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IVG dans la Constitution : et la protection de l’enfant ?

Le Sénat.

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Hubert de Boisredon - publié le 04/03/24
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Le Parlement se réunit ce lundi 4 mars en Congrès à Versailles afin d'inscrire dans la Constitution "la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption de grossesse". Pour Hubert de Boisredon, cette évolution constitutionnelle pose une série de questions et de risques pour la protection de l’enfant qui restent à ce jour sans réponse.

Le journal La Croix du 3 mars rappelle l’esprit dans lequel Simone Veil a défendu le projet de loi de dépénalisation de l’IVG le 26 novembre 1974 : "L’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue, déclarait-elle. Mais comment le tolérer [...] sans que la société paraisse l’encourager ? Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. [...] C’est toujours un drame. [...] C’est pourquoi, si le projet qui vous est présenté admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme."

L’esprit de la loi profondément modifié

Cette loi visait notamment à corriger la pratique de l’avortement illégal en France. Réprimer les avortements conduisait à des drames. C’est pour la défense de ces femmes réprimées et obligées d’avorter à l’étranger ou dans des conditions mettant en danger leur vie que Simone Veil s’est battue. Il convient de rendre hommage à son courage d’avoir voulu aider les femmes en situation de détresse qui ne pouvaient envisager d’autre solution possible que l’avortement.

Depuis 1974 cependant, une série d’évolutions ont profondément modifié l’esprit de cette loi.  Les communications sur l’avortement visant à permettre aux femmes de faire un choix en conscience ont été qualifiées de "délit d’entrave", au point que la liberté d’expression sur l’avortement est aujourd’hui menacée. Par ailleurs, la "condition de détresse" a été supprimée en 2014, puis celle de "délai de réflexion" en 2016 et 2022. En 2020, la notion de "détresse psychosociale" a été avancée comme motif d’avortement thérapeutique, permettant concrètement d’avorter un enfant à naître jusqu’à son terme… Enfin, l’allongement de 12 à 14 semaines permet d’avorter un fœtus, qui mesure déjà 120 millimètres et dont la tête est ossifiée. Pour le sortir, il faut démembrer le fœtus et écraser sa tête. Cette situation est insoutenable pour beaucoup de gynécologues. L’un d’entre eux témoignait qu’il ne pouvait pas se retenir d’aller vomir après avoir pratiqué de tels avortements. Certains voudraient faire taire cette réalité, mais c’est la vérité. 

Le texte proposé ne pose aucune limite

L’esprit de la loi de Simone Veil a donc considérablement évolué : d’une dépénalisation, l’IVG est devenue un droit, et maintenant elle va très probablement devenir une liberté "garantie". Cette garantie pose question : quelles seront ses conséquences pour le personnel soignant ? Leur clause de conscience sera-t-elle aussi garantie ? Il serait en effet extrêmement grave que l’État au nom de la Constitution force des médecins à pratiquer des avortements alors qu’ils voudraient être fidèles à leur serment d’Hippocrate de défendre la vie en toute circonstance.  Si l’IVG se retrouve inscrite dans la Constitution au nom de la protection de la liberté, le respect de la clause de conscience des médecins devrait l’être également.

L’autre question éthique posée par cette inscription concerne le droit et la défense de l’enfant à naître. Quelle protection lui assure la Constitution ? Pourrait-on admettre qu’il n’y ait pas de limites à la "liberté garantie" d’avorter ? Car le texte proposé ne pose aucune limite ! Au nom de cette garantie, n’y a-t-il pas un risque que les délais des avortements soient encore allongés au point de tuer des enfants dans le ventre de leur mère qui seraient parfaitement viables ?

Pas de protection pour l’enfant

Enfin, cette loi ne parle pas des pères. Quels sont leurs droits dans ce débat ? Prenons par exemple la situation d’une femme enceinte qui ne voudrait pas garder son enfant à naître, mais dont le père serait désireux de le prendre chez lui et à l’élever indépendamment de la mère. Quelle possibilité et quel droit pour le père de permettre à cet enfant de vivre ? Cette inscription dans la Constitution ne devrait-elle pas définir des conditions de protection de l’enfant ? Pour que la liberté d’avorter ou non soit réelle, la Constitution ne devrait-elle pas garantir des services d’écoute pour les femmes, des dispositifs d’aides pour les femmes en détresse qui voudraient garder leur enfant et des alternatives à l’avortement quand cela serait possible ?

Ce projet ne considère qu’un aspect de la réalité. Il est incomplet, non abouti. Ses conséquences n’ont pas été réfléchies ni suffisamment mûries.

Pour toutes ces raisons, tout en comprenant les raisons qui ont conduit à la loi Veil, graver l’IVG dans le marbre de la Constitution comme une liberté garantie au-dessus de toutes les autres, sans protection de la clause de conscience pour les soignants ni aucune protection pour l’enfant, ne me réjouit pas. Ce projet ne considère qu’un aspect de la réalité. Il est incomplet, non abouti. Ses conséquences n’ont pas été réfléchies ni suffisamment mûries. Je comprends qu’il faille soutenir et protéger les femmes en détresse, mais ne peux me réjouir qu’il y ait 220.000 avortements par an en France. 

Une société qui se fragilise

Je ne peux pas être fier que la France soit le premier pays à inscrire la liberté garantie à pratiquer l’IVG dans la Constitution sans poser la moindre limite à cet acte grave, qui consiste à supprimer une vie à venir. Je ressens même une honte qu’une majorité de parlementaires puissent voter ce texte sans avoir le courage d’alerter sur les risques et de le compléter, de l’amender pour prendre en compte la nécessaire protection de l’enfant. Non je ne peux pas sauter de joie ni qualifier ce moment d’historique au sens positif du terme. Je rejoins en cela le cri du pape François : "Mais comment un acte qui supprime la vie innocente peut-il être thérapeutique, civil ou tout simplement humain ?" Je partage aussi la tristesse et la pensée des évêques de France, notamment celle de Mgr Matthieu Rougé lorsqu’il a affirmé : "Une société qui constitutionnalise la culture de mort, qu’elle en ait conscience ou non, se fragilise elle-même en profondeur."

Puissent nos parlementaires poser cet acte de leur vote en conscience et en totale liberté, en dehors de toute considération électorale et de toute pression sociale, familiale ou politique ! Et chacun de nous, puissions-nous prier avec foi pour que la vie soit toujours protégée et défendue, en particulier celle des plus faibles, avec la conviction que toute vie est sacrée !  Puissions-nous accueillir la vie dans nos familles, dans la société et autour de nous avec joie et agir pour "faire avancer la culture de la vie" comme nous y invite le pape François. 

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