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De la reconstruction de la charpente et de la flèche en passant par le remontage de la voûte, le travail incroyable des charpentiers et des tailleurs de pierre a été longuement mis en lumière ces dernières années sur le chantier de Notre-Dame. Si les grands gestes impressionnent par leur ampleur, ce sont souvent les détails – dorures, ornements, textiles, ferronneries – qui rendent à Notre-Dame toute sa majesté. Les artisans qui œuvrent dans l’ombre illustrent ainsi une vérité essentielle : chaque métier, aussi discret soit-il, contribue à l’harmonie d’un ensemble plus vaste. Aleteia vous propose de partir à la découverte de ces petites mains invisibles qui participent à rendre à Notre-Dame toute sa majesté.
1Les carriers
Effondrées en plusieurs endroits de la cathédrale, les voûtes de Notre-Dame ont été rebâties par les maçons-tailleurs de pierre, qui, avec une minutie exceptionnelle, ont rebouché chaque partie éventrée de la nef et du chœur. Mais avant cette étape cruciale, le rôle des carriers a été essentiel. Ces artisans de la pierre, situés en début de chaîne, ont sélectionné, extrait et façonné les blocs de calcaire nécessaires à la reconstruction, en choisissant des matériaux proches de ceux utilisés à l’origine. Travaillant dans des carrières historiques rouvertes pour l’occasion, notamment en Ile-de-France, ils ont fourni les pierres qui, par leur texture, leur teinte et leur solidité, permettent à la cathédrale de retrouver aujourd’hui toute sa cohérence et sa stabilité architecturale. Bien que le rôle principal des carriers ait été de fournir la pierre, ils ont aussi contribué indirectement à la charpente en coordonnant leurs travaux avec ceux des charpentiers et métallurgistes. Le choix des pierres de la voûte et des murs porteurs ont été effectivement essentielles pour rétablir la solidité nécessaire au soutien de la charpente en bois.
2Les couvreurs-zingueurs
La charpente de Notre-Dame, surnommée "la forêt", a certainement été l’une des pertes les plus médiatisées de l’incendie. Reconstruite à l’identique grâce aux meilleurs charpentiers de France, la seconde étape a été de la recouvrir d’une nouvelle toiture. C’est là que sont intervenus les couvreurs-zingueurs, des spécialistes du plomb et des ornements métalliques. Suspendus à plusieurs mètres de hauteur, ces acrobates ont travaillé dans des conditions parfois vertigineuses pour poser une nouvelle couverture de plomb, matériau choisi pour sa malléabilité et sa pérennité. C’est en tout 400m2 qui ont dû être réalisés. Mais leur mission allait bien au-delà de l’étanchéité : ils ont recréé tous les éléments décoratifs tels que les girouettes et les croix qui ornent la toiture. Chaque pièce a ainsi été reconstruite conformément aux plans d’origine mais renforcée pour respecter les normes modernes. Quatre entreprises françaises ont ainsi été choisies pour travailler sur la couverture. "C'est une vraie fierté, c'est le chantier de ma vie. J'ai 58 ans, je ne pense pas que je ferai mieux. On pense à notre grand-père. S'il nous voit, il doit être fier de ses petits-enfants qui interviennent sur un bâtiment aussi prestigieux", confie Jean-Christophe Le Ny, chef de la petite entreprise familiale située à Dardilly dans la métropole de Lyon.
3Les ferronniers
Garde-corps, grilles, balustrades… de nombreux éléments en fer forgé qui ornent les balcons, les tribunes et autour de certaines fenêtres ont été rudement endommagés voire détruits dans l’incendie. Ce sont sur ces éléments qu’interviennent les ferronniers d’art, missionnés pour reproduire, avec une fidélité absolue, les pièces disparues. Munis de leurs marteaux et de leurs enclumes, les ferronniers se sont ainsi appuyés sur des modèles et des dessins anciens pour respecter le style néogothique de Viollet-le-Duc. Fidèles aux techniques traditionnelles, ils ont ainsi redonné vie aux ornements métalliques de la cathédrale. "C’est un chantier extraordinaire et je suis très fier de mon métier", témoigne Mathieu Pachet, 18 ans, compagnon du devoir au sein de l’Atelier Œuvres de Forge, à Hautefort (Dordogne), qui s’est occupé, entre autre, de rendre aux balustrades de Notre-Dame leur patine d’origine. Mais les ferronniers d’art contribuent également à la stabilité de l’édifice en renforçant certains éléments porteurs en métal, comme des tiges et des attaches qui lient des sections de maçonnerie.
