’ont pas perdu leur humanité et peuvent connaître le chemin de la rédemption et du salut. Comme le larron cloué sur la croix au côté du Christ et à qui celui-ci a promis le paradis à la suite de son repentir. Cette ouverture d’une porte sainte en prison va au-delà du symbole. Elle est d’une grande portée théologique et elle montre, encore une fois, que le pape entend unir le centre et les périphéries.

Un précédent avait été vécu en novembre 2015 quand, lors de son voyage en Centrafrique, François avait ouvert une porte sainte dans la cathédrale de Bangui, à l’occasion du jubilé extraordinaire de la Miséricorde. C’était la première fois qu’une porte sainte était ouverte en dehors de Rome, et qui plus est en Afrique. Cela se voulait un message de miséricorde et de consolation pour un pays ravagé par les guerres. De l’art de faire de la géographie du christianisme un instrument de diplomatie et de paix.

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