Le Nicaragua a encore perdu un évêque, le quatrième en cinq ans. Ce 13 novembre, c’est Mgr Carlos Enrique Herrera, président de la conférence épiscopale et évêque de Jinotega, au nord-ouest du pays, qui a fait les frais de la politique anti-chrétienne du régime de Daniel Ortega. Le 10 novembre, alors qu’il s’apprête à célébrer la messe dans sa cathédrale Saint-Jean-Baptiste, une musique bruyante commence à l’extérieur. La situation n’est pas nouvelle et les manifestations bruyantes organisées par la municipalité interrompent régulièrement les liturgies. Cette fois-ci, Mgr Herrera dénonce ouvertement la chose : "Frères, avant que nous commencions cette Eucharistie, nous demandons au Seigneur le pardon pour nos fautes et aussi pour ceux qui ne respectent pas l'adoration. C'est un sacrilège que le maire et toutes les autorités municipales font." Avant d’ajouter : "Nous demandons à Dieu le pardon, pour eux et pour nous."
La sanction n’a pas attendu, et l’évêque, ancien franciscain, est parti au Guatemala voisin dans une maison de cet ordre religieux selon plusieurs médias locaux. Pour Félix Maradiaga, opposant à Ortega, l’expulsion de l’évêque de Jinotega n’est pas étonnante. Il rappelle sur X que "Mgr Herrera a historiquement été l'un des évêques les plus attachés à la justice et à la solidarité chrétienne envers ceux qui n'ont pas voix au chapitre, un véritable exemple de fermeté et d'intégrité." La tension était montée récemment à cause d’une autre décision gouvernementale : empêcher les catholiques d’aller visiter les malades dans les hôpitaux publics.
Des évêques dans le viseur
Au-delà de l’épiscopat, le pouvoir nicaraguayen persécute également les prêtres : 44 ont déjà été expulsés ces dernières années. La majorité de ces prêtres dépend de l'archevêché de Matagalpa, considéré comme le centre de la résistance catholique contre la dictature d'Ortega et de son épouse, la vice-présidente. Son archevêque, Mgr Rolando Alvarez, a été condamné en février 2024 à 26 ans de prison par les autorités. Une figure éminente de la lutte pour la liberté religieuse au Nicaragua qui a trouvé refuge à Rome depuis le mois de janvier.
Apprenant le départ de Mgr Herrera, le bureau de la Conférence des Évêques d’Amérique latine (CELAM) a envoyé une lettre publique au cardinal Solorzano, archevêque de Managua, la capitale du Nicaragua. Pour assurer qu’il suit "avec douleur les événements qui affligent l’Église qui pérégrine au Nicaragua" et pour assurer qu’il prie pour que "cette situation se règle rapidement" et que Mgr Herrera "rentre vite dans sa patrie".