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Au Pakistan, les chrétiens représentent moins de 2% de la population totale, majoritairement musulmane. Considérés comme des citoyens de seconde zone, constamment discriminés dans leur quotidien, ils subissent des persécutions dont la violence s’intensifie chaque jour un peu plus. Parmi elles, la loi anti-blasphème, adoptée en 1986 et récemment renforcée, constitue l’un des outils les plus utilisés contre la minorité chrétienne. Son usage abusif menace les chrétiens d’emprisonnement et de condamnations à mort sans aucune justification ni preuve. "La situation n’a fait qu’empirer au fur et à mesure des années", ont dénoncé avec force Mgr Samson Shukardin, évêque du diocèse d'Hyderabad et président de la Commission catholique nationale Justice et Paix, et Naeem Yousaf Gill, son directeur exécutif, de passage à Paris ce 20 novembre dans le cadre de la “Nuit des Témoins” organisée par l’Aide à l’Église en détresse. "Il y a un discours de haine et une discrimination qui s’enracinent dans tous les aspects de la vie", a-t-il poursuivi en soulignant la profonde injustice générée par cette législation. Entretien.
Aleteia : Comment la loi anti-blasphème est-elle devenue un outil majeur de persécution des chrétiens au Pakistan ?
Mgr Samson Shukardin : Depuis les années 1980, nous recensons sans cesse de plus en plus d’accusations infondées. Il faut préciser qu’elles ne concernent pas uniquement les chrétiens, les musulmans aussi peuvent être visés. Mais les chrétiens sont une cible facile, parce qu’ils sont une minorité silencieuse et qu’il s’agit d’une République islamique.
Naeem Yousaf Gill : Il est important de préciser que le phénomène de persécution pour “blasphème” a une répercussion énorme sur l’ensemble de la communauté chrétienne. Si une personne est accusée, elle n’est pas seule à en payer le prix. Toute sa famille, ses proches et sa communauté voient leur sécurité physique menacée Ils sont visés par des soulèvements de foules en délire qui s’en prennent à eux, vandalisent leurs biens et les lynchent. La Commission Justice et Paix joue aussi un rôle important dans ces cas-là puisque nous essayons de reloger ces gens qui perdent tout.
Les réseaux sociaux et l’utilisation d’Internet ont-ils renforcé le risque d’être accusé injustement de blasphème ?
Mgr Samson Shukardin : La notion de “blasphème digital” prend une importance préoccupante et est en grande partie responsable de la multiplication du nombre de cas ces dernières années. C’est une nouvelle menace pour les chrétiens. L’accusation de blasphème par le biais des moyens de communication numérique et des réseaux sociaux est omniprésente. Le 18 septembre dernier, Shagufta Kiran, mère de famille de 40 ans, a été condamnée à mort pour avoir envoyé un “commentaire blasphématoire sur son téléphone”. Quelques mois auparavant, il s’agissait d’Ehsan Shan (jeune chrétien d'une vingtaine d'années condamné à mort en juillet 2024, accusé d’avoir partagé des images de pages abîmées du Coran sur les réseaux sociaux, ndlr). Le nombre d’emprisonnements pour blasphème a explosé en un an et c’est en grande partie à cause de ces accusations de blasphème sur Internet. Le nombre de personnes emprisonnées est ainsi passé en quatre ans de 11 à 767, toutes religions confondues.
L’espérance et la foi des chrétiens au Pakistan ne cessent de croître à mesure que les violences augmentent.
Les persécutions engendrées par cette loi poussent-elles les chrétiens à abandonner leur foi ?
Mgr Samson Shukardin : Je peux affirmer que l’espérance et la foi des chrétiens ne cessent de croître à mesure que les violences augmentent. Les églises sont pleines, les chrétiens continuent de prier et de venir à la messe. Paradoxalement, les persécutions renforcent la foi des fidèles, mais ils ne peuvent pas la partager librement en raison des discours de haine et de la discrimination à leur encontre, qui s'enracinent dans tous les aspects de la vie. Les chrétiens sont méprisés, les interactions sociales avec eux sont entachées de préjugés. Par exemple, les musulmans ne veulent pas leur serrer la main. Ils sont affublés de surnoms désobligeants et moqués constamment, soumis à des commentaires offensants sur leur religion. Il y a une pression qui s’exerce sur eux dans tous les domaines de la société. La Commission Justice et Paix, en plus de défendre juridiquement les chrétiens persécutés devant les tribunaux, cherche donc à sensibiliser l’opinion publique, en suscitant le dialogue entre les chefs religieux, les organisations de la société civile et la communauté juridique, ou en faisant pression auprès du monde politique.