4Les serruriers
Responsable des systèmes de fermeture, le serrurier d’art ne se contente pas de s’assurer de la bonne fermeture des portes de la cathédrale ! Non, son travail va bien au-delà de la serrurerie fonctionnelle. En collaboration étroite avec le ferronnier d’art, il est souvent sollicité pour restaurer des détails décoratifs en fer forgé, souvent complexes, qui doivent s'intégrer harmonieusement dans le décor. Sur le chantier de Notre-Dame, leur travail a consisté à extraire l’armature métallique de l’intérieur des sculptures pour la restaurer. Lorsque cela s’est avéré nécessaire, ils ont créé et assemblé de nouvelles pièces pour remplacer celles qui avaient trop souffert. Enfin, ils ont traité les éléments de ce véritable squelette mécanique pour qu’il n’oxyde pas les plaques de cuivre qui le recouvrent. C’est le cas notamment des statues de la flèche de Notre-Dame de Paris restaurées, entre autres, par Malo, 22 ans, serrurier sur le chantier de Notre-Dame de Paris : "Mon rôle dans la restauration des statues consiste à intervenir sur la structure interne des statues. À cause de la corrosion, il manque parfois des pièces entières, donc on est obligé de les refaire nous-même en utilisant du fer pur." Le serrurier d’art, spécialiste de toutes sortes de métaux, peut ainsi extraire, traiter, consolider ou remplacer toutes les pièces qui composent l’armature d’une statue et veiller ainsi à la pérennité de ces squelettes de métal souvent malmenées par les intempéries et les rafales de vent.
5Les dinandiers
Artisan spécialisé dans le travail des métaux non ferreux, principalement le cuivre, le laiton et parfois l’étain ou le bronze, les dinandiers de Notre-Dame sont intervenus sur la restauration des seize statues qui ornent la flèche Notre-Dame de Paris, notamment pour la partie cuivre. À l’abri de l’atelier, les dinandiers se sont appuyés sur les relevés réalisés par les restaurateurs pour remettre en état les figures des douze apôtres et des quatre évangélistes. Plaque par plaque, ils ont restauré l’ensemble des feuilles de cuivre pour retirer la corrosion, assainir le métal et redresser les déformations dû au temps. Une fois l’ensemble terminé, les statues ont pu être remontées sur leurs armatures avant de recevoir la patine finale. "C’est un métier qui va devenir rare mais où on a toujours besoin de main d'œuvre", raconte Olivier, chaudronnier-dinandier, qui est fier de participer à ce chantier historique. "Ça n’arrive qu’une fois dans une vie de pouvoir travailler sur des œuvres comme ça."
6Les patineurs
Touche finale qui donne aux pièces de métal tout leur éclat, la patine est un maillon essentiel dans la chaîne de restauration des sculptures ! Sans patine, une œuvre en bronze deviendra vert-de-gris et une pièce en argent noircira. Et pour apporter cette touche finale, c’est le patineur qui joue un rôle essentiel en redonnant aux œuvres leur apparence d'origine tout en les protégeant de la corrosion et de l'usure du temps. Avant d’intervenir, le patineur analyse l’état de la patine originale de la statue en prenant en compte sa teinte, son épaisseur, et les éventuels dommages puis il nettoie délicatement la statue pour enlever les dépôts, la rouille ou la corrosion, en veillant à ne pas abîmer la patine ancienne si elle est encore en bon état. Ce nettoyage prépare la surface du métal à recevoir une nouvelle patine. Pour que la statue retrouve son caractère historique, le patineur doit recréer des effets de vieillissement naturels. Cela inclut parfois des effets de dégradé, des zones d’ombre et de lumière. Une fois la patine appliquée, le patineur ajoute souvent une couche de protection, comme une cire ou un vernis, pour préserver la patine des intempéries, de la pollution et de l’usure. C’est ainsi les patineurs qui se sont chargés de rendre aux seize statues monumentales ornant la flèche de Notre-Dame cette teinte brun foncé attestée par des photographies de la flèche de Notre-Dame prises en 1860.
7Les ébénistes
Aux côtés de ces experts du métal, ce sont d’autres artisans tout aussi discrets qui s’attèlent à redonner vie à des détails souvent ignorés. C’est le cas de Luis, 22 ans, ébéniste sur le chantier de Notre-Dame, qui s’est occupé de restaurer les stalles en chêne du XVIIIe siècle en étroite collaboration avec les sculpteurs sur bois. Placées de chaque côté du chœur, les stalles, richement décorées de panneaux sculptés, représentant des scènes de la vie de la Vierge, ont été gravement endommagées dans l’incendie. Spécialisé dans la fabrication de meubles, l’ébéniste œuvre aussi à la restauration de meubles anciens comme ici à Notre-Dame, où l’objectif principal a été de relever chaque élément manquant, cassé ou perdu des panneaux décoratifs. Après cette première étape d’analyse, l’ébéniste a réalisé les morceaux de bois manquants puis les a replacés sur les stalles avant de laisser place au sculpteur qui a donné la forme finale à la pièce. "J’adore la sensation du devoir accompli et du résultat final", témoigne Luis. "Il y a un vrai sentiment de fierté."
