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Amoureux, on leur intime de se fiancer ; jeunes mariés, on leur rappelle de faire un bébé ; parents, on attend déjà le deuxième enfant. Tous les couples (ou presque) ont déjà eu affaire à ces questions intrusives, qui se veulent pourtant bienveillantes, pour justifier à leurs proches chacune de leurs décisions, qu’elles soient voulues, ou non. La question de l’enfant, elle, est récurrente pour ceux qui n’ont pas encore connu la joie d’être parents et qui, souvent, l’espèrent depuis plus ou moins longtemps. À un dîner, un mariage, à un baptême ou à l’annonce d’une grossesse, la question et ses variantes se font de plus en plus pressantes alors que les années passent : "alors, et vous, c’est pour quand ?" ; "ça ne vous donne pas envie de faire un enfant ?" ; "pourtant, vous feriez vraiment de super parents" ; "quand je vois ton mari avec vos neveux, je me dis qu’il doit avoir hâte de devenir papa, non ?".
Une question intrusive et maladroite
Le couple n’a alors pas à se justifier, ni à dire qu’il essaie d’avoir un enfant, ou qu’il n’y arrive pas. Il peut très bien couper court à la discussion pour se protéger et protéger son intimité. Certains se contentent d'un sourire gêné. D'autres choisissent cependant de répondre au fameux et redouté "alors, c’est pour quand le bébé ?" en jouant la carte de la franchise, quitte à déstabiliser leur interlocuteur : "on voudrait, mais pour le moment, on n’y arrive pas" et ses variantes "on espère depuis plusieurs années, mais ça n’a jamais marché" ou "je sais que tu ne penses pas à mal mais ta question me blesse parce que justement, je viens de perdre un bébé". D’autres, encore, optent pour l’humour, non sans ironie : "ah oui, tiens, on n’y avait jamais pensé !" ou "on n’a pas encore trouvé le mode d’emploi mais je t’en prie, éclaire-nous", à moins de couper court à la discussion : "je ne veux pas paraître froide, mais c’est un sujet dont je n’ai vraiment pas envie de parler".
Marie, mariée depuis un an et demi, a déjà fait face à cette question à plusieurs reprises, essentiellement de la part de ses amis. La dernière en date remonte à début juillet, lors d’un week-end entre amis avec deux couples et leurs enfants. Alors qu’ils ont l’habitude de répondre avec humour, Marie a cette fois opté pour la franchise : "Je leur ai dit que j’appréciais leur bienveillance et leur intérêt pour notre vie mais que si nous avions une bonne nouvelle à leur annoncer, nous le ferions de nous-mêmes et qu’il n’était pas nécessaire de nous relancer à chaque fois qu’on les voyait !". Victoire, elle, a attendu quatre ans avant de mettre au monde leur premier enfant. Aujourd'hui maman de trois enfants, la jeune trentenaire se souvient des questions posées à chaque repas de famille. "Je sais bien que les gens ne pensent pas à mal, mais pour avoir fait plusieurs fausses-couches, j'ai fini par être très blessée par ces interrogations qui ravivaient à chaque fois la douleur, comme si nous n'avions pas d'enfant non pas parce que nous nous pouvions pas en avoir, mais parce que nous n'en voulions pas". Alors que le couple avait choisi de garder pour eux cette longue attente, il a fini par se livrer à ses proches sur cette douloureuse infertilité. "Avec le recul, je crois qu'on s'est un peu senti obligés, estime Victoire, mais en même temps, ça a été assez libérateur et finalement nos proches ont tous été très bienveillants".
L’infertilité, un mal qui "va croissant"
Dans son rapport sur les causes d’infertilité publié en 2022, le ministère des Solidarités et de la santé estime ainsi à 3,3 millions le nombre de Français touchés par l’infertilité, précisant que ce chiffre, déjà démesuré, "va croissant". Si la femme est souvent stigmatisée, les causes, variées, ne sont qu’à 30% d’origine féminine, liées, notamment à l’âge avec un recul croissant depuis plusieurs années et à la généralisation des techniques contraceptives. 30% sont d’origine masculine, 30% sont d’origine féminine et masculine lorsque l’infertilité touche les deux conjoints et 10% seulement des cas demeurent inexpliqués.
Poser cette question à un couple, "c’est pour quand le bébé ?" est avant tout une question d’ordre social ; c’est d’ailleurs l’un des fondements du mariage chrétien qui veut que le couple soit ouvert à la vie et accueille les enfants qui sont le fruit de l’amour. Les fiancés qui se donnent le sacrement du mariage s’engagent en effet à respecter les quatre piliers du mariage chrétien, dont la fécondité, souvent confondue avec la fertilité, qui veut qu’un couple en capacité de procréer accepte d’accueillir un enfant. Tout, hélas, n’est pas aussi simple que ce que les livres de SVT et le Planning familial veulent bien faire aux adolescents et nombreux sont ceux qui font l’amer constat qu’il ne suffit pas de vouloir un enfant pour devenir parents.
La question n’est que rarement mal intentionnée, mais elle convoque avec elle un tas d’injonctions qui mettent à mal le couple et, surtout, la femme. Personne, alors, ne doit se sentir obligé d’y répondre, car le couple n’a pas de compte à rendre sur son intimité conjugale, d’autant que la question porte sur le cœur même de l’union des époux, l’union sexuelle. Celui qui la pose, d’ailleurs, n’a souvent pas en tête les sujets douloureux qui l’accompagnent : peut-être que le couple est en espérance d’enfant depuis de longs mois ou de longues années, qu’il est encore marqué par le deuil d’un enfant perdu in utero ou après sa naissance, que l’un ou l’autre doit faire face à une maladie physique ou mentale qui le rend stérile, même temporairement ou encore qu’il traverse des difficultés relationnelles, financières ou psychologiques incompatibles avec l’arrivée d’un bébé. Le désir peut être là, mais la capacité et les conditions, elles, non.