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Après les législatives, retrouver l’art du compromis

ASSEMBLEE NATIONALE FRANCE

Assemblée nationale.

Michel Cool - publié le 13/07/24
En situation de blocage politique, que faire ? Pour notre chroniqueur Michel Cool, la France a su dans l’histoire montrer des ressources inattendues. Il lui faut aujourd’hui retrouver l’esprit de compromis.

L’élection législative du 7 juillet se solde par trois échecs : celui du Rassemblement national qui ne transforme pas sa dynamique du premier tour en victoire électorale au second ; celui de la majorité sortante qui perd sa majorité relative, mais reste une composante déterminante du paysage politique ; celui du cartel électoral de gauche qui quoique arrivé en tête du scrutin ne dispose que d’une majorité très relative en sièges (180 environ alors que la majorité absolue est de 289). Comme l’a constaté le président de la République dans une lettre adressée aux Français : "Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires." Dans une démarche parlementaire tout à fait inédite sous la Ve République, comme l’ont souligné plusieurs constitutionnalistes, mais qui est normale dans d’autres démocraties modernes, le président demande donc aux partis de "bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays". 

L’esprit de compromis

Les partis réussiront-ils à substituer à leur patriotisme partisan un patriotisme parlementaire ? Rien n’est moins sûr. Et le spectacle donné en ce moment par un remake consternant des mœurs délétères de la IVe République n’est pas rassurant sur les chances de notre système politique à sortir de cette crise en acquérant de la maturité démocratique.

La crise que la dissolution de l’Assemblée a clairement mise en évidence, c’est la crise de notre société.

Pour réussir cette métamorphose politique, il faudrait non seulement que nos députés retrouvent le chemin du bon sens, de la responsabilité et de l’intérêt supérieur du pays, mais il faudrait aussi que les corps intermédiaires, les agents influents de la société fassent leur propre révolution culturelle. Car la crise que la dissolution de l’Assemblée a clairement mise en évidence, c’est la crise de notre société. Une société en fait bloquée par toute une batterie d’habitudes frileuses souvent surannées et qui manifestent son incapacité à mettre de l’huile dans ses rouages quand ceux-ci montrent des faiblesses et même de l’usure. De quelle huile manque notre pays, la France ? Elle manque d’une huile de coude s’appelant l’esprit de compromis, ou si on préfère, la recherche du juste milieu, ou encore, l’art de la négociation. Or, nous autres Français, nous persistons avec une ivresse increvable à nous entredéchirer et à nous détester les uns les autres ; nous persistons avec une gourmandise suspecte à voir dans nos compatriotes des ennemis et dans nos gouvernants des rois en sursis. On se souvient de la fameuse pique de De Gaulle lancée contre l’esprit querelleur des Français : "Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromages ?" Cette pique n’a hélas rien perdu de son piquant !

Se regarder en face

Sauf à ne voir d’avenir à notre pays "ingouvernable" que dans l’avènement d’un régime autoritaire — ce dont par ailleurs n’a pas manqué notre histoire nationale, il faut bien le reconnaître — on peut espérer que les instances éclairées, supposées l’être en tout cas, de notre nation se mettent en jeu non pas pour jeter de l’huile sur le feu, comme certaines s’y emploient encore avec un plaisir quasi maléfique, mais pour mettre de l’huile dans les rouages d’un pays qui n’arrive plus à se regarder en face, à se parler avec lui-même et qui ne sait plus bien s’aimer avec tous ses paradoxes et contradictions. Peut-être lui manque-t-il une bonne dose d’humour belge, cette ironie sur lui-même cultivée par notre voisin septentrional et qui l’a aidé, par exemple, à vivre pendant plus d’un an sans gouvernement et sans pour autant faire de drames...

Parler au cœur

L’heure sonne pour que résonnent plus fortement des voix de penseurs, de poètes et de spirituels aux oreilles des Français pour les aider à retrouver le goût de l’harmonie et la beauté du geste de vivre ensemble. Ce n’est pas anodin que Joachim du Bellay commence son illustre sonnet en hommage à la France par un éloge des créateurs, des artistes : "France, mère des arts, des armes et des lois." On peut y voir qu’en dépit de son caractère bagarreur et cartésien, notre pays aspire aussi profondément à respirer l’air des cimes et le parfum des matins calmes. Les Français n’ont vraisemblablement pas l’humour tranquille des Belges. Mais ils ont ce truc indéfinissable qui fait leur complexité et aussi leur charme : sous leur écorce orgueilleuse se cache un cœur tendre qui peut se fendre si on sait lui parler. C’est pourquoi, maintenant, pour débloquer les Français du sentiment insupportable d’être tous des minorités incapables de s’entendre les unes les autres, il y a grand besoin d’entendre des voix réconciliatrices, exigeantes et douces à la fois. Un poète a écrit : "Il y a dans la poésie un parfum de résurrection." C’est le parfum qui manque à la France pour faire France ensemble.

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