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Quand le soir du 15 avril 2019 Notre-Dame de Paris a brûlé, beaucoup d’entre nous avons ressenti l’impression de découvrir la cathédrale au fur et à mesure qu’elle périssait. Nous avons fait cette expérience inouïe : regretter des réalités que nous ignorions. Parce que nous souffrions, nous nous apercevions que nous avions aimé sans en connaître les détails la forêt des charpentes, le plomb des toitures, la prouesse de la flèche, le rêve de Maurice de Sully et les acrobaties de Viollet-le-Duc. Nous découvrions l’intimité de la cathédrale comme un malade prend conscience d’un de ses organes au moment où celui-ci lui fait mal. Et ces organes étaient vitaux.
D’un amour charnel et dévorant
Nous avons découvert à quel point nous aimions Notre-Dame d’un amour charnel et dévorant. Les télévisions du monde entier offraient en direct notre agonie aux voyeurisme des cinq continents dans un crépuscule doublement mélancolique parce que la cathédrale se mourait et que la nuit tombait. Le soir engloutissait la capitale blessée d’un pays déchu. La flèche tombait. Nos périssions. Nous pensions à notre roi saint Louis, pieds nus, qui avait exprimé cette folle ambition : faire de la couronne d’épines la couronne de France, et qui semblait exaucé au-delà de ce qu’il avait demandé, nous pensions au vœu marial de Louis XIII, au sacre grandguignolesque de Napoléon, à Claudel derrière son pilier, au Magnificat d’aout 1944, à l’homélie de Daniel Pézeril pour les obsèques de François Mauriac, à tous les anonymes convertis sous les voûtes et même au malheureux Dominique Venner fourvoyé, suicidé au pied du maître-autel il n’y a pas si longtemps mais que tout le monde a déjà oublié.
Avec Notre-Dame incendiée, la France avait connu sa nuit de feu : joie, joie, joie, pleurs de joie.
Je me souviens de la réaction de Donald Trump qui suggérait qu’on envoyât des canadairs (il est vrai que quelques mois plus tard, le même Trump proposait de soigner le Covid par des injections d’eau de javel) et je me souviens surtout du silence du pape. Le soir du drame, le jésuite angélique que Dieu nous a donné pour guider notre Église avait dû se coucher tôt sur sa colline de Rome : il n’a pas eu un mot pour Notre-Dame suppliciée. Nous n’avons eu droit, et fort tard dans la nuit, qu’à un communiqué du directeur adjoint par intérim (sic) de la communication du Vatican faisant part de l’ "incrédulité" et de la "tristesse" du Saint-Père à l’annonce du drame. Tristesse, incrédulité : la tactique du diable de C.S. Lewis n’aurait pas trouvé mieux que de souffler ces deux mots au directeur adjoint par intérim à l’heure où nous réclamions la foi et l’espérance.
Une consolation inespérée
Mais je me souviens surtout de Jean-Marc Fournier. Ce prêtre-pompier, bravant l’incendie, a sauvé le Saint-Sacrement. Au péril de sa vie, il a couru vers Celui que son cœur aimait. Il n’est pas ressorti de la cathédrale embrasée avec une œuvre d’art sous le bras, ni même une relique : il portait le corps du Christ. Il nous donna une joie inimaginable, une consolation inespérée. Nos cathédrales ont été construites autour de l’hostie. Sans la Présence réelle, elles ne sont que des tas de cailloux. Jean-Marc Fournier nous le rappelait. Si saint François d’Assise chérissait la France, c’est parce que le Saint Sacrement y était aimé plus que partout ailleurs. Fournier nous rappelait à quoi ressemble la bravoure française. Avec Notre-Dame incendiée, la France avait connu sa nuit de feu : joie, joie, joie, pleurs de joie. Dieu nous appelait à une conversion du cœur. Nos pères avaient prié à Notre-Dame comme les Samaritains au mont Garizim : Jésus nous faisait comprendre que l’heure venait, et elle était déjà là, où les vrais adorateurs adoreraient le Père en esprit et en vérité. Pleurs de joie.
Le dernier show
Notre-Dame réparée, rutilante, va bientôt être réouverte. Les clercs s’ébrouent. Les mitres frissonnent. Les étoles s’agitent. On nous annonce que le président Emmanuel Macron va prononcer son discours dans la cathédrale et non pas sur le parvis. Jupiter ose tout. Ni saint Louis le 10 août 1239, ni De Gaulle le 26 août 1944, ni aucun de nos chefs d’État n’a jamais pris la parole à l’intérieur de Notre-Dame. Même Napoléon couronné dans ces lieux par Pie VII le 2 décembre 1804 s’était tu, pour une fois. La dernière autorité politique séculière à avoir fait le show dans Notre-Dame fut, sauf erreur de ma part, Marie-Thérèse Davoux, dite Mademoiselle Maillard : elle y avait figuré la Déesse Raison, en petite tenue, le 10 novembre 1793, avant de se faire un nom dans le répertoire sentimental sous le Directoire. Avec Mademoiselle Maillard, la Convention voulait régler son compte à Dieu. Au moins, l’entrée dans Notre-Dame avait été gratuite pour cette mascarade. Il ne faudrait pas qu’un jour on en vienne à nous faire payer un ticket d’entrée dans notre cathédrale pour nous y faire entendre des comédiens à contre-emploi. Pour voir jouer la comédie, il faut aller dans nos théâtres subventionnés.