Françoise Hardy, révélée lors de la soirée télévisée du référendum de 1962 instaurant l’élection du président de la République au suffrage universel, s’est décidée à mourir, âgée de 80 ans, le soir où la dissolution de l’Assemblée nationale, dernier coup de dé d’un Président qui n’en finit jamais de casser son jouet, plongea notre pays dans l’hystérie.
Sans peur du lendemain
Lorsque j’étais enfant, je me souviens que nous entendions parfois à la radio, et aussi dans les rues au moment des "Foires franches" de Brive, cette chanson qui disait : "Tous les garçons et les filles de mon âge se promènent dans la rue deux par deux. Et les yeux dans les yeux, et la main dans la main, ils s’en vont amoureux, sans peur du lendemain." La chanson ajoutait : "Oui, mais moi, je vais seule car personne ne m’aime."
Je m’y reconnaissais : enfant, je ne me croyais pas aimable. J’étais persuadé que jamais aucune fille ne m’aimerait. Et c’est pourquoi mon mariage, quelques années plus tard avec une femme tellement belle, tellement amoureuse, n’a jamais cessé d’être pour moi une sorte de miracle. Après trente-huit ans de vie commune, je n’en suis toujours pas revenu. L’amour, chantait Françoise Hardy , nous rend "sans peur du lendemain". J’aurai vécu sans peur parce qu’une femme m’aimait. Et grâce à Dieu, elle est toujours là. Elle me regarde en souriant pendant que j’écris cet article. Elle s’inquiète de savoir si je veux du café.
S’aimer à nouveau
Nous qui avons connu la France de Françoise Hardy, France colorée, joyeuse, sans peur du lendemain, nous mesurons plus que d’autres ce qu’est le poids de la peur qui frappe à la fois les couples et la politique dans notre vieux pays. Pour guérir de ce mal français, il faut écouter Françoise Hardy jusqu’au bout : elle annonce ce jour où "moi aussi j’aurai quelqu’un qui m’aime". La France n’en finit pas de sortir de l’adolescence. Voici plus de deux siècles qu’elle se rebelle contre le père dont elle a coupé la tête. Un jour, elle finira pas s’aimer à nouveau elle-même et les Français pourront à nouveau se regarder les yeux dans les yeux.