Il y a la justice des hommes, imparfaite, et la justice de Dieu. Saint Vincent de Paul ne s’est guère affligé de la première, s'en remettant entièrement à la seconde. Une attitude édifiante qui invite à ne pas se laisser déstabiliser par le jugement des autres et à toujours agir sous le regard de Dieu, sans se soucier du regard des hommes, si prompts à se tromper.
Alors qu’il débarque à Paris, jeune prêtre, et n’a guère de ressources, Vincent de Paul s’installe dans le faubourg Saint-Germain, dans le quartier des Gascons, ses compatriotes, et partage une chambre avec un modeste juge bordelais. Un jour, en 1609, Vincent, malade, garde le lit tandis que son colocataire part travailler. Dans la journée, il se fait livrer des médicaments de la pharmacie voisine par le garçon de la boutique. Ce dernier, ouvrant une armoire à la recherche d’un récipient, trouve la bourse du juge avec 400 écus et s’en empare. Peu de temps après, le juge revient et se rend compte du larcin. Pour lui, cela ne fait aucun doute, Vincent a fait croire qu’il était malade pour le voler. Il s’emporte, accuse violemment Vincent, et le chasse. Il s'empresse de porter auprès de ses amis et connaissances de fausses accusations, notamment auprès de Bérulle dont Vincent venait de faire la connaissance, et lance contre lui un monitoire par l’autorité ecclésiastique.
"Dieu connaît la vérité !"
La réaction de Vincent est exemplaire. Il n’accuse pas le garçon de la pharmacie. Il se contente de dire doucement : "Dieu connaît la vérité !". Auprès des hommes, la vérité mit six ans à éclater. Au bout de six ans, le vrai coupable fut arrêté à Bordeaux pour un autre délit. Mû par le remords, il confessa au juge bordelais le vol perpétré dans la chambre parisienne. Le juge, rempli de remords à son tour, écrivit à Vincent pour lui demander pardon, l’assurant que s’il ne lui envoyait pas son pardon par écrit, il irait à Paris le lui demander à genoux, en public, avec une corde au cou. Ce ne fut pas nécessaire, car Vincent lui accorda généreusement son pardon.