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Sénégal : l’Église s’engage pour la paix civile

MANIFESTATION-DAKAR-AFP

Manifestation à Dakar (Sénégal), 4 février 2024.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 08/02/24
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L’annonce du report sine die des élections présidentielles au Sénégal a plongé le pays dans le chaos. Alors que de nombreuses manifestations ont éclaté à Dakar et dans les grandes villes du pays, faisant craindre un embrasement inédit, l’archevêque de Dakar appelle au respect des institutions.

Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal a toujours été l’un des pays les plus stables d’Afrique. Il n’a connu ni coup d’État ni guerre civile, fait rare sur le continent. Cette stabilité lui a permis d’attirer de nombreux investisseurs, en particulier français, et de développer une activité de tourisme, notamment en Casamance, qui contribue de façon importante à l’économie du pays. Entre la bande sahélienne en décomposition et le golfe de Guinée infiltré par les réseaux criminels, le Sénégal est l’exception de stabilité. Mais depuis plusieurs années déjà, le feu couvait. 

Une présidentielle en suspens

Ousmane Sonko, l’un des principaux opposants au gouvernement, extrêmement populaire chez les plus jeunes, est arrêté puis jugé en juin 2023 pour une affaire de viol