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La sainteté ? Le mot fait sourire les uns et frémir quelques autres. Elle semble un concept d’un autre âge, du temps où ceux qui croyaient au Ciel y croyaient vraiment. Entre deux citrouilles, des squelettes et des toiles d’araignée, y a-t-il encore la place pour des auréoles ? D’autant qu’ils sont nombreux, ceux qu’on s’enorgueillissait de reconnaître pour "quasi" saints, à être tombés du socle de leurs statues pas encore achevées.
Le chemin d’une vie
L’abbé Pierre et nombre d’autres, moins connus à l’extérieur de l’Église, nous rappellent combien folle est l’idolâtrie et combien est à rebours de toute pensée évangélique l’idée de désigner un homme comme exemplaire. Il faut bien que les prêtres se méfient de ce genre de paroles lorsqu’elle leur est adressée : "Vous, vous êtes un prêtre différent des autres…" C’est lorsque cette petite musique résonne et qu’elle finit par être fredonnée dans le cœur de celui à qui elle s’adresse, que tous les malheurs deviennent possibles.
Car on n’arrive jamais la sainteté, on chemine vers elle. On la reçoit de celui-là seul qui est saint, c’est-à-dire en tout point parfait et admirable, Dieu. C’est son regard posé sur nous qui nous révèle à quoi il nous appelle. Encore faut-il alors reconnaître ce regard, l’accueillir et lui vouloir lui apporter réponse. Et cela, c’est toute une vie. Cette quête, c’est toute l’existence. Jusqu’au dernier souffle : "Je te cherche Dieu, tu es mon Dieu et je t’appelle !" C’est bien la parole du créateur qui donne à l’être le souffle. C’est elle qui nous révèle à nous-même en nous révélant le "pour quoi" de nos jours.
Le saint est celui qui avance
Le saint, ce n’est pas l’homme ou la femme qui remporte des compétitions, ni qui réalise des exploits. Il ne se réduit pas à un leader charismatique ou à un inventeur de bonnes actions. Le saint est celui qui avance, qui renonce à l’immobilisme douillet dans lequel le monde voudrait le cantonner. Il est l’insatiable, celui qui refuse de ne pas comprendre. Il est le révolté qui ne se résout à aucune injustice, quand bien même la lui présenterait-on comme une nécessité. Un tel phénomène n’existe pas. Et ceux qui jouent à s’y essayer, tôt ou tard se brûlent aux flammes de l’orgueil et de la suffisance. La sainteté se trouve dans le caniveau. Comme cette prostituée transgenre qui à la fin d’un pèlerinage où elle avait pu, me dit-elle, se confesser, renonça à communier puisque le lendemain elle allait devoir reprendre "le travail". La sainteté se révèle dans l’ordinaire d’une vie comme chez ce vieil homme qui confiait sans emphase à un ami qu’il retrouvait après plus de quarante ans d’absence, qu’il lui fallait le quitter pour soulager un pauvre hère assis dans la rue et dans lequel il voyait Jésus.
Une vocation commune
La sainteté passe par le doux murmure d’une voix qui cherche à aimer, comme cette vieille religieuse qui expliquait tout doucement que maintenant qu’elle ne pouvait plus faire grand-chose, elle avait choisi de venir à la rencontre des pauvres de son quartier en les rencontrant là où ils se nourrissaient, près des poubelles du supermarché du quartier. Jusqu’à ce qu’elle se dise, tout tranquillement, que ce n’était pas assez, et que, si elle voulait vraiment les rencontrer il lui fallait se nourrir comme eux.
La sainteté ne demande ni admiration ni reconnaissance, elle n’a soif que de Celui qui en est l’auteur et en qui elle s’accomplit. Elle est, me semble-t-il, la compréhension de ce qu’est une destinée ou pour parler plus catholiquement, une vocation. Une vocation commune que tous reçoivent mais que les chrétiens portent la charge de révéler à tout homme sans distinction ni condition.