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Soins palliatifs : rejetés ou adoptés, ces amendements qui modifient un peu la loi

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Marc Le Fur, député LR des Côtes-d'Armor.

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Agnès Pinard Legry - publié le 02/06/24
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Les députés entament ce lundi 3 juin leur deuxième semaine de débats autour du projet de loi sur la fin de vie. La première partie du texte, les soins palliatifs, ont été jusqu'à présent au cœur des échanges. Droit opposable, soins spirituels, loi de programmation… Les discussions houleuses ou apaisées ainsi que les amendements, votés ou rejetés, dessinent la compréhension et l’avenir des soins palliatifs de toute la société.

Première partie du colossal projet de loi sur la fin de vie, les soins palliatifs occupent les députés depuis le début de l’examen du texte en séance, le 27 mai. C'est encore sur eux qu'ils vont plancher ce lundi 3 juin avant de passer à la deuxième partie, "l'aide à mourir". Composée de quatre articles, la première partie du texte vise à "renforcer les soins d’accompagnement et les droits des malades". Loin d’être anodine, la formulation "soins d’accompagnement" a déjà suscité des désaccords. Patrick Hetzel, député LR du Bas-Rhin, a ouvert les hostilités avec un amendement (n°CS341) demandant à maintenir uniquement le terme de "soins palliatifs" craignant un "subterfuge" visant à terme à inclure l’euthanasie et le suicide assisté dans ces soins d’accompagnement. L’amendement a été rejeté. Un glissement sémantique porteur de confusion qui inquiètent autant à droite qu’à gauche de l’hémicycle. Le député communiste des Bouches-du-Rhône Pierre Dharréville ainsi que le député PS Jérôme Gudej ont également déposé des amendements visant à remplacer le terme "d’accompagnement" par "palliatifs" mais ils ont eux aussi été rejetés. Si les soins d’accompagnement demeurent, un amendement porté par plusieurs députés (2036) précisant l’intitulé de l’article premier a pu être voté. Loin d’une coquetterie, il intègre la notion de "garantie" des soins palliatifs. Une amendement important car c’est bien l’effectivité de ces soins palliatifs qui est en jeu.

Reconnaissance des besoins spirituels

Au deuxième jour de l’examen, mardi 28 mai, c’est dans un climat plus serein, presque détonnant dans l’hémicycle, que le communiste Pierre Dharréville a défendu son amendement (2905) visant à clarifier l’objet de l’article 1, à savoir le renforcement des soins d’accompagnement et les droits des malades. Il vise à distinguer, au sein des soins d’accompagnement, les soins palliatifs d’une part et les "soins de confort et de support" d’autre part "destinés à répondre aux besoins physiques de la personne, dont le traitement de la douleur, ainsi qu’à ses besoins psychologiques, sociaux et spirituels". L’amendement a été adopté à 46 voix contre 39 avec des soutiens venant de différents groupes politiques. "Je maintiens ici que la dimension spirituelle est consubstantielle de la personne humaine", a abondé le socialiste Dominique Potier, défendant un amendement identique. "Dans ces moments-là, aux frontières de la vie, priver quelqu’un de l’accès par un clerc, un laïc, un proche ou n’importe qui de cette traversée de l’épreuve par la spiritualité, ce serait vraiment une atteinte fondamentale aux droits humains." Il en va de même par les Thibault Bazin, député LR de Meurthe-et-Moselle, et Marc Le Fur, député LR des Côtes-d'Armor qui, auteurs d’amendements similaires, ont soutenu les amendements portés par les députés de gauche.

Si demain les personnes n’ont pas accès aux soins palliatifs pour soulager leurs souffrances, mais ont accès aux produits létaux, auront-elles vraiment le choix ?

L’accompagnement au deuil et l’accompagnement des proches ont eux aussi été évoqués. L’adoption de l’amendement 877 de Laurent Panifous (LIOT) précise que le soutien à l’entourage de la personne malade, délivré dans le cadre des soins d’accompagnement, peut se poursuivre après son décès. "Pour le première fois l’accompagnement au deuil est prévu dans la loi", s’est félicité Jérôme Guedj (Socialistes).

Aussi étonnant que cela puisse paraître, un point a fait l’unanimité sur tous les bancs de l’hémicycle : le manque de soins palliatifs mais aussi de prise en charge de la douleur. En faisant adopter l’amendement 412, Cécile Rilhac (Renaissance) a fait élargir la notion de souffrance aux douleurs physiques et aux souffrances psychiques ou psychologiques, "afin d’englober la totalité des réalités vécues et ressenties par les patients". Geneviève Darrieusecq (Démocrates) a rappelé de son côté qu’actuellement il faut plus de six mois pour obtenir un rendez-vous dans un centre anti-douleurs. Une question cruciale, comme le rappelle Annie Genevard (LR), puisque c’est la première qui entre en jeu dans une demande de mort. Or, "il y a très peu de douleurs qui sont absolument réfractaires", souligne la députée. Julien Odoul (RN) dénonce, lui, un "échec collectif". "Nos concitoyens ont peur de la souffrance", indique le député. "Ils ne veulent pas abréger leur vie, mais lutter contre la souffrance et la douleur" relève-t-il. "Beaucoup de personnes souffrent dans notre pays, a ajouté Pierre Dharréville. "C’est d’autant plus un problème qu’elles pourraient ne pas souffrir." "Si demain les personnes n’ont pas accès aux soins palliatifs pour soulager leurs souffrances, mais ont accès aux produits létaux, auront-elles vraiment le choix ?", a interrogé avec force Thibault Bazin. Et Patrick Hetzel de renchérir : "Il serait terrible que des concitoyens soient amenés à demander le droit à l’euthanasie alors qu’ils n’auraient pas pu accéder préalablement aux soins palliatifs."

