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[HOMÉLIE] La Visitation, tressaillement en nous de la Parole

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La Visitation de la Vierge Marie par Giotto (1310).

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Norbert Jorion - publié le 21/12/24
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Le frère Norbert, chanoine prémontré de l’abbaye de Mondaye, commente l’évangile du 3e dimanche de l’avent. La Visitation, c’est le mystère de l’incarnation de la Parole qui fait tressaillir Jean-Baptiste. Comment faisons-nous tressaillir cette Parole en nous ?

Cette année, j’ai rencontré plusieurs femmes enceintes, heureuses de leur grossesse, fières de voir leur ventre s’arrondir, joyeuses de sentir la vie grandir en elles-mêmes. Plusieurs d’entre elles m’ont aussi raconté qu’elles sentaient leur bébé bouger : "Il bouge ! Il se retourne ! Il tape de ses petits poings contre la paroi de mon ventre." Et parfois, le papa embraye : "Oui, oui, c’est vrai, alors que j’avais la main posée sur le ventre de ma femme, j’ai senti un mouvement, je crois que c’était son pied !" Cette semaine, j’entendais même une maman m’expliquer que son bébé, qui devait s’appeler Mathilde, avait le hoquet, et que, comme pour Élisabeth, ça tressaillait beaucoup ! J’écoute toujours ce type de discours avec émotion, avec plaisir même, et je songe souvent à la Visitation. Il y a toutefois une différence qualitative, car Élisabeth, sentant son enfant tressaillir en son sein, ne s’est pas dit qu’elle a senti sa petite menotte ou son petit peton, ou que son enfant avait le hoquet, mais elle a su que son bébé avait reconnu que son petit cousin était le Sauveur. La Visitation est plus que l’épisode gentil d’une rencontre entre deux cousines, ou entre deux futures mamans. Cette rencontre concerne la Parole de Dieu sous deux aspects. Que signifie vraiment le tressaillement de Jean ? Et qu’implique-t-il pour nous ? 

Le tressaillement de Jean

La grande poétesse Marie Noël (1883-1967), qui sera un jour bienheureuse s’il plaît à Dieu, avait bien compris que la Visitation était plus qu’une simple cousinade. Dans son poème intitulé Magnificat, elle écrit : 

Soudain le miracle a bougé dans leur âme,
Dans leur corps ! Le silence autour a chancelé.
Elle, la jeune fille, elle, la vieille femme,
Tressaillent : leurs petits entre eux se sont parlé.
(L’Œuvre poétique, 1969)

La rencontre de la Visitation ne se limite pas à la jeune femme vierge avec la femme âgée et stérile, remarque Marie Noël. Elle s’étend au contraire aux enfants que chacune d’elles porte dans son sein. Elle est la rencontre, dans l’écrin de leur ventre, entre Jean et Jésus. Jean, précocement, dès le sein maternel, exerce sa mission de Précurseur : venant avant le Christ, il le désigne. Le tressaillement qu’Élisabeth ressent dans sa chair, c’est l’index de Jean qui montre déjà que l’enfant porté par Marie est le Fils de Dieu. Le mystère de la Visitation, c’est le mystère du passage de relais entre l’ancienne Alliance et la nouvelle Alliance, c’est le mystère du passage entre Jean — celui qui était la voix, selon saint Augustin — et Jésus — qui est le Verbe, rappelle le même Augustin (Sermon 288). Le mystère de la Visitation, ce sont toutes les Écritures d’Israël qui sont faites converger vers Jésus par le dernier des prophètes, afin de le désigner comme le Messie attendu. Le mystère de la Visitation, c’est la reconnaissance de "l’accomplissement [en Marie] des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur" (Lc 1,45). La grossesse de Marie nous tourne vers Noël, que nous fêterons dans moins de soixante-douze heures. C’est l’incarnation qui est soulignée : Marie porte en sa chair celui qui est la Parole, c’est cela qui fait tressaillir Jean-Baptiste.

L’incarnation en nous de la Parole

Le mystère de la Visitation nous lance aussi une invitation. Nous sommes invités à nous approprier la Parole. Interrogeons-nous sur notre rapport à la Parole : la lisons-nous ? La prions-nous ? Benoît XVI a dit un beau jour que "la pratique de la lectio divina, si elle est promue de façon efficace, apportera à l’Église, un nouveau printemps spirituel" (Discours, 16 sept. 2005). Noël n’est pas le souvenir romantique et nostalgique de la naissance d’un enfant à Bethléem il y a deux mille ans. Noël a un sens pour aujourd’hui. Comment est-ce qu’à mon tour, je veux que la Parole naisse en moi ? Comment est-ce que je veux qu’elle s’accomplisse en moi ? Car "le Christ Jésus peut naître mille fois à Bethléem, s’il ne naît pas une fois dans ton cœur, cela ne sert à rien" (Angélus Silésius). 

Comment pratiquer la lectio divina ? C’est très simple, je peux lire une page chaque jour, ou un chapitre tous les jours — les chapitres bibliques sont très brefs — et le lire plusieurs fois, ensuite je me demande ce que la Parole veut me dire concrètement dans ma vie, puis je balbutie une prière au Seigneur : qu’est-ce que je veux demander en particulier ? Et l’oraison se poursuit dans la contemplation. Voilà la méthode de la lectio en quatre étapes : lecture, méditation, prière et contemplation. 

Un nouveau printemps spirituel

C’est à notre portée. Nous pouvons commencer par les textes du dimanche. Essayons de les lire avant de venir à la messe. Oui, c’est à notre portée. Et cela porte du fruit pour toute l’Église. "Un nouveau printemps spirituel", disait Benoît XVI. Cela porte aussi du fruit pour nous-mêmes. Au bout de quelques mois — au bout de quatre mois me disaient des mamans cette semaine — vous sentirez tressaillir dans votre ventre. C’est que la Parole prendra chair et désignera le Sauveur, qui nous a visités pour demeurer avec nous, pour que nous-mêmes demeurions avec lui. 

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