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Au Vatican, le repentir d’un marchand d’armes

Vito Alfieri Fontana marchand d’armes

Vito Alfieri Fontana a été marchand d’armes de 1977 à 1993, à la tête de Tecnovar Italiana et ASA, deux sociétés de production d’armes pour le secteur militaire et civil.

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Anna Kurian - publié le 31/12/24
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Fait insolite : c’est un ancien fabricant d’armes qui s’est fait la voix du traditionnel message du pape François pour la Journée mondiale de la paix, ce 1er janvier 2025. Personnalité hors des sentiers battus, l’Italien Vito Alfieri Fontana a vendu des armes pendant 15 ans avant de changer drastiquement de voie pour se dédier au déminage des Balkans ravagés par la guerre.

"Quand j'étais fabricant d'armes, je pensais que la guerre faisait partie de la nature humaine. Les messages appelant à la responsabilité et à la solidarité méritaient un haussement d'épaules, si ce n'est quelques commentaires ironiques". Mi-décembre, dans la salle de presse du Saint-Siège, l’entrepreneur de 72 ans siège au milieu des prélats, témoignant d’une vie passée qui lui noue encore la gorge. Dans les tranchées, narre-t-il en laissant errer son regard, comme rattrapé par ses souvenirs, "on vit la pire condition humaine possible : il n’y a que la peur, la peur, la peur… et puis la mort". 

Dans les cases de son curriculum, Vito Alfieri Fontana a été marchand d’armes de 1977 à 1993, à la tête de Tecnovar Italiana et ASA, deux sociétés de production d’armes pour le secteur militaire et civil. Des doutes, l’homme d’affaires en avait, mais ils n’étaient que passagers. "Les questions morales faisaient surface mais disparaissaient à la pensée que si je n’avais pas fabriqué ces armes, quelqu’un d’autre l’aurait fait", confesse-t-il. 

Ce qui était auparavant normal est devenu pour moi un fardeau.

Le grain de sable cependant a commencé à se glisser dans le mécanisme, le faisant grincer. La conscience de l’entrepreneur s’est laissée rejoindre, au fil du temps, par les questions de ses enfants, par l’opinion publique, et par ses rencontres avec Don Tonino Bello, charismatique évêque italien engagé pour la paix, dont l’histoire garde ses interventions musclées contre la guerre du Golfe. "Ce qui était auparavant normal est devenu pour moi un fardeau, j’ai changé ma vie en essayant d’y remédier", confie Vito Alfieri Fontana. À partir de 1999, il a dirigé des programmes de déminage au Kosovo, puis en Yougoslavie, et en Bosnie-Herzégovine, en collaboration avec des ONG. Il est devenu aussi expert sur des projets innovants de déminage auprès de l’Union européenne. 

Le contact avec la réalité ne fut pas sans choc. "Tu sors d'une bulle privilégiée dans laquelle vit ce 1% de la population qui produit, contrôle et distribue des armes, et tu entres dans un monde que tu ne t'attendais pas à trouver. Un monde où des milliards de personnes veulent et espèrent vivre et coexister en paix", souligne-t-il en appuyant le message du Pape pour le 1er janvier 2025. François y demande notamment de réorienter une part du budget de l’armement vers la lutte contre la faim. 

La folie des mines en Ukraine

Devant les journalistes, Vito Alfieri Fontana fait part de sa détermination à poursuivre malgré les conflits qui flambent de toute part, et ce alors que les États-Unis viennent de fournir des mines antipersonnel à Kiev. "Les Ukrainiens devront perdre 20 ans de leur vie, de leur temps, et au moins 200 démineurs mourront – ce sont les taux d’incidents – pour une folie", répète-t-il, indigné. Et de dénoncer "le jeu de la petite minorité qui gère et alimente les conflits pour ses propres fins". "Ils ont mis ces mines et nous les enlèverons", affirme le converti, devenu un ardent protagoniste de la mise en sécurité des populations. "Ce n’est pas une entreprise désespérée, cela prend du temps mais une nation peut se relever". 

Et s’il est une chose dont est convaincu Vito Alfieri Fontana, c’est que les populations qui sortent de guerre ne doivent pas être redevables aux démineurs. "Rarement mes collègues et moi avons été remerciés. Celui qui a été touché par la guerre […] ne pense pas recevoir une aide fraternelle, mais exige plutôt une réparation pour la douleur inutile dont il a été écrasé", analyse-t-il. "Quelles dettes peuvent avoir envers le reste du monde les populations touchées par les guerres, la famine et l'exploitation ? Je crois que nous devons penser comme le Pape et nous sentir redevables", conclut-il.

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