Parmi la trentaine de labels bio qui fleurissent actuellement, l’un d’entre eux, Demeter, attire l’attention des cavistes et des restaurateurs. Ce label regroupe des vignobles, mais aussi des produits agricoles, issus de l’agriculture biodynamique. Ceux-ci sont réputés être "plus bio que le bio". Effectivement, le cahier des charges est exigeant : aucun produit chimique de synthèse n’est toléré, ni aucun engrais azoté chimique, ni aucune semence ou plant OGM.
Mais la méthode repose également sur d’autres principes moins conventionnels, comme la position des astres et du zodiaque, ainsi que sur certaines préparations, comme la bouse de cornes enterrée pendant une saison pour se charger de "forces cosmiques", puis "dynamisée" dans un seau d’eau afin d’être répandue à dose homéopathique sur les cultures ou les vignes. On insiste aussi sur l’importance de la pratique de la méditation et sur l’échange spirituel que l’agriculteur doit nouer avec des "êtres élémentaires" (gnomes, ondines, sylphes, salamandres).
Aucun fondement scientifique
L’essentiel de cette méthode n’a, effectivement, aucun fondement réellement scientifique. La biodynamie a été fondée en 1924 par un certain Rudolf Steiner. S’il est considéré comme l’un des précurseurs de l’agriculture biologique, Steiner n’avait en réalité aucune connaissance en agronomie. Contrairement à ce qui apparaît dans les brochures ou les sites Internet, Steiner n’est ni un philosophe, ni un scientifique, mais s’inscrit dans le sillage, très en vogue au XIXe siècle et au début du XXe siècle, de l’ésotéro-occultisme. Les croyances de Rudolf Steiner sont aussi nombreuses que baroques. Sa doctrine est inspirée de la pensée ésotérique du poète romantique Goethe, des écrits de Mme Blavatsky de la Société de théosophie, et des enseignements rosicruciens. Steiner va développer sa propre "science de l’esprit" — l’anthroposophie —, dont il pensait qu’elle allait permettre à l’homme de s’affranchir de la "décadence matérialiste". S’appuyant sur une vision occidentalisée de l’astrologie indienne, Steiner affirmait que l’humanité était entrée dans l’ère du Kali Yuga (l’âge sombre) et que seule l’anthroposophie lui donnerait les moyens de retrouver ses facultés spirituelles perdues (voyance, facultés médiumniques, etc.).
Dans la mouvance du néopaganisme
L’agriculture biodynamique est l’ultime réalisation de Steiner, quelques mois avant son décès en 1925. L’originalité de Steiner a été d’avoir appliqué ses visions ésotériques dans les domaines de la vie quotidienne : écoles Waldorf-Steiner, danse (eurythmie), architecture, médecine (laboratoires Weleda), banques, etc. Le point commun de toutes ces fondations est la volonté d’apporter un remède capable de "guérir" l’humanité malade. Certains agriculteurs chrétiens peuvent se laisser séduire par le langage apparemment spirituel de la biodynamie, mais celui-ci repose sur une pensée de type panthéiste (tout est divin), antinomique avec la révélation judéo-chrétienne qui professe la foi en un Dieu unique et créateur. L’anthroposophie, qui est la base doctrinale de la biodynamie, s’inscrit dans la mouvance du néopaganisme et anticipe l’avènement du New-Age.
Certes, la biodynamie n’utilise pas des pratiques de sorcellerie au sens propre (...) mais elle éloigne les croyants de la foi révélée en les faisant adhérer (...) à une pensée idolâtrique contraire à l’enseignement biblique.
Fondée sur le classique rapport du microcosme et du macrocosme et sur la croyance en la réincarnation, Steiner explique que la Terre est un Être vivant, au même type que l’homme qui en est une version plus petite. Comme le corps humain vieillit et que l’homme se réincarne, ainsi en est-il de la Terre qui passe par plusieurs niveaux d’existence (Saturne, Soleil, Lune et Terre). La ferme est elle-même une réalité autonome, intermédiaire entre l’homme et la Terre. Au même titre que la médecine anthroposophique guérit les corps (la maladie a toujours une origine spirituelle), la biodynamie apporte un remède spirituel à l’exploitation agricole malmenée par la modernité. En effet, l’utilisation de la mécanisation en agriculture favorise la propagation des entités ahrimaniennes (démons) et les aliments produits par l’agriculture "moderne" empoisonnent l’esprit de ceux qui les consomment.
Une pratique qui éloigne de la foi
Si l’on parle effectivement du Christ dans l’anthroposophie, il s’agit du "Christ Solaire" et non du Jésus des Évangiles. Certes, la biodynamie n’utilise pas des pratiques de sorcellerie au sens propre (pas d’invocations, de rituels magiques), mais elle éloigne les croyants de la foi révélée en les faisant adhérer, plus ou moins explicitement, à une pensée idolâtrique contraire à l’enseignement biblique.
Certains agriculteurs chrétiens pensent qu’il suffit de séparer la méthode de son contenu ésotérique pour utiliser sans problème la biodynamie, mais est-ce vraiment possible ? Et quel sens donner alors à ces pratiques dont la science ne semble d’ailleurs pas prouver une réelle efficacité ? Il faut prendre conscience que celui qui pratique la biodynamie cautionne, au moins implicitement, l’Anthroposophie, cette puissante organisation ésotérique basée à Dornach, en Suisse, dont le dernier rapport de la Miviludes dénonce les dérives sectaires. La fin ne justifie pas les moyens : même si le label Demeter permet de vendre ses produits plus chers, il ne suffit pas de fermer les yeux sur ses fondements ésotériques pour que ceux-ci disparaissent comme par enchantement ! Nier le lien entre le label Demeter et la Société Anthroposophique serait aussi se voiler la face : Demeter reverse chaque année 100.000 euros à la Société Anthroposophique et propose des stages pour découvrir et approfondir la pensée de Steiner. Si tous les adhérents ne deviennent pas anthroposophes, la Société Anthroposophique trouve dans la biodynamie un moyen efficace de recruter de nouveaux membres.
Pratique