Un droit "opposable" aux soins palliatifs

C’est sur ces considérations partagées par la majorité que Marc Le Fur a proposé, avec l’amendement 1470, que les soins palliatifs soient "garantis" et non seulement "prodigués". Ainsi, "nous sortirons des vœux pieux pour aller vers quelque chose de réaliste et concret". Malgré un double avis défavorable du gouvernement et de la commission l’amendement a été adopté par 81 voix pour, 70 contre. Le groupe Les Républicains a demandé un scrutin public sur ce point. "Mes chers collègues, vous êtes favorables à ce que l’« aide à mourir » soit un droit, nous sommes favorables à ce que les soins palliatifs relèvent du droit opposable", a résumé avec humour et sincérité Marc Le Fur.

Ce principe de droit "opposable" aux soins palliatifs avait été introduit par Thibault Bazin en commission spéciale. Concrètement, la personne dont l’état de santé le requiert, qui a demandé à bénéficier de soins palliatifs et qui n’a pas reçu, dans un délai déterminé par décret, une offre de prise en charge palliative, "peut introduire un recours devant la juridiction administrative afin que soit ordonnée sa prise en charge". Un peu plus tôt les députés avaient adopté un article, introduit en commission contre l'avis du gouvernement, en faveur d'un "droit opposable" à bénéficier des soins palliatifs, alors qu'une personne sur deux n'y a pas accès aujourd'hui.

Loi de programmation pour les soins palliatifs

Autre temps fort et symbolique de ces premiers jours de débat, le vote des députés mercredi 29 mai en faveur d'une "loi de programmation pour les soins palliatifs", contre l'avis du gouvernement. Si le texte de l'exécutif concernant l'aide à mourir comporte aussi un volet sur les soins palliatifs, il "n'offre aucune garantie de l'offre effective de soins palliatifs dans notre pays", a assuré le député LR Thibault Bazin, estimant qu'il "faut pouvoir s'y engager". Il a fait adopter avec l'aide d'autres groupes (gauche, Liot, RN) un amendement pour introduire le principe d'une loi de programmation pluriannuelle votée par le Parlement pour une durée de cinq années. Cinq députés Renaissance et un Horizon, membres du camp présidentiel, ont également voté pour. Cette loi doit avoir "pour objet de développer l'offre de soins palliatifs, placée au rang de priorité nationale", et "la volonté de garantir à chacun, selon ses besoins et sur tout le territoire, l'accès aux soins palliatifs", selon son amendement.

Pour mémoire les lois de programmation, comme il en existe pour les Armées, la Justice ou l'Intérieur, détaillent sur plusieurs années une trajectoire budgétaire que l'État est censé suivre, même si elle doit être validée chaque automne lors de la traditionnelle séquence budgétaire au Parlement, où sont votés les budgets de l'État et de la Sécurité sociale.

Si les députés ont bien voté pour un "droit opposable" à bénéficier des soins palliatifs et une "loi de programmation pour les soins palliatifs", ils ont en revanche rejeté un amendement porté par Philippe Gosselin, député LR de la Manche, qui proposait de pouvoir bénéficier "d'un accès aux soins palliatifs dès la réception d'un diagnostic de maladie grave ou incurable en fonction de son état de santé".

Pas d'aide à mourir dans les directives anticipées

Les députés ont voté vendredi 31 mai pour supprimer la possibilité d'inscrire une demande d’aide à mourir dans les directives anticipées, disposition qui avait été ajoutée en commission contre l’avis du gouvernement. Si une telle disposition était votée, "une ligne rouge majeure serait franchie", a dénoncé le député Patrick Hetzel. L’amendement de suppression, soumis par le gouvernement, a été adopté à 49 voix contre 13.

À noter que cette disposition se trouvait dans la partie du texte portant sur les soins palliatifs, et non l’aide à mourir. Certains élus ont donc voté la suppression pour préserver l’"étanchéité" entre soins palliatifs et aide à mourir, et non par opposition au contenu. Une partie des députés souhaite ainsi ouvrir à nouveau ce débat la semaine prochaine, lors de la discussion de l’article 6 qui précise les conditions nécessaires pour accéder à l’aide à mourir.

Maisons d'accompagnement... ou "maisons de mort" ?

La création de "maisons d’accompagnement", un nouveau type d'établissement médico-social à mi-chemin entre hôpital et domicile pour accueillir des personnes en fin de vie, a également été votée par les députés. Les maisons d'accompagnement auront "vocation à accueillir douze à quinze personnes", avec "un ratio de un" patient "pour un" professionnel de santé, a affirmé la ministre de la Santé Catherine Vautrin. Elles doivent permettre une "prise en charge globale" de personnes dont "l'état pathologique" grave mais stabilisé ne relève plus d'un accueil hospitalier, mais qui "malheureusement ne peuvent pas rentrer à domicile". Une telle description laisse rêveur. Pourquoi une telle opposition de nombreux députés allant jusqu’à qualifier ces dernières de "maisons de la mort" ? Si les patients la demandent, l'aide active à mourir sera possible sous conditions, comme à domicile. L'Assemblée a ensuite écarté un amendement de la majorité pour que le secteur lucratif puisse aussi gérer ces nouveaux établissements. 

Dans l'hémicycle les députés ont enfin adopté contre l'avis du gouvernement un amendement qui prévoit de doubler chaque année les efforts budgétaires supplémentaires de la France d'ici 2034 pour les soins palliatifs, Pierre Dharréville invoquant notamment le "vieillissement de la population" et "l'augmentation des maladies chroniques".

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