Quand le voyage d’un pape en avion prend un tour insolite

Paul VI restera le premier pape à avoir pris l’avion pour effectuer un voyage. En 1964. Il embarque depuis l’aéroport de Rome Fiumicino pour un déplacement historique en Terre sainte du 24 au 26 mai. À bord de l’appareil, un Douglas DC8 opéré par Alitalia, le pape italien fait un détour par la cabine de pilotage et en profite pour bénir la patrouille de l'armée de l'air qui escorte l’avion. Lors de ce vol, le Saint-Siège inaugura aussi la tradition d’envoyer un message de sympathie aux autorités des pays survolés.

Aujourd’hui encore, en entrant dans l’espace aérien d’un pays, le Saint-Siège envoie un télégramme via lequel le Pape donne sa bénédiction aux habitants. En 2014, alors que l’avion du pape François survolait exceptionnellement la Chine pour atteindre la Corée du Sud, un problème de transmission avait empêché le télégramme d’arriver, provoquant un “léger désagrément” diplomatique. À la demande de la Chine, le Saint-Siège avait dû renvoyer ledit message. 

La tournée africaine de Jean Paul II de septembre 1988 devait faire l’impasse sur l’Afrique du Sud, soumise encore à l’apartheid, régime sévèrement condamné par le pontife polonais. Le programme prévoyait la visite de cinq pays africains : Zimbabwe, Botswana, Lesotho - enclavé en Afrique du Sud -, Swaziland - partiellement enclavé en Afrique du Sud-, et le Mozambique. Sauf que la mauvaise météo allait modifier cette organisation au cordeau… et contraindre le Boeing 707 à renoncer à Maseru (Lesotho) pour se dérouter vers Johannesburg. 

Ce revirement obligea le pape Jean Paul II à saluer le ministre sud-africain des affaires étrangères dans un salon de l’aéroport. Puis le pape de l’Est traversa 550 kilomètres de terre sud-africaine. Le correspondant du journal Le Monde de l’époque raconte : "Le Pape et son entourage dans une limousine du ‘gouvernement de l'apartheid’ et toute sa suite religieuse et journalistique installée dans trois luxueux autocars, fournis, protégés, alimentés par le même gouvernement. Quand il s'agit de faire bonne figure pour l'image et la réputation de leur pays, les Sud-Africains savent être efficaces."

La météo fera de nouveau des siennes dans l’histoire des voyages des papes mais avec moins de conséquences diplomatiques. De retour d’un voyage en Inde en 1986, l’avion du pontife polonais fut par exemple obligé de se poser à Naples car la neige empéchait un atterrissage à Rome Fiumicino. Le chef de l’Église catholique avait fini par conclure son périple… en train ! 

Le pape Jean Paul II détient toujours le record de voyages officiels à l’étranger - 104 dans 129 pays différents. Mais certainement aussi celui du déplacement le plus rapide puisqu’il a effectué un vol à bord du Concorde, le célèbre avion franco-britannique dont la vitesse de croisière dépassait les 2.000 km/h.

L’homme en blanc grimpa à bord du “bel oiseau blanc” pour relier Saint-Denis de La Réunion à Lusaka en Zambie en mai 1989. La tradition veut en effet que le pays qui reçoit le Pape mette à sa disposition pour le vol retour un avion d’une compagnie aérienne locale, en l'occurrence Air France. Onze ans plus tard, le 25 juillet 2000, quand le Concorde s’écrasa après son décollage de Paris, le pape Jean Paul fit envoyer un télégramme de condoléances au président de la conférence des évêques de France. 

Avril 2016, le pape François crée la surprise. Après un déplacement d’un jour sur l’île de Lesbos (Grèce) pour alerter l’Europe face au drame des migrants, le pontife argentin fait monter à bord de son avion trois familles originaires de Damas et de Deir ez-Zor, ville occupée par l'organisation terroriste Daech. Parqués dans un centre pour migrants sur l’île grecque, ces douze réfugiés - dont six mineurs - ont bénéficié de l’intuition d’un proche du Pape  qui, une semaine avant le voyage, lui a suggéré l’idée. 

"C’est une goutte d’eau dans la mer, mais après cette goutte d’eau, la mer ne sera pas la même !" C’est avec cette citation de Mère Teresa que le pape François justifiera son geste devant les journalistes embarqués aussi dans le vol. Sur la question de la confession de ces personnes migrantes, toutes musulmanes, le Pape répondra : "Je n’ai pas fait de choix entre chrétiens et musulmans. Ces trois (familles) avaient les papiers en règle. Par exemple, il y avait deux familles chrétiennes dans la première liste qui n’avaient pas de papiers en règle. Ce n’est pas un privilège. Tous les douze sont des enfants de Dieu. J’ai privilégié des enfants de Dieu."

C’est à 12.000 mètres d’altitude que le pape François célébra le mariage entre une hôtesse et un steward de la compagnie latino-américaine Latam lors du vol reliant Santiago et Itquique au Chili, en janvier 2018. Marié civilement depuis 10 ans et parent de deux enfants, le couple devait s’unir religieusement en 2010 mais un tremblement de terre avait emporté leur église peu avant la cérémonie. C’est donc dans le ciel que le couple jura fidélité devant Dieu, et en présence du Pape. 

Sur l’acte de mariage réalisé sur une feuille de papier et publié par le Vatican, les signatures des époux figurent, ainsi que celles du Pape et du propriétaire de la compagnie aérienne, choisi comme témoin. "Le Pape a pris nos mains, il a béni les alliances, et il nous a mariés au nom de Dieu. Ce qu'il nous a dit est très important: ‘le sacrement de mariage est un sacrement dont le monde a besoin. J'espère que cela incitera les couples à se marier'", témoigna le couple auprès des journalistes. "Toutes les conditions étaient claires", rassura de son côté le pape François lors de la conférence finale de sa tournée sud-américaine.