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Dix ans après Daesh, l’espérance des chrétiens de la plaine de Ninive

Des syriaques dans l'église de l'Immaculée Conception à Qaraqosh, en 2021.

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Anne-Sophie Retailleau - publié le 05/08/24
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Le 6 août 2014, la plaine de Ninive, au nord de l'Irak, tombait dans les mains de l’État islamique, jetant sur les routes des centaines de milliers de réfugiés. Dix ans plus tard, une partie des chrétiens chassés de leur terre est revenue, témoin d’une espérance qui ne faiblit pas malgré les difficultés du quotidien.

6 août 2014. Le chaos. Après avoir envahi la plaine de Ninive, au nord de l'Irak, Daesh jette sur les routes de l'exil, dans la nuit du 6 au 7 août, plus de 120.000 habitants. La grande majorité d'entre eux est chrétienne et n'a d'autre choix pour échapper à la mort ou à la conversion forcée que de fuir au nord vers Erbil, capitale du Kurdistan irakien. À la fin de la guerre en 2017, un certain nombre de familles a fait le choix de revenir dans la plaine de Ninive. Dix ans après Daesh et malgré les stigmates laissés par la guerre, les chrétiens de la région se relèvent, dans un équilibre toujours précaire. L'archevêque d'Erbil, Mgr Warda, assurait à l'AED que 9.000 familles de la plaine de Ninive sur les 13.200 réfugiées au Kurdistan irakien pendant la guerre ont regagné leur terre d'origine.

À Qaraqosh, le retour des familles

Il existe désormais trois foyers de la présence chrétienne en Irak, dont la petite ville d'Ankawa dans la banlieue d'Erbil, où vivent 50.000 chrétiens. Qaraqosh, plus grande ville chrétienne de la plaine de Ninive, a retrouvé la moitié de ses habitants : 24.000 personnes y vivent contre 50.000 avant la guerre. "Sur les 4.250 maisons détruites, 61% ont été reconstruites", assure à Aleteia le père Georges Jahola, chargé par le diocèse syriaque-catholique de la reconstruction des habitations à Qaraqosh. De nombreuses ONG ont participé au financement de la reconstruction des villages pour stimuler le retour des chrétiens. Parmi elles, l'Œuvre d'Orient, l'Aide à l'Église en détresse, Fraternité en Irak ou encore SOS Chrétiens d'Orient se sont mobilisées pour reconstruire Qaraqosh. "Vingt millions de dollars ont été utilisés, compte le père Georges, et deux à trois millions sont encore nécessaires".

Cet effort mené par les Irakiens avec l'aide des associations a permis un retour à la vie de cette ville entièrement détruite par Daesh dix ans plus tôt. "La vie normale a repris, les écoles sont ouvertes", souligne le père Georges. "Je suis arrivée à la fin du mois de septembre 2017 à Qaraqosh", se souvient quant à elle soeur Yumna, religieuse dominicaine. "C'était une grande joie de voir revenir les familles, c'était comme assister à une naissance !" Mais le retour des familles dans la ville s'est tari avec la crise du Covid, l'aggravation des difficultés économiques. "La difficulté reste encore de trouver du travail, il y a beaucoup de chômage", observe le père Georges. Sans compter la présence de milices qui déstabilisent la région, tout comme l'instabilité du gouvernement irakien. Plus récemment, le tragique incendie qui a fait une centaine de morts lors d'un mariage, en septembre 2023, a particulièrement éprouvé la population de Qaraqosh.

L'espérance ou l'ancre des chrétiens en Irak

Et pourtant, ces familles qui restent sont déterminées à reconstruire, et à croire en un avenir meilleur pour leurs enfants. "Certains font le choix de partir, ceux qui restent veulent croire que demain sera meilleur et ne veulent pas quitter ma terre de leurs ancêtres", explique soeur Yumna Aboche. La preuve que l'espérance demeure à Qaraqosh ? Sa jeunesse, "pleine de joie vivante", sourit la religieuse. "Nous sortons de cinq semaines de catéchèse à la paroisse Mar Boulos ("Saint Paul" en arabe). Il y avait entre 850 et 900 enfants de 5 à 13 ans, et plus 70 personnes chargées de les accompagner", dénombre-t-elle. "C'est un signe d'espérance, la vie recommence toujours !" La foi demeure la clé de voûte de la présence chrétienne sur cette terre biblique, où ont vécu, deux milles ans plus tôt, les premiers convertis. "La foi reste forte", assure le père Georges. "Les chrétiens n'ont pas de pouvoir et sont minoritaires, alors la religion reste leur principale source d'espérance." Qaraqosh compte en tout neuf églises, et deux restent encore à reconstruire. Pour le père Georges, c'est l'enracinement toujours plus profond des habitants dans leur foi en Jésus qui permettra d'assurer l'avenir des chrétiens dans la région. "On peut travailler sur la pastorale, avec le catéchisme des enfants et des adolescents, la chorale, des activités pour les femmes, etc. La vie du diocèse est très active." Le prêtre relève aussi à quel point la visite du pape François à Qaraqosh, en mars 2021, a été revigorante pour la population.

Le chômage, le traumatisme de la guerre et la crainte de voir advenir un nouveau conflit sont autant de freins au retour des chrétiens dans la plaine de Ninive. Mossoul, ville martyre, en est l'illustration, avec seulement 25 familles chrétiennes réinstallées. Depuis 2003, l'Irak s'est presque entièrement vidée de sa population chrétienne : ils étaient 1,4 millions et ne sont plus aujourd'hui que 150.000 à 400.000, selon diverses estimations. En dépit de tant de difficultés, force est de constater que la lumière ne s'éteint pas. Autre signe parmi d'autres, de jeunes Irakiens de la diaspora veulent aujourd'hui s'engager pour la reconstruction de leur pays, comme Dilan Adamat, un franco-irakien de 33 ans. Ce jeune chrétien chaldéen a quitté la France pour revenir s'installer en Irak et aider au développement de sa communauté et de son pays. "Nous avons pour mission d’apporter l’espérance", assurait-il à Aleteia. Il y a bel et bien des raisons de croire, par la formidable résilience et la folle espérance des chrétiens d'Irak, qu'un avenir leur est possible sur la terre d'Abraham.

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