Si la forme de la Croix d'Anjou fait étonnamment penser au symbole de la Résistance française, ce n'est pas un hasard. C'est bien elle que le général de Gaulle a choisie comme signe de ralliement contre l'Allemagne, en 1940, devenant l'emblème de la France Libre. Reconnaissable à sa double traverse, la "Vraie Croix d'Anjou" est une relique d'une grande rareté, puisqu'elle est faite entièrement du bois de la Crucifixion. Il ne s'agit ni plus ni moins que du second plus grand morceau de la Vraie Croix, juste après celui conservé par le Trésor de Notre-Dame de Paris. Et tout comme ce dernier, il sera bientôt possible de le vénérer, non pas en Lorraine, mais bien en Anjou, terre où il appartient depuis le XIIIe siècle, dans un sanctuaire prévu à cet effet.
Aujourd’hui, il est important de donner à voir des lieux empreints de sacré. Ils permettent une catéchèse et d’entrer dans le mystère du Christ qui est là présent au milieu de nous.
Rapporté de Terre sainte par un croisé baugeois en 1244, le fragment est orné au XIVe siècle de pierres précieuses sur les deux faces, qui ont la particularité de ne s'être jamais altérées ni détériorées. La Croix devient ensuite le symbole de la famille d’Anjou. Lorsque le roi René épouse Isabelle de Lorraine, il emporte avec lui la Croix, qui devient à son tour l’emblème héraldique de la Lorraine. C'est dans la chapelle de la Girouardière, à Baugé-en-Anjou (Maine-et-Loire), qu'est abritée cette inestimable relique depuis 1790. Ses fidèles gardiennes sont les sœurs de la congrégation des Filles du Cœur de Marie. Créée en pleine Révolution française par Anne de la Girouardière et René Bérault, curé de Baugé, la congrégation a fait l'acquisition de la croix alors que celle-ci est mise en vente comme bien national. "C'est un héritage que nous gardons depuis notre fondation", explique à Aleteia sœur Sophie, économe de la congrégation. "Au moment où nous sommes nées, cette croix est comme venue apposer le sceau du Ciel. "
Développer un sanctuaire
Depuis quelques années, la congrégation souhaite mettre en valeur la Croix d'Anjou en la rendant accessible à tous. "Jusqu'ici, pour pouvoir vénérer la relique, il fallait en faire la demande aux sœurs et prendre rendez-vous", explique à Aleteia Philippe Clogenson, bénévole au sein de l'association des Amis ambassadeurs de la Croix. "Nous ne voulons pas garder ce trésor pour nous, car il a été légué aussi pour le reste du monde. La Croix du Christ doit pouvoir rayonner au-delà de notre communauté, nous en sommes seulement les gardiennes", précise sœur Sophie. Une décision encouragée et saluée par Mgr Delmas, évêque d'Angers : "En faisant ce choix, en témoignant de cette audace, les sœurs sont fidèles à la volonté de leur fondatrice qui disait au soir de sa vie : 'la croix et les pauvres sont les deux trésors, qu’en mourant, je lègue à mes filles'".
L'objectif est donc de transformer la chapelle actuelle de la Congrégation des Filles du Cœur de Marie en un sanctuaire entièrement dédié à la vénération de la Vraie Croix. Pour cela, les sœurs vont aménager le chœur de la chapelle où elles enchâsseront la relique dans un coffre sécurisé. "Il ne s'agit pas d'une construction ex nihilo mais d'une modification du lieu afin d'en faire un espace qui invite à la contemplation", s'enthousiasme Philippe Clogenson. "En plus de ce lieu de recueillement, une salle pédagogique adjacente à la chapelle sera mise à la disposition des fidèles pour mieux connaître la Vraie Croix."
Le nouveau sanctuaire doit être inauguré le 8 juin 2025 par Mgr Delmas et recevra une bénédiction apostolique du Saint-Siège. Un événement majeur pour le diocèse auquel l'évêque d'Angers convie chacun "à s'unir à la joie des Filles du Cœur de Marie et celle du diocèse", certain que "le rayonnement de la vraie croix débordera largement les frontières de l’Anjou." "Aujourd’hui, il est important de donner à voir des lieux empreints de sacré. Ils permettent une catéchèse et d’entrer dans le mystère du Christ qui est là présent au milieu de nous", poursuit Mgr Delmas. "Il y a de fait un vrai souci d’évangélisation auquel répondra ce sanctuaire. Souvenons-nous de ce que dit le pape François : "un sanctuaire est un espace pour prier, pour être consolé et pour regarder l’avenir avec plus de confiance"."