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"Jésus appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs, et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture." (Mc 6,7-8) rapporte saint Marc dans son Évangile. Deux mille ans plus tard, à l’instar des apôtres envoyés par Jésus parmi toutes les nations, chaque chrétien est appelé à la mission, c’est-à-dire à faire découvrir le Christ et à annoncer la Bonne Nouvelle autour de soi. Mais la mission n’est pas sans danger ! Le père Joël Pralong, supérieur du séminaire du diocèse de Sion, en Suisse, met en garde contre deux tentations égoïstes : poursuivre un projet personnel, et se croire supérieur.
"La mission, c’est d’abord être envoyé", souligne auprès d’Aleteia le père Joël Pralong. Les disciples ne se donnent pas eux-mêmes la mission, c’est Jésus qui les appelle, les rassemble puis les envoie. "Le danger, c’est de se donner soi-même la mission", souligne Joël Pralong. Ce dernier alerte sur la tentation de se découvrir un talent, un charisme, et de s’octroyer une mission, sans être sûr d’avoir été appelé. "La mission est d’abord une démission de ses prétentions personnelles", explique le prêtre. C’est la seule condition pour pouvoir laisser Dieu passer à travers soi et le faire rayonner. Le risque sinon, c'est que la mission devienne une vitrine de son ego, de ses talents, de ses capacités. "La mission est une démission de ses prétentions à vouloir annoncer, réussir, convaincre…", ajoute le prêtre.
"Dé-mission" de ses projets personnels
Une démission de soi qu’évoque le théologien Maurice Zundel en parlant de l’autorité des gens d’Église, mais qui vaut aussi pour le missionnaire : "Leur autorité n’est qu’une démission entre les mains du Maître qui nous enseigne et les enseigne eux-mêmes par leurs lèvres devenues comme des sacrements de sa Parole". De nombreux cas d’abus révélés ces dernières années en sont la preuve : ce n’est pas le charisme qui importe, ni la capacité à bien parler ou à toucher les cœurs, mais c’est de laisser passer le Christ à travers soi. "S’il n’y a pas une démission de son ego, une dépossession de soi-même pour laisser transparaître le Christ, cela peut conduire à des abus de pouvoir", souligne Joël Pralong.
Belle image que celle des vertébrés et des crustacés pour illustrer ce qui doit soutenir le missionnaire. "Le vertébré a une colonne vertébrale solide, il est souple, il sait s’adapter, il sait comment approcher les personnes. La colonne vertébrale, c’est le Christ, et plus le Christ me soutient, plus je suis souple, à l’écoute, compatissant, prudent, capable de prononcer la parole qui convient", précise Joël Pralong. À l’inverse, lorsqu’on ressemble à un crustacé, sans colonne vertébrale, on se construit une carapace, à l’image des pharisiens, qui font passer leurs propres peurs avant l’annonce du Christ.
Le Seigneur évide les futurs missionnaires comme des troncs de mélèze !
Le missionnaire est appelé à démissionner de ses projets personnels pour se laisser remplir par le Christ. Pour le père Joël Pralong, la dépossession de soi passe par une purification, une éviction, à la manière d’un arbre que l’on évide pour en faire des fontaines qui arrosent là où c’est aride. "Plus un tronc est évidé, plus il aura la capacité à recevoir de l’eau et arroser. Le Seigneur évide les futurs missionnaires comme des troncs de mélèze !" Comment Dieu évide-t-il le candidat à la mission ? L’exemple de sainte Thérèse de Lisieux, patronne des missions, est particulièrement frappant. Thérèse, à partir de la mort de sa mère, a traversé de nombreuses épreuves : elle s’est d’abord repliée sur elle-même, a souffert d’un sentiment d’abandon, a été rongée par les scrupules… "Thérèse a été préparée, évidée par les événements douloureux de sa vie, et lors de la nuit de Noël 1886 – elle n’a que 13 ans, – elle se reconnaît dans la faiblesse de l’enfant de la crèche et Dieu va la remplir d’une force extraordinaire. Thérèse décrit sa conversion comme des torrents de lumière qui coulent sur son âme et qui la décentrent d’elle-même", analyse Joël Pralong. À partir de cette expérience, Thérèse est libérée "des langes de l’enfance" et ressent le désir de s’oublier soi-même, elle se sent une âme d’apôtre, une âme missionnaire. "On ne peut pas annoncer le Christ sans faire l’expérience des blessures du Christ à travers nos propres blessures", souligne encore le prêtre. "Nous traversons tous des épreuves, elles peuvent nous révolter ou nous ouvrir au Seigneur. La mission ne peut se vivre qu’une fois que j’ai fait en moi place nette au Christ pour que la mission soit annonce du Christ et non pas la mise en avant de mon ego".
L’autre danger : se croire supérieur
"Aujourd’hui, le grand danger dans la mission, c’est la supériorité, c’est d’arriver en disant : "nous, on a la vérité"", met en garde le prêtre, invitant à observer l’attitude de Jésus dans l’Évangile. "Jésus est humble, il pose des questions : "que veux-tu que je fasse pour toi ?", "que demandes-tu ?", "aujourd’hui je veux demeurer chez toi"…" De nouveau, Thérèse donne le la : l’intuition profonde de la jeune carmélite consiste à retrouver l’esprit d’enfance pour se jeter dans les bras du Père. "Thérèse apprend à nous laisser faire par Dieu, c’est l’esprit d’enfance, l’enfance n’a aucune prétention". Sans quitter le Carmel, Thérèse découvre humblement sa mission : conduire les hommes vers le Père, leur faire expérimenter son immense miséricorde pour qu’ils apprennent à leur tour à être miséricordieux avec leurs frères et sœurs.
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