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Jacques Philippe : “Le plus décisif, dans la vie chrétienne, c’est de s’ouvrir à l’action de l’Esprit saint”

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Mathilde de Robien - publié le 22/10/24
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Le père Jacques Philippe, prêtre de la communauté des Béatitudes et auteur de nombreux ouvrages de spiritualité, livre à Aleteia des pistes pour, à l’école de sainte Thérèse de Lisieux, s’ouvrir au travail de l’Esprit saint. Une condition pour que la mission à laquelle tout chrétien est appelé porte du fruit.

Chacun est appelé à une mission dans l’Église. Une mission qui porte du fruit : "Je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure", dit Jésus (Jn 15,16). Mais cette mission ne peut s’accomplir que si le chrétien demeure ouvert à la grâce de Dieu et au travail de l’Esprit saint. "La mission de Thérèse s’est déployée avec une grande fécondité à cause de son ouverture au travail de l’Esprit saint", souligne le père Jacques Philippe. "Ce qui est au cœur de la mission de Thérèse, c’est la découverte de Dieu comme père. Cela, c’est typiquement le fruit du travail de l’Esprit saint. Thérèse ne parle pas beaucoup de lui, mais ce qui lui a permis de faire la "course de géant" qui a été la sienne, c’est son ouverture à la grâce du saint Esprit". La fécondité du missionnaire ne dépend pas de ses seules forces. Par conséquent, "le plus décisif, dans la vie chrétienne, c’est de s’ouvrir à l’action de l’Esprit saint. Tout le reste en découlera", assure Jacques Philippe. Voici quelques attitudes essentielles, mais non exhaustives, pour garantir cette ouverture à l’Esprit saint, à l’instar de Thérèse.

1Demeurer fidèle à la prière (même lorsqu’elle est aride)

Une première condition pour recevoir le saint Esprit, c’est de le demander dans la prière. Thérèse avait une grande confiance dans la force de la prière : "Qu'elle est donc grande la puissance de la prière ! On dirait une reine ayant à chaque instant libre accès auprès du roi et pouvant obtenir tout ce qu'elle demande." Thérèse a été fidèle à la prière d’oraison, qu’elle vivait pourtant dans une certaine pauvreté, s’endormant même parfois. Mais elle était convaincue que l’essentiel dans la prière n’était pas d’avoir de belles pensées mais d’accueillir l’amour de Dieu. Une pauvreté qu’elle acceptait et qui n’empêchait pas Dieu de la guider : "Jamais je ne l'ai entendu parler, mais je sens qu'Il est en moi, à chaque instant, Il me guide et m'inspire ce que je dois dire ou faire. Je découvre juste au moment où j'en ai besoin des lumières que je n'avais pas encore vues, ce n'est pas le plus souvent pendant mes oraisons qu'elles sont le plus abondantes, c'est plutôt au milieu des occupations de ma journée..." C’est le saint Esprit qui conduit Thérèse. "Elle attribue cela à Jésus, mais c’est à travers l’Esprit saint. Voilà donc ce que Thérèse expérimente : même si la prière est très pauvre, si je suis fidèle, Dieu va m’instruire en secret, dépose en moi sans que je le sache des lumières et des grâces que j’utiliserai dans l’action", souligne Jacques Philippe.

2Faire confiance à Dieu (même si on a commis tous les crimes possibles)

Thérèse ne cesse de parler de la confiance. "C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’amour", écrit-elle. La confiance est une attitude d’ouverture. "Si Dieu est père, la confiance est l’attitude fondamentale que nous avons à pratiquer envers lui. On est accueillant, réceptif à l’égard de celui en qui l’on a confiance", souligne le prêtre. "Au contraire, l’incrédulité, le doute, le soupçon, la méfiance, sont des attitudes de fermeture. La première chose que Dieu nous demande, ce n’est pas d’être parfaits, c’est de lui faire confiance. Ce qui peine le plus Dieu, ce ne sont pas nos chutes, mais nos manques de confiance." Plus on lui fait confiance, plus on reçoit l’Esprit. La confiance et la foi ont un pouvoir immense pour attirer la grâce de Dieu. Comme l’a bien compris Thérèse de Lisieux, Dieu a un cœur de Père, et ne résiste pas à la confiance filiale de ses enfants. Une confiance qui n’est pas fondée sur soi, ses mérites, ses bonnes œuvres, mais tout entière fondée sur la miséricorde de Dieu. "Même si j’avais commis tous les crimes possibles, dit Thérèse, j’aurais toujours la même confiance !"

