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Raphaël Buyse : “La sainteté ne s’atteint pas à la force du poignet”

Père Raphaël Buyse

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Mathilde de Robien - publié le 23/09/24
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Prêtre du diocèse de Lille, le père Raphaël Buyse est convaincu que l’Évangile se vit non pas dans les grandes choses mais dans la banalité du quotidien, au cœur d’une humanité qu’on essaie de déployer là où on est. Entretien.

Il se définit lui-même comme un p(r)êcheur à la ligne, et il faut bien avouer que ses p(r)êches sont savoureux ! Dans un recueil au nom qui fait sourire, Rikiki Tutti (Desclée De Brouwer), le père Raphaël Buyse partage son regard sur l’existence au travers d’anecdotes qu’il éclaire de la Parole de Dieu. "Les petites choses de la vie me donnent à penser, à sourire, à pleurer, à rouspéter à certaines heures, à espérer toujours, bien souvent à prier et à célébrer", souligne-t-il. Ses mots sonnent comme une invitation à voir dans les plis de la vie ordinaire une profondeur cachée. Dans les traces de Madeleine Delbrêl dont il est un grand admirateur, il nous fait découvrir un nouvel art de vivre, et la saveur d’un quotidien qui n’a jamais rien de banal lorsqu’il est placé sous le regard de Dieu.

Aleteia : D’où viennent tous ces petits récits qui composent votre recueil ?
Raphaël Buyse : Ce sont toujours des expériences personnelles ou des petites histoires entendues ici et là. Je m’amuse assez facilement des petites choses de la vie. Je les laisse résonner en moi, je les croise avec la Parole de Dieu et cela donne ces petites histoires. Je suis un prêcheur à la ligne, je ramasse des petites choses de la vie, des petites rencontres, des petits événements et j’essaie de voir ce qui se cache au fond. Bien souvent, il y a des appels de l’Évangile.

Je pense que l’Évangile se joue d’abord dans la banalité du quotidien, dans l’ordinaire des jours.

Vous invitez à savourer les petites choses du quotidien, quelle saveur particulière ont-elles ?
J’ai une conviction profonde : l’Évangile se vit dans le quotidien, pas dans les grandes choses ! Peut-être, parfois, mais je pense que l’Évangile se joue d’abord dans la banalité du quotidien, dans l’ordinaire des jours. Je tiens cela de Madeleine Delbrêl, une femme qui avait la capacité de saisir la présence de Jésus dans les petites rencontres, les petits événements de la vie. "Il n’y a pas de petites rencontres", disait-elle. Si une rencontre nous paraît petite, insignifiante, alors c’est le signe que l’on a rétréci notre cœur.

À l’instar de saint Benoît, vous invitez à ne pas en faire trop, à faire à sa mesure. Mais l’homme n’est-il pas au contraire appelé à se dépasser, invité à la grandeur ?
Ce n’est pas contradictoire. La Règle de saint Benoît est assez stricte, claire, mais en même temps, il dit toujours que l’on peut faire autrement. "Si je fatigue mes troupeaux en les faisant trop marcher, ils périront tous en un jour", écrit-il en faisant référence au patriarche Jacob. Rien de trop : quelle sagesse ! La vie chrétienne n’a rien à voir avec des acrobaties difficiles. Ce qui nous est demandé n’est pas une sainteté haut de gamme, avec des exploits admirables, non, ce qui nous est demandé, c’est d’être humain le mieux possible. La sainteté ne s’atteint pas à la force du poignet, à coups de grandes choses, mais au cœur d’une humanité qu’on essaie de déployer simplement là où on est. L’Église n’a pas besoin de héros ! D’ailleurs, les héros ne sont pas toujours des modèles

Vous excellez dans l’art de reconnaître la présence de Dieu dans les petites choses, comment y arriver ?
C’est Marie qui en a le secret ! Parce qu’elle savait "retenir tous les événements et les méditer dans son cœur" (cf Lc 2, 19). Marie avait cette capacité, quand il lui arrivait quelque chose, de mettre les événements dans un coin de son cœur, et de les croiser avec la Parole de Dieu. Lorsqu’on relit les événements de notre vie, qu’on les berce dans son cœur en les éclairant de la Parole de Dieu, alors il y a du sens qui apparaît.

Vous évoquer une convalescence, cela a-t-il changé votre regard sur la vie ?
J’ai eu, il y a une quinzaine d’années, un gros souci de santé qui m’a valu plusieurs opérations, et aussi d’être physiquement déchiré. Dans la déchirure, il y a quelque chose de la vie qui peut apparaître, quelque chose de la résurrection, c’est Dieu qui déchire la mort. Dans un événement qui peut paraitre très violent, quelque chose d’une vie nouvelle apparaît.

Vous citez souvent Madeleine Delbrêl, qu’est-ce qui vous touche chez elle ?
C’était une femme ordinaire, dans le train, on ne devait pas savoir qui elle était ! Mais elle portait en elle le mystère de la Visitation. Quand elle passait quelque part ou qu’elle rencontrait des gens, se jouait dans l’aujourd’hui quelque chose du mystère de la Visitation, cette capacité à être la réelle présence de Jésus. Madeleine Delbrêl m’aide à comprendre que chacun de nous est la présence réelle de Jésus pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui, tout autant que la présence réelle que l’on garde dans le tabernacle. La vie chrétienne ne consiste pas à être des représentants. En tant que disciple de Jésus, nous sommes appelés à devenir sa présence pour les autres, à devenir la présence réelle.

Pratique

Rikiki Tutti ou la saveur secrète du trois-fois-rien, Raphaël Buyse, Desclée De Brouwer, août 2024, 17,90 euros.
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