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Il y a une différence de nature entre une guerre qui menace une portion du territoire national et une guerre qui menace l’existence même de la nation. Dans le premier cas, il est possible de négocier et d’accepter la défaite, dans le second aucune négociation n’est possible, ni aucune défaite, puisque c’est son existence qui est en jeu. Or c’est bien dans une guerre existentielle que l’Iran et Israël sont engagés, avec une nouvelle montée d’affrontement depuis le début du mois d’avril.
Détruire la menace
Tout débute le 1er avril quand Israël opère une frappe en Syrie contre une annexe du consulat iranien basé à Damas. Dans cette pièce se tient une réunion où sont convoqués de hauts dignitaires iraniens, dont des généraux chevilles ouvrières des liens entre le Hamas et l’Iran. Sept personnes sont neutralisées ce qui, pour Israël, est une façon de desserrer la menace qui pèse sur sa sécurité. Après ce camouflet, qui touche son honneur et sa crédibilité, l’Iran décide de frapper Israël, tout en informant les États-Unis de cette frappe via les réseaux irakiens. Les frappes surviennent dans la nuit du 13 au 14 avril : près de 300 drones et missiles sont tirés en direction d’Israël, la plupart étant interceptés par l’aviation des alliés d’Israël, dont la France et la Jordanie.
Depuis son établissement en 1979, la République islamique d’Iran s’est bâtie en opposition à Israël.
Ici, tout est question de regard et de perception. Depuis son établissement en 1979, la République islamique d’Iran s’est bâtie en opposition à Israël, réaffirmant régulièrement sa volonté d’éradiquer l’État hébreu. La mort de ses dignitaires militaires ne pouvait pas rester impunie tant cela fragilise sa crédibilité sur la scène du Moyen-Orient, notamment vis-à-vis des milices que l’Iran entretient, comme le Hamas, le Hezbollah et les Houthis, mais aussi vis-à-vis de sa population, de plus en plus remontée contre le régime des mollahs. Question existentielle pour Téhéran : il lui fallait garder l’honneur face aux milices, ne pas montrer de fragilité à l’égard de sa population et maintenir sa ligne d’éradication d’Israël.
Retenir le bras israélien
Pour Israël, l’attaque est un choc : pour la première fois depuis la guerre du Kippour (1973), un État lance une attaque massive contre son territoire. Si les dégâts matériels et humains sont quasi nuls, les dégâts politiques sont énormes : Israël n’est plus inviolable, son territoire n’est plus un sanctuaire : un État ennemi ose l’attaquer, de façon massive. Après le choc traumatique de l’attaque du 7 octobre, celle du 13 avril est un autre choc.
Les États-Unis et les Occidentaux tentent depuis lors de retenir le bras israélien pour éviter une réponse de Tsahal et potentiellement une montée des tensions. C’est mal comprendre ce qui est en jeu. Pour Israël, cette attaque iranienne n’est pas un chapitre "clos", selon les mots de la diplomatie iranienne, mais un test d’essai des fragilités et des volontés israéliennes. C’est donc bien une guerre existentielle. Israël est convaincu que d’autres frappes viendront, plus précises, plus massives et donc plus destructrices. Raison pour laquelle il y aura une réponse, même si le jour et les modalités ne sont pas encore décidés.
Atermoiements arabes
La paix pourrait venir des pays arabes, excédés par le jeu de l’Iran. L’Égypte subit les conséquences financières de la baisse du trafic en mer Rouge, à cause des attaques houthis orchestrées par Téhéran. L’Arabie saoudite, qui avait fait un grand pas vers la normalisation des relations avec Israël à la suite des accords d’Abraham (2020) n’a pas envie de subir un conflit. Les pays du Golfe veulent se concentrer sur leur développement économique, celui de Dubaï et de Doha notamment, et sont excédés par l’attitude des mollahs. La Syrie ne veut plus être l’arrière-cour de l’Iran et la Jordanie est résolument alliée d’Israël, son aviation ayant contribué à détruire de nombreux projectiles. Ce sont les pays arabes qui détiennent la clef du problème, pouvant faire pression sur l’Iran pour calmer ses ardeurs, fournir du renseignement à Israël, voire participer à un renversement des mollahs. Conscients des fragilités de leurs pays et désireux d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire du Moyen-Orient, ils pourraient être demain la clef de la paix.