3Faire preuve d’humilité (même si on a toujours raison)

L’humilité est une condition essentielle pour recevoir la plénitude des dons de l’Esprit. Elle consiste à reconnaître que nous ne sommes rien par nous-même, mais que tout nous est donné. Tout ce que nous sommes et tout ce que nous accomplissons sont un don gratuit de la miséricorde de Dieu. "Être petit, c’est ne point s’attribuer à soi-même les vertus qu’on pratique, se croyant capable de quelque chose, mais reconnaître que le bon Dieu pose ce trésor dans la main de son petit enfant pour qu’il s’en serve quand il en a besoin ; mais c’est toujours le trésor du bon Dieu", écrit Thérèse. Sur le plan humain, l’humilité est une attitude d’ouverture. Si je suis humble, j’accepte les conseils, voire les reproches. L’orgueil est au contraire une attitude de fermeture : je suis auto-suffisant, j’ai toujours raison, je n’ai besoin de personne. "Cela est encore plus vrai dans la relation avec Dieu : plus nous reconnaissons que nous ne sommes rien par nous-même et que nous dépendons totalement de la bonté de Dieu, plus nous sommes en mesure de recevoir sa grâce !", souligne le prêtre. "Réjouissons-nous donc de tout ce qui nous abaisse et nous humilie, car tout progrès dans l’humilité ouvre davantage aux dons de l’Esprit et nous rend plus capables de les recevoir !"

4Accueillir les événements de la vie (même s’ils sont douloureux)

"Dieu donne son Esprit à ceux qui lui obéissent." (Ac 5,32) Plus nous désirons faire la volonté de Dieu, plus nous recevrons la grâce nécessaire pour cela. Dieu accorde son Esprit à ceux qui sont bien décidés à lui obéir. "Ce qui me contente uniquement, c’est de faire la volonté du bon Dieu", disait Thérèse. Une obéissance qui, chez la jeune carmélite, prend différentes formes : obéissance à ses supérieurs, aux mouvements intérieurs de la grâce, mais aussi une capacité à accueillir les événements de la vie dans la confiance et l’abandon, et ce même dans les épreuves les plus douloureuses. Evoquant la maladie mentale de leur père, Thérèse écrit à Céline : "Ne perdons pas l’épreuve que Jésus nous envoie, c’est une mine d’or à exploiter, allons-nous manquer l’occasion ?" Accueillir avec foi les événements de la vie, c’est aussi s’ouvrir à l’Esprit qui nous permet de les vivre de manière positive. "C’est accueillir la grâce cachée dans tout événement", résume le père Jacques Philippe.

5Vivre l’instant présent (même si le passé nous encombre et l’avenir nous fait peur)

Une autre condition importante de réceptivité à l’Esprit saint est de vivre le moment présent. "Plus nous sommes dans l’instant présent, évitant les retours sur le passé et les projections dans l’avenir, plus nous sommes en contact avec le réel, avec Dieu, avec les ressources intérieures qui nous permettent d’assumer notre vie, et plus nous sommes réceptifs au travail de la grâce", assure le prêtre. Les regrets stériles, la rumination du passé, les inquiétudes quant à l’avenir coupent de la grâce divine. "Si nous remettons le passé à la miséricorde de Dieu, si nous confions notre avenir à sa Providence, et si nous faisons aujourd’hui simplement ce qui est requis de nous, alors nous disposerons de la grâce dont nous aurons besoin jour après jour", assure le père Jacques Philippe. Thérèse a beaucoup vécu et exprimé cette spiritualité de l’instant présent, notamment dans son poème intitulé "Rien que pour aujourd’hui".

