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Réconcilier science et foi

scientifiques dans un laboratoire
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Blanche Streb - publié le 14/10/24
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Notre chroniqueuse Blanche Streb, auteur de "Grâce à l’émerveillement" (Salvator) et scientifique de formation, nous invite à réconcilier science et foi : l’une et l’autre ne s’opposent pas mais se rencontrent. Rendons à chacune leurs lettres de noblesse.

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Le 28 septembre, le pape Francois s’est rendu dans l’Université catholique de Louvain, en Belgique, à l’occasion des 600 ans de cette institution, créée en 1425. Parmi les personnalités qui ont fréquenté cet établissement au cours des siècles figure George Lemaître, arrivé là du haut de ses 17 ans en 1911 pour étudier la physique. Dix ans plus tard, il soutient son mémoire sur "La physique d’Einstein", et l’année d’après il est… ordonné prêtre. Père de la théorie du Big Bang, ce physicien de génie est devenu une figure incontournable de la science et de l’Histoire, avec un grand H. En lui se trouve ainsi une magnifique démonstration que science et foi ne s’opposent pas, mais se complètent. Lemaître est même un exemple merveilleux de la profondeur des liens qui peuvent les relier. De nombreux savants : Galilée, Newton… étaient croyants. Les scientifiques croyants ne manquent pas… Aujourd'hui encore. J’en connais pléthore.

Pourtant, certains continuent à penser que science et foi sont incompatibles. Et cet affrontement entre la religion — qui serait l’erreur, le passé — et la science — qui serait le progrès, la vérité — continue à faire rage. Ce qui est amusant, c’est que cette lutte a contribué à créer un rapport à la science devenu quasiment religieux… Si bien qu’aujourd’hui, on octroie facilement à la science le pouvoir d’endosser le rôle de critère suprême des décisions, ou celui de trancher entre ce qui est vrai, ou ne l’est pas. C’est ainsi qu’en juin 2023, une radio avait créé la polémique en affirmant que l’instinct maternel n’était qu’une supercherie, simplement parce qu’on ne pouvait pas le démontrer, scientifiquement… Aujourd’hui, notre culture est marquée par ce positivisme, cette idée que le champ de la connaissance légitime se limite à l’expérience des phénomènes empiriquement vérifiables. Dès lors, tout ce qui relève de la morale, de la foi, et finalement tout ce qui élève l’homme, dans sa dimension spirituelle, morale ou religieuse, n’a plus sa place. Mais ce qui est mesurable ne représente pas la totalité du réel, ne l’oublions pas. 

Coupable d’incohérence

Toujours est-il que l’affaire semble entendue : l’Église catholique serait depuis toujours ennemie des sciences. Quant à celui qui prétend croire en Dieu tout en s’attachant aux découvertes scientifiques, il se rendrait coupable d’incohérence. Ce sont notamment ces idées reçues que le philosophe Florian Laguens renverse dans son dernier essai Science et Foi, les grandes controverses (Artège) où il explore quelques grandes controverses emblématiques : Galilée, Darwin... Il est vrai que ces controverses ont laissé des séquelles. Notamment cette défiance sur la possible existence d’une concorde fructueuse entre science et foi. L’affaire Galilée, par exemple, est devenue un symbole du prétendu refus par l’Église du progrès scientifique. Mais cette affaire est aussi riche d’enseignement, notamment celui qu’au-delà des visions partiales et contrastées qui prévalent un temps, il existe une vision plus large qui les inclut et les dépasse l’une et l’autre, et que le temps révèlera.

Non, foi et raison ne s’opposent pas. On ne les oppose que si on passe à côté de leur véritable portée.

Non, foi et raison ne s’opposent pas. On ne les oppose que si on passe à côté de leur véritable portée. En réalité, elles peuvent se rencontrer, et, plus encore que coexister, s’enseigner mutuellement. Le seul chemin pour cela est leur dialogue permanent et surtout, pour leur harmonieuse liaison, il nous faut l’indispensable apport de la philosophie. C’est à cela que s’attèle le jeune philosophe, enseignant-chercheur, qui rappelle pourquoi on ne peut exiger d’une discipline ce qui lui est impossible par nature de donner. C’est ainsi qu’il ne faut pas attendre de la science qu’elle démontre l’existence de Dieu, et qu’il ne faut surtout pas minimiser les capacités de la raison. Car explique-t-il "pour le croyant, ce serait se condamner à une hémiplégie spirituelle que d’essayer de maintenir la foi, tout en humiliant la raison. […] Dieu est cohérent, il ne veut pas que nous abdiquions, pour aller à lui, la raison qu’il nous a lui-même donné".

Un tremplin spirituel

"La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité", écrivait Jean Paul II en introduction de sa sublime encyclique Fides et Ratio. Deux ailes, ou deux sœurs, finalement, car elles partagent énormément de points communs. Elles requièrent l’humilité. Et leurs étendues sont infinies. On n’aura jamais fini d’explorer la connaissance du monde, ni celle de Dieu, avec nos seules capacités humaines.   

La science peut conduire à Dieu. "Un peu de science éloigne de Dieu, mais beaucoup y ramène", constatait Pasteur. N’y a-t-il pas dans la démarche scientifique une sorte d’acte de foi ? On croit pouvoir découvrir quelque chose quand on se lance dans une recherche. N’est-ce pas l’enthousiasme de cette conscience que l’univers n’est ni absurde, ni vide, ni muet qui est la source de toute science ? Ceux qui ont mis leur cœur, intelligence et détermination à comprendre les lois de la physique, de la nature, des planètes et des saisons croyaient notre monde intelligible. De leurs observations, ils ont construit des théories et des modèles vérifiables, et montré que le monde était en effet intelligent ! Et quand la science parvient à nous démontrer certaines formes de "l’intelligence du monde", on a de quoi s’émerveiller, et approcher ce mystère inépuisable : il y a peut-être une Cause au-delà des causes, inaccessible à ma raison mais pas à mon admiration. C’est ce que Paul écrit aux Romains : "Ce que Dieu a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres" (cf. Rm 1, 20). Et il me semble que cet invisible peut s’admirer dans l’infiniment grand comme dans l’infiniment petit. On peut le croiser à travers son microscope, sa lunette astronomique et même dans une formule mathématique. Au fond, la science, parce qu’elle met en lumière, peut devenir un tremplin spirituel. Dans "laboratoire" s’écrit "oratoire"…

N'opposons pas science et foi, mais rendons à chacune leurs lettres de noblesse. 

Pratique :

Science et Foi, les grandes controverses : Galilée, Darwin, Einstein, Florian Laguens, septembre 2024, 256 pages, 19 euros.
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