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Comme tout ce qui est surnaturel, définir une expérience mystique n’a rien d’évident. Mais est-ce plus facile pour le sentiment amoureux ? De quoi parle-t-on, par exemple, quand on évoque un "coup de foudre" ? Au fond, on utilise des mots métaphoriquement pour tâcher de transmettre quelque chose qui ne l’est pas, comme toute expérience éminemment intime. Il en est de même avec l’expression "nuit de feu".
Dans la nuit du 23 novembre 1654, Blaise Pascal a une révélation intérieure : " 'Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob', Non des philosophes et des savants. Certitude, Certitude. Sentiment. Joie. Paix. Dieu de Jésus-Christ" écrit-il sur un papier cousu plus tard dans la doublure de son pourpoint. Le Mémorial, ainsi parle-t-on de ce texte, plus long, dit aussi : "Depuis environ dix heures et demie du soir jusqu’à environ minuit et demi. Feu". Ce dernier mot donnera son nom, pour la postérité, à l’événement qui retourne l’âme du philosophe, la "nuit de feu".
Une rencontre personnelle avec Dieu
Depuis lors, l’appellation est parfois utilisée pour nommer une expérience personnelle de Dieu. Le romancier Éric-Emmanuel Schmitt a par exemple raconté, en 2015, sa découverte du surnaturel dans un texte éponyme. Ce qu’a vécu Pascal cette nuit-là, lui seul le sait, et les mots qui le racontent sont d’abord écrits pour lui-même, pour faire revivre l’expérience unique. Il y parle de "joie", de "paix", de "renonciation totale et douce", de "soumission totale à Jésus-Christ". Il évoque surtout un "sentiment" et une "certitude".
Voilà peut-être ce qu’est une "nuit de feu" : un événement réel, fait de paix et de larmes, de compréhension intellectuelle et de sentiment profond d’être aimé, mais survenu de manière surnaturelle. Si Blaise Pascal peut tâcher de décrire ce qui s’est passé dans son âme, comment il a ressenti les choses, il ne peut rien dire de l’origine de celles-ci. Ou plutôt, il pose un acte de foi. Confiant, il affirme que c’est Dieu lui-même qui lui a permis de vivre cet instant. Et la conversion subséquente.
Nature et grâce. Grâce et nature. Jamais l’une sans l’autre. Les plus sceptiques ne reconnaissent pas l’existence d’expériences mystiques. Comme toujours, l’action de Dieu ne se fait pas malgré nous même si elle nous précède. Lorsque Dieu se révèle à Moïse dans le buisson ardent (cf. Ex 3), le berger doit faire un détour pour le voir. Et l’amour divin brûle l’arbrisseau sans le consumer, parce que l’amour divin ne s’impose pas mais appelle une réponse confiante. Dans ces moments de révélation, l’indicible se fait connaître. Sait-on le reconnaître ?