6Pratiquer le détachement (même si on est très occupé)

Pour laisser l’Esprit agir en soi, un certain détachement est nécessaire. Il est bon de "tenir notre cœur libre et dégagé de tout", invite Jacques Philippe. "Si nous sommes trop attachés à nos programmes, nos manières de voir, notre sagesse, nous ne laissons pas la place à l’Esprit saint." Thérèse a beaucoup pratiqué ce détachement. Très consciencieuse à accomplir les tâches qui lui étaient confiées, elle était aussi capable de quitter instantanément une occupation pour une autre quand c’était nécessaire. Par exemple, quand elle disposait d’un peu de temps libre le dimanche après-midi, elle se disait dès le début : "je choisis à l’avance d’être dérangée". Personne n’aime à être dérangé quand il a enfin un peu de temps à soi ! Mais Thérèse l’acceptait… Si elle n’était pas dérangée, elle remerciait Dieu pour ce cadeau, et si elle était dérangée, elle ne s’en plaignait pas, elle l’avait choisi à l’avance !

7Exprimer sa gratitude envers Dieu (même si ce n’est pas inné)

"Ce qui attire le plus les grâces du bon Dieu, c’est la reconnaissance, car si nous le remercions d’un bienfait, il est touché et s’empresse de nous en faire dix autres et si nous le remercions encore avec la même effusion, quelle multiplication incalculable de grâces ! J’en ai fait l’expérience : essayez et vous verrez. Ma gratitude est sans borne pour tout ce qu’il me donne, et je le lui prouve de mille manières", écrit Thérèse. "Sous ses apparences légères et humoristiques, ce texte recèle une vérité extrêmement profonde : la gratitude nous ouvre aux dons de la grâce", analyse Jacques Philippe. "Non pas qu’elle rende Dieu plus généreux (il l’est pleinement), mais elle rend plus ouvert et réceptif à son amour, elle nous détourne de nous-mêmes pour nous tourner entièrement vers lui." Ainsi la gratitude est féconde car elle est le signe que nous avons réellement accueilli l’amour de Dieu, et elle nous dispose à le recevoir davantage : "À celui qui a on donnera encore, et il sera dans l’abondance : mais celui qui n’a rien (qui ne reconnaît pas ce qu’il a déjà reçu) se verra enlever même ce qu’il a", dit Jésus (Mt 24,29).

8Exercer la charité fraternelle (même si l’autre nous énerve)

"N’attristez pas le saint Esprit de Dieu, qui vous a marqués de son sceau en vue du jour de votre délivrance. Amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes, tout cela doit être éliminé de votre vie, ainsi que toute espèce de méchanceté." (Eph 4, 30), dit saint Paul. "Une des choses qui fait fuir l’Esprit saint, c’est le manque de charité fraternelle", souligne Jacques Philippe. Et au contraire, rien n’attire autant la grâce de l’Esprit que l’amour que nous avons les uns pour les autres. Thérèse a pratiqué la charité toute sa vie, priant pour le salut de tous, aimant même les sœurs qu’elle avait du mal à supporter. À la fin de sa vie, il y a chez elle comme une redécouverte de la charité fraternelle. Elle écrit : "Cette année, ma Mère chérie, le bon Dieu m'a fait comprendre ce que c'est que la charité ; avant je le comprenais, il est vrai, mais d'une manière imparfaite, je n'avais pas approfondi cette parole de Jésus : "Le second commandement est semblable au premier : Tu aimeras ton prochain comme toi-même."" S’ouvrir à l’autre dans la charité, c’est s’ouvrir à Dieu et à sa grâce, comme l’annonce Jésus lorsqu’il dit : "Celui qui accueille un de ces petits, c’est moi qu’il accueille" (Mc 9,37).

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