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Dans son intention de prière du mois de novembre 2024, le pape François invite les fidèles à confier ceux qui "pleurent la mort d’un fils ou d’une fille", afin qu'ils "trouvent un soutien au sein de la communauté et obtiennent de l’Esprit consolateur la paix du cœur." La paix du cœur. Une grâce dont témoignent Gabrielle et Guillaume, qui ont perdu leur cinquième enfant, Emmanuel, en mars 2021, atteint d’une anencéphalie. Ils racontent à Aleteia le chemin qu’ils ont parcouru pour accueillir leur enfant et l’accompagner jusqu’au bout de sa courte vie. Ils confient la douleur de le perdre, l’angoisse, pour Guillaume, après l’accouchement difficile de Gabrielle, mais aussi les nombreuses grâces qu’ils ont su accueillir, et à travers lesquelles ils ont senti la présence toute proche de Dieu à leurs côtés.
Gabrielle et Guillaume habitent en région parisienne. Ils sont parents de cinq enfants dont un petit dernier, Emmanuel, au Ciel. Il est né le 20 mars 2021 et n’a vécu que quatre jours, "entre la saint Joseph et l’Annonciation", aime à souligner Gabrielle, avec d’autant plus d’émotion qu’elle a confié son bébé à Joseph et à Marie pendant toute sa grossesse. Le diagnostic a été posé dès la première échographie, en septembre 2020. "En quelques secondes, le visage de la sage-femme s’est décomposé. Elle a tout de suite évoqué une anencéphalie", confie Gabrielle. L'anencéphalie est un défaut de fermeture du tube neural. Une malformation qui se caractérise par l'absence de voûte crânienne. Ce jour-là, Gabrielle et Guillaume apprennent que leur bébé ne vivra au mieux que quelques minutes à la naissance. "Cela a été un choc énorme, le chaos. Même si, pendant la préparation au mariage, le handicap est évoqué, on n’y est jamais vraiment préparé, et encore moins à perdre son enfant à la naissance", témoigne Guillaume. "Dans ces moments-là, on a l’impression que le cerveau s’est débranché pour supporter l’irruption émotionnelle que provoque un tel diagnostic", livre pour sa part Gabrielle.
"Pour aujourd’hui, je garde mon bébé"
Deux jours après le diagnostic, la famille décide de rejoindre, comme elle l’avait prévu, le pèlerinage du M de Marie qui passait non loin de chez eux, en Sologne. Ils confient à la Vierge ce "bébé fragile qui allait avoir une vie courte, afin que sa vie soit belle et pleine". Des mots qui résument avec simplicité leur cheminement. Ils ne s’étendent pas, ni avec leurs enfants, ni avec leurs proches, sur la pathologie dont est atteint leur bébé, mais décident de l’accompagner jusqu’au bout de sa courte vie. Reconnaissants des grâces reçues pendant ces deux jours auprès de Marie, Gabrielle et Guillaume ont pour projet d’acheter une statue de Notre-Dame de France pour leur coin prière.
L’esprit rempli de la paix du pèlerinage, Gabrielle et Guillaume se rendent, le 7 septembre 2020, à un rendez-vous à l’hôpital. Ils pensaient recevoir des informations sur la maladie de leur enfant, il s’agit en réalité de préparer une interruption médicale de grossesse (IMG). La pression médicale est forte et violente. Mais Gabrielle et Guillaume ont le même désir : ils souhaitent poursuivre la grossesse et accompagner leur enfant. Ils demandent le transfert de leur dossier dans un autre établissement. Le lendemain, 8 septembre, fête de la Nativité de la Vierge, une statue de Notre-Dame de France d’un mètre de haut leur est offerte de manière providentielle. Gabrielle avait confié la veille à sa sœur religieuse leur souhait d'avoir chez eux une telle statue de la Vierge. Et celle-ci apprend que sa communauté héberge depuis le mois de juin, au fin fond de l'église, une statue de Notre-Dame de France, offerte à la communauté pour être donnée à quelqu'un qui en aurait besoin. "C’était comme si la Vierge venait nous visiter, et cela correspond à un premier tournant dans ma grossesse : j’étais sûre que Dieu ne m’abandonnerait pas, et il me le montrait à travers l’arrivée de cette statue. En début de grossesse, je n’étais pas capable de dire "je garde mon bébé", en revanche, je pouvais dire "pour aujourd’hui, je garde mon bébé". J’ai compris que nous n’étions pas seuls, que Dieu était avec nous, et qu’on vivait jour après jour."
À l’instar de Thérèse de Lisieux dans son poème "Rien que pour aujourd’hui", Gabrielle et Guillaume font pleinement l’expérience de l’abandon. "J’ai traversé les épreuves avec Jésus, reprend Gabrielle. À chaque difficulté, j’ai crié vers lui et il m’a toujours répondu : des mains se sont tendues, j’ai rencontré des personnes qui sont devenues des anges sur mon chemin… pas forcément les personnes auxquelles je pensais mais je n’étais jamais seule…"
Deuxième tournant dans la grossesse de Gabrielle : la lecture du livre sur la vie de Chiara Corbella, cette Italienne qui a renoncé à un traitement contre le cancer pour sauver l’enfant qu’elle portait. Avant sa maladie, Chiara a donné naissance à un premier enfant, atteint de la même pathologie qu’Emmanuel. "Lire son témoignage et voir comment elle avait accompagné son enfant jusqu’à la naissance ont été d’un grand soutien. La Providence nous a rapprochés de sa famille et de son père spirituel, elle a été comme une grande sœur pour nous", souligne Guillaume. "Le suivi médical avait un protocole très rigide, nos proches ne nous comprenaient pas forcément, c’était difficile, pour les enfants, de parler de ma grossesse à l’école, mais avec Dieu à nos côtés et la présence de Chiara, je pouvais désormais me représenter mon fils avec son handicap sans m’effondrer et me projeter dans l’accueil serein de cet enfant", confie Gabrielle. Un autre soutien très puissant dans cette préparation à la naissance hors du commun a été la prière de personnes proches ou éloignées. "Les chaînes de prière ont été un soutien hyper important pour nous", affirme, plein de reconnaissance, Guillaume.
Un accouchement éprouvant
Le terme est fixé le jour de Pâques mais les circonstances font que l’accouchement doit être déclenché avant. Gabrielle et Guillaume demandent s’il est possible de le prévoir le 19 mars, jour de la saint Joseph. Souhait exaucé. Le jour J, l’aumônier de l’hôpital célèbre la messe pour eux. Ils n’ont pas oublié, à la demande de Gabrielle, d’emmener avec eux une statuette de Notre-Dame de France. L’accouchement est éprouvant, il dure 24 heures. Mais au matin du 20 mars, Emmanuel voit le jour. Guillaume le baptise avec de l’eau du Jourdain. Ses frères et sœurs lui rendent visite.
Mais rapidement, Gabrielle ne se sent pas bien. Elle fait une importante hémorragie et une septicémie, et doit être emmenée en urgence au bloc opératoire. Elle sent intuitivement qu’elle est trop faible pour supporter l’anesthésie générale, que sa vie ne tient plus qu’à un fil. "Il y avait dix, quinze soignants dans la pièce mais je sentais tous les priants. Et aussi Chiara. Je sentais mon âme comme aspirée par Dieu", confie-t-elle. Elle se sent paisible et dit à son mari de ne pas avoir de regret, quoi qu’’il arrive, car ils ont fait le choix de l’amour et c’est le seul choix du bonheur. Il ne répond rien, conscient de la gravité de la situation, mais lui donne l’image de Chiara Corbella qu’il avait avec lui. Pendant l’intervention, Gabrielle fait un choc septique. Les soignants parviennent à la réanimer. À son réveil, ce qu’elle voit en premier sur sa table de chevet, c’est l’image de Chiara : elle sait qu’elle est sauvée. Mais les médecins, inquiets, décident de la transférer en réanimation. "Humainement cela paraît terrible, mais cela a été une joie de sentir quelque chose du Ciel, un cadeau qui m’a été fait pour ensuite accompagner la mort de mon fils", témoigne-t-elle.
Pendant ce temps, Guillaume rejoint le service de néonatologie avec Emmanuel. Ce sera l’une des nuits les plus agitées qu’il ait connue. "J’avais plein de questions, je n’avais pas prévu l’après : qu’est-ce que je dois faire ? Et si Gabrielle meurt ? Et si Emmanuel meurt maintenant sans Gabrielle à nos côtés ?", se demande-t-il alors. L’angoisse le terrasse pendant un bon moment. Jusqu’à ce qu’il entende, au plus profond de lui, cette phrase de Chiara : "L’important dans la vie, ce n’est pas de faire quelque chose, c’est de naître et de se laisser aimer". "J’ai reçu cette phrase et tout d’un coup, tout était clair, paisible. Mon rôle était d’être là, auprès de mon fils, de l’aimer, de le regarder, de laisser Dieu l’aimer à travers moi comme l’avait fait saint Joseph. Je ne savais pas ce qu’il allait se passer mais je n’avais plus peur."
L’un des souvenirs les plus marquants de cette nuit-là, c’est la lumière rouge qu’Emmanuel avait autour du poignet. Il s’agissait d’un appareil mesurant son pouls et son niveau d’oxygène. "J’ai vu la main de mon fils comme un tabernacle. Je voyais Emmanuel comme Jésus dans la crèche mais aussi comme Jésus sur la croix. Dieu était là. C’était comme une révélation." Le prénom Emmanuel signifie "Dieu avec nous". Pour Guillaume, nul doute que Dieu était là pour les visiter.
"Un chemin de grâces"
Gabrielle sort de réanimation et a la joie de pouvoir prendre dans ses bras son fils bien vivant. Il vit quatre jours. "Sa vie a été courte mais belle et pleine ! Jésus nous a permis de découvrir sa logique de l’amour où "un jour est comme mille ans"", témoigne-t-elle. "J’ai souffert, je souffre et je souffrirai toujours de la perte de mon petit Emmanuel. Mais je n’étais pas seule dans ma souffrance : Jésus était avec moi, tout près de moi comme il ne me l’avait jamais fait sentir auparavant. Et cela, c’était tellement beau que mon cœur se remplit de joie dès que j’y pense !" Une joie encore plus forte que la souffrance, pour Gabrielle, et auréolée de plusieurs cadeaux.
"L’amour, ça se vit au présent, dans l’instant ! Voilà ce qu’Emmanuel nous a appris !", s’exclame Gabrielle, qui confie que son couple et sa famille se transforment petit à petit grâce à cette leçon donnée par ce si petit être. "Voir cette faiblesse, et la force qui s’en dégageait, cela aide à montrer ses faiblesses, à les dépasser, à mettre toujours plus d’amour dans notre couple et notre famille. Un peu comme les pèlerins d’Emmaüs, on a reconnu que Jésus est venu nous visiter par le biais d’Emmanuel pour faire grandir notre couple". Accueillir Emmanuel, c’était, en quelque sorte, accueillir les grâces et la présence de Dieu. Une promesse que Jésus a faite dans l’Évangile de Marc : "Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille" (Mc 9, 37).