8Les doreurs-ornemanistes
L’effondrement de la flèche, en 2019, avait emporté avec lui l’oculus central représentant la Vierge à l’Enfant et ses quatre anges sculptés. Reconstruits à l’identique, ces éléments ornementaux ont retrouvé leur éclat grâce aux sculpteurs mais aussi grâce au savoir-faire des doreurs-ornemanistes. Muni de leur coussin à dorer et de leurs pinceaux, les doreurs-ornemanistes ont ainsi appliqué la petite touche finale qui manquait à ces petits angelots : leur fine couche de feuilles d’or. Une opération exigeant précision et délicatesse comme en témoigne Stéphane Roussel, doreur depuis 47 ans : "Le chantier de Notre-Dame, il a une saveur particulière parce que j’arrive en fin de carrière. Cette grande catastrophe m’a donné l’occasion de faire ce travail qui est une espèce d’aboutissement", raconte-t-il.
9Les rentrayeurs
Commandé par le roi Charles X en 1825, le grand tapis de 25 mètres qui ornait le chœur de la cathédrale n’est exposé que très occasionnellement dans Notre-Dame de Paris en raison de sa monumentalité. L’une des dernières grandes occasions a été la visite du pape Jean Paul II en 1980. En très bon état de conservation, il souffrait uniquement de quelques manques dû aux mites et de légères cassures liées à son stockage en caisse. Envoyé en restauration en janvier 2022 au Mobilier national, le tapis va retrouver son éclat d’origine pour la réouverture de la cathédrale. Et pour cela, il a été confié aux mains expertes de deux rentrayeuses ! Leur rôle ? Réparer les parties usées, déchirées ou manquantes du tissu, en "rentrant" ou réintégrant des fils de laine, de soie ou autre matériau pour recréer les motifs originaux et restaurer l’intégrité du tapis. C’est Fabienne, rentrayeuse au Mobilier national depuis plus de 40 ans qui supervise ce travail minutieux accompagnée de sa collaboratrice Catherine, rentrayeuse depuis 2017. "À l’atelier, nous faisons partie des rares personnes à pouvoir le voir et le toucher de près", assure avec enthousiasme cette dernière.
10Les restaurateurs de peinture de chevalet
Le travail exemplaire des restaurateurs de peintures murales à Notre-Dame n’est plus à présenter. Très médiatisés depuis le "chantier-test" sur deux chapelles en 2021, la restauration et de l’ensemble des peintures murales a bien avancé qu’il s’agisse des chapelles mais aussi des statues en pierre restées à l’intérieur de la cathédrale. Mais à leurs côtés, ce sont aussi les restaurateurs de peinture sur chevalet qui ont apporté leur savoir-faire. Car à Notre-Dame, ce sont pas moins de 22 tableaux qui ont été évacués lors de l’incendie. Ils ont ensuite été confiés à trois ateliers de restauratrices. Après un diagnostic approfondi de chaque œuvre et un relevé précis des parties abîmées, les restauratrices ont procédé au nettoyage des surfaces peintes puis à leur restauration. "J’ai l’impression d’être proche du peintre", témoigne Isabelle Chochod, l’une des restauratrices à qui ont été confiés huit tableaux. "Notre métier, ce n’est pas du tout la création, c’est un métier de l’ombre. On est au service du peintre. J’ai l’impression de côtoyer des gens du XVIIe siècle, c’est vertigineux", ajoute-t-elle. Dans son atelier, et sous la direction de la DRAC Ile-de-France, elle restaure les Mays, ces célèbres tableaux commandés par la corporation des orfèvres parisiens et offerts à la cathédrale le 1er mai entre 1630 à 1707.
Cordistes, échafaudeurs, grutiers, nacellistes, archéologues, facteurs d’orgue… Il y aurait encore tant de corps de métiers à évoquer ! Car derrière cette résurrection, ce sont des dizaines de métiers complémentaires qui s’entrelacent chaque jour pour une mission commune : faire revivre Notre-Dame. Mais au-delà des savoir-faire techniques, c’est une véritable chaîne humaine qui redonne vie au monument. La réouverture de Notre-Dame ne sera pas seulement une victoire pour l’architecture, mais aussi un hommage vibrant aux mains qui l’ont ressuscitée.