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[HOMÉLIE] Sanctifier son regard, comme les saints du Ciel

LE-TINTORET-PARADIS-TABLEAU-SAINTS

"Le Paradis", de Tintoret.

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François-Marie Humann, o.praem - publié le 31/10/24
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Le père abbé de l’abbaye des prémontrés de Mondaye (Calvados) commente les lectures de la solennité de la Toussaint. Pour voir Dieu face à face, comme les saints du Ciel, il faut d’abord se laisser toucher par le regard de Jésus. Puis apprendre une autre manière de regarder.

"Elle m’a regardé comme une personne." Tel est le témoignage de sainte Bernadette au sujet de ses visions de la Vierge Marie. L’important, pour Bernadette, est d’avoir vu quelqu’un qui la regardait elle-même et pas n’importe comment : "Elle m’a regardé comme une personne." La fête de la Toussaint a pour but de raviver l’espérance de voir Dieu, et de revoir ceux que nous avons aimés. Voir Dieu face à face tel qu’il est, c’est-à-dire entouré de tous les saints ! Comment raviver notre espérance, la faire grandir, sinon en apprenant une autre manière de regarder ?

Le regard de Jésus

Mais pour apprendre à voir, il faut d’abord se laisser regarder. Le regard de Jésus est essentiel en effet, parce que c’est justement nous qu’il regarde. Arrêtons-nous au tout début de l’évangile : "Voyant les foules, Jésus gravit la montagne" (Mt 5, 1). Quand Jésus prononce les béatitudes, il ne fait pas un discours théorique, il ne parle pas en l’air. Il regarde la foule. Les disciples se sont approchés et Jésus les regarde. Saint Luc dit : "Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : heureux, vous les pauvres… Heureux vous qui avez faim maintenant…"

J’aime imaginer le visage de Jésus qui se pose sur l’un puis sur l’autre. C’est un regard qui connaît et qui aime. Il s’est assis, les disciples sont au même niveau que lui. Un vis-à-vis. À l’un, Jésus dit, en le regardant : heureux les doux. À un autre, en le regardant aussi : heureux les cœurs purs, à un troisième : heureux les miséricordieux. Ce regard de Jésus voit le bien dans le cœur de chaque disciple. Et en même temps c’est un appel pour que le disciple vive cette béatitude, un appel et une promesse. Jésus nous connaît, non pas comme une voyante qui tente de scruter l’avenir dans une boule de cristal, mais d’un regard qui sauve, qui appelle au salut. Comment ? En se laissant toucher par ce regard. "Dans ta lumière, nous verrons la lumière" dit le psaume (Ps 35, 10). Si je lève les yeux vers Jésus qui se tourne vers moi, alors je verrai la lumière, je deviendrai moi aussi lumière. Comme dit saint Jean : "Celui qui fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur" (1 Jn 3, 3).

Une autre manière de regarder

Commençons donc par laisser Dieu nous regarder, dans la prière, dans la méditation de l’Évangile. Puis apprenons une autre manière de regarder. En effet, posant sur nous son regard, Jésus vient aussi nous purifier. Il vient sanctifier notre manière de voir, notre manière de regarder. C’est cet autre aspect du regard, de l’espérance de la vision de Dieu, que je voudrais approfondir. Qu’est-ce que cela veut dire, regarder saintement, sanctifier le regard ? Je retiendrai trois significations possibles, parmi d’autres.

D’abord, Jésus nous pousse à détourner nos yeux du mal pour voir le bien. "Détourne mes yeux des idoles, que tes chemins me fassent vivre", dit le psalmiste (Ps 118, 37). Détourner par exemple mes yeux de ces heures inutiles passées, solitaire, devant les écrans, face à ces images et ces pensées de rien, de violence, d’impureté, de médisance. Détourner mes yeux de ces curiosités malsaines, de ces indiscrétions inutiles.

Posant sur nous son regard, Jésus vient aussi nous purifier. Il vient sanctifier notre manière de voir, notre manière de regarder.

Ensuite, Jésus nous apprend à regarder l’autre avec espérance. Regarder son frère, son enfant, son conjoint, avec un regard d’espérance qui puisse mettre sur chacun une béatitude qui lui ressemble. C’est un exercice que nous pouvons faire concrètement. De quelle béatitude, comme un trésor, chacun de mes proches est-il l’humble témoin, parfois à son insu ?

Enfin, Jésus nous apprend à voir l’essentiel : voir avec courage la vérité, mais voir aussi ce qui est le plus important. Pour ma famille, pour ma communauté, de quoi ai-je besoin ? Avant tout de gens forts, doués, intelligents, riches, compétents ? Peut-être, mais, la priorité n’est-elle pas ailleurs ? Regardant les disciples, Jésus se disait peut-être : pour le Royaume de mon Père, j’ai besoin de cœurs purs, de pauvres de cœurs, de doux, de miséricordieux, de personnes qui ont faim et soif de la justice, de la sainteté. Ce sont les cœurs que recherche le Père.

Prendre un nouveau départ

Le philosophe et poète Jean-Louis Chrétien, dans un bel ouvrage intitulé Le Regard de l’amour, invite à "prendre un nouveau départ, en apprenant à se tenir dans la lumière de l’amour" (DDB, 2000, p. 9). Prenons ce nouveau départ, apprenons cette nouvelle manière de regarder, pour mieux espérer !

Lectures de la solennité de la Toussaint :

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