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La contrainte de la guerre

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Marine Gonard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Deuxième phase de l'exercice militaire Orion 2023, Cahors, mars 2023.

Michel Cool - publié le 06/04/24

La perspective d’un retour de la guerre est-elle une chimère ? Beaucoup d’Européens et de Français le croient, déplore notre chroniqueur Michel Cool. Il est pourtant réaliste de penser la contrainte de la guerre comme le seul moyen de défendre sa vie et sa souveraineté.

Je discutais récemment avec un ami italien. Nous partageons ensemble l’amour des livres et l’expérience professionnelle d’éditeur. J’oubliais un autre point commun important : notre attention passionnée à l’actualité, en particulier à celle de l’Église. Entre une pizza et une glace au citron, nous avons ainsi passé la soirée à éplucher une série d’événements. À un moment donné, la guerre de la Russie faite à l’Ukraine est arrivée sur la table. Et là, nos visions souvent concordantes ont à ma surprise divergé. Je lui avais exprimé mes inquiétudes sur les risques de généralisation du conflit. Face à ce danger et à l’isolationnisme américain, j’estimais réaliste et responsable que l’Union européenne pensât sérieusement à se doter de moyens de défense autonomes. Mon ami me regarda d’un air stupéfait et laissant tomber sa cuillère dans sa coupe à glace me répondit : “Tu penses sérieusement à une guerre dans nos pays ? Il m’est impossible de l’imaginer. Je ne peux simplement pas y croire. Cette hypothèse ressemble à un méchant mirage.”

Le syndrome du nuage de Tchernobyl

Sa réaction me fit instantanément penser au nuage de Tchernobyl. Rappelons-nous. Le 26 avril 1986, un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, avait explosé accidentellement. Il s’en suivit une émission brutale de rejets radioactifs dans l’atmosphère. Le panache menaçait de contamination la plupart des pays d’Europe. Mais en France on entendit des voix autorisées assurer que le nuage ne franchirait pas les frontières de l’Hexagone. Comme si une mystérieuse cloison immunitaire nous protégerait des retombées radioactives… Il n’en fut rien en réalité : des dépôts furent localisés dans les régions de l’est du pays et en Corse. Mon ami italien me sembla lui aussi être un adepte du syndrome du nuage de Tchernobyl. Pour lui, la fumée opaque des canons d’artillerie ne pouvait plus passer les frontières des pays membres de l’Union européenne. Comme si là encore, un cordon sanitaire magique préservait de la guerre nos pays dorlotés par une paix confortable, acquise au forceps après un long passé violent et sanglant.

L’opinion publique, par déni ou par ignorance, persiste à penser que la guerre c’est pour les autres et non plus pour elle.

La réponse de mon ami italien n’est pas isolée. Loin de là. Nombre de commentaires lui font écho dans les milieux politiques et médiatiques. Ils entretiennent l’idée que la perspective d’un retour de la guerre dans nos contrées est une chimère. Voire un spectre agité par de sombres calculateurs politiciens et de furieux va-t-en-guerre. D’autres arguent que le degré de sophistication atteint par nos armements permet de ne plus exposer les populations civiles aux bombardements et aux assauts. Sauf qu’actuellement en Ukraine et à Gaza, la guerre conventionnelle a repris ses droits avec son lot tragique de destructions urbaines et humaines. Les images de ces combats envoyées par les reporters rappellent celles des conflits armés d’avant l’ère atomique. Mais rien n’y fait. L’opinion publique, par déni ou par ignorance, persiste à penser que la guerre c’est pour les autres et non plus pour elle. Les dernières déclarations du chef d’état-major français de l’armée de terre exprimant sa “préoccupation” face aux “risques et dangers qui montent” pourraient-elles avoir un effet ? On peut en douter. Les principaux sujets de préoccupations des Français et leurs intentions de vote aux élections européennes du 9 juin prochain, si on en croit les sondages, ne vont pas dans le sens d’une prise en compte des sérieuses menaces militaires qui pèsent sur eux et sur leur pays. Soixante-dix ans de paix ont, semble-t-il, converti au pacifisme des millions de Français et d’Européens.

L’aveuglement des disciples

Qu’ont lu ces dernières semaines les chrétiens dans les évangiles de la Passion ? Ils ont constaté l’attitude déconcertante des disciples : ils se bouchaient systématiquement les yeux et les oreilles dès que Jésus leur parlait de sa mort violente et tragique. Cette réalité leur était trop odieuse ; elle était insupportable à leur confort mental. Alors ils la repoussaient en écoutant la voix de la facilité ; celle les entraînant à regarder et à écouter ailleurs. Les Européens, et singulièrement les Français, ressemblent un peu aux disciples : ils sont enclins à nier les réalités, d’autant qu’elles leur paraissent à tort lointaines. Ils pensent ainsi différer l’heure de leur face à face avec le tragique en suivant le chant de sirènes hélas souvent trompeuses. Autre fait notable dans l’Évangile : les disciples dénient à la fois le supplice du bois et la Résurrection. Ils sont sourds et aveugles au sens final et glorieux de la Croix

De même, les esprits européens et passablement les Français achoppent sur la question difficile d’envisager leur défense, en oubliant que la contrainte de la guerre peut être, comme elle l’est en ce moment pour les Ukrainiens, le seul moyen de défendre leur vie et leur souveraineté. Les temps changent. Mais pas l’homme et sa tentation de fuite en avant face au malheur. Oui, la guerre est toujours une défaite de l’humanité. Mais pour ceux qui la subissent, elle est un pis-aller pour résister à la force injuste et redonner la victoire à la paix juste. Encore faut-il pour cela avoir chevillé au cœur et à l’âme, comme les Ukrainiens le montrent en forçant l’admiration, l’amour sacré de la liberté et de la justice.

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ArméegazaGuerreGuerre en Ukraine
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