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En 1946, Henri de Lubac publie des études historiques autour du mot "surnaturel". Au cœur de sa recherche se pose la question du rapport entre nature et grâce. Soit la nature et la grâce sont entièrement séparées avec l’affirmation d’une "nature pure" autosuffisante à l’égard de laquelle le surnaturel apparaît comme en surplomb, soit elles sont confondues en rabattant le surnaturel à l’intérieur d’un processus naturel, soit elles sont articulées à l’aune du "mystère du Christ, cause finale absolument dernière". C’est dans cette troisième optique qu’Henri de Lubac parle du désir naturel de Dieu, doctrine qu’il développe à l’intérieur d’une théologie de l’amour fondée sur le mystère de l’Incarnation (Affrontements mystiques, 1950, p. 40) :
Jésus, je crois en vous. Je confesse que vous êtes Dieu. Vous êtes pour nous tout le Mystère de Dieu. [...] Dieu est l’Amour. Ce seul mot contient un mystère insondable, que j’adore. [...] Car l’Amour a fait un grand geste, et ce Geste de l’Amour […], c’est vous-même ! C’est Dieu fait homme, c’est l’incarnation de Dieu.
L’envers d’un Endroit divin
On ne peut comprendre le rapport entre nature et grâce qu’en le prenant sous son "aspect théocentrique", ce qui revient à le considérer sous l’angle de la charité divine plutôt qu’à la mesure de nos logiques trop humaines. La doctrine du désir de Dieu n’échappe pas à cette règle qui trouve son expression axiomatique dans le dogme christologique de Chalcédoine, lequel définit l’union sans confusion, et la distinction sans séparation, des deux natures — humaines et divines — dans l’Unique hypostase divine.
Le désir de Dieu s’inscrit dans une dynamique de conversion de tout l’être-créé à Dieu.
L’approche théocentrique permet de concevoir l’expression d’un désir de Dieu — "désir naturel de voir Dieu" — comme "l’envers d’un Endroit divin". Qualifié de "naturel" par opposition à "élicite", le désir de Dieu s’inscrit dans une dynamique de conversion de tout l’être-créé à Dieu. Si bien que parler d’un désir naturel de Dieu en l’homme revient à professer son être-pour-Dieu : "Seigneur, tu nous as faits pour toi, dit saint Augustin, et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il se repose en toi." Bien qu’impuissant par lui-même, ce désir nous soulève vers Dieu, parce que, d’abord, il traduit dans notre nature l’attraction même de Dieu, "l’attraction de son Amour". Toute l’initiative revient à Dieu.
L’esprit est désir de Dieu
Le désir de Dieu traduit en l’homme sa dimension spirituelle. Il n’est dit naturel qu’en tant qu’il désigne notre nature spirituelle participée de l’Esprit de Dieu. Le désir de Dieu est lui-même un désir spirituel — et non pas un objet de psychologie empirique — ; il exprime l’ordination surnaturelle de la nature spirituelle (Surnaturel, p. 483) :
Fait pour Dieu, l’esprit est attiré par Lui. L’esprit est donc désir de Dieu. Tout le problème de la vie spirituelle sera de libérer ce désir, puis de le transformer : conversion radicale, [...] sans laquelle il n’est point d’entrée dans le Royaume .
Dieu qui surpasse toute capacité de désir, ne peut en effet combler notre désir d’union à Dieu qu’en renversant toutes les catégories naturelles de ce désir ; cette transformation dessine l’itinéraire mystique de toute vie chrétienne destinée à passer dans le Christ en traversant le rythme pascal de sa Passion, de sa Mort et de sa Résurrection. La doctrine du désir naturel de Dieu s’inscrit donc dans la dialectique traditionnelle de l’image et de la ressemblance : créé à l’image de Dieu, ainsi que nous l’enseigne la Bible, l’être humain est capax Dei, parce qu’il est destiné à la ressemblance avec Dieu, laquelle se consomme dans la vision béatifique.
L’appel de l’Amour
"Tout, dans le don que Dieu veut faire de lui-même, et par conséquent dans le désir qui en résulte en notre nature, s’explique par l’Amour, insiste encore le théologien. [...] C’est un Amour personnel, c’est l’Amour en personne qui, librement, suscite l’être auquel Il veut se donner. Rien ne limite l’indépendance souveraine du Dieu qui se donne" (Le Mystère du surnaturel, 1949, p. 106). Au contraire d’exprimer un droit sur Dieu, le désir de Dieu exprime un "droit de Dieu" sur nous ; Il nous veut tout entiers, Celui qui nous a fait. Ce désir est donc en nous, mais il n’est pas de nous, "ou plutôt, il est si bien en nous qu’il est nous-mêmes mais c’est nous qui ne nous appartenons pas : non sumus nostri" (Surnaturel, p. 488).
Nous sommes à ce point faits pour Dieu que la privation de la vision béatifique constitue ce qui est appelée la "peine du dam" ! Mais s’il est aisé de recueillir des témoignages d’un universel désir de Dieu, ce désir n’est connu qu’obscurément jusqu’à ce que Dieu se révèle comme un Dieu d’Amour. La Révélation de Dieu en Jésus-Christ rejoint ainsi le désir foncier de Dieu en en dévoilant la nature profonde : ce désir traduit en l’homme le retentissement de sa vocation divine, "l’appel de l’Amour".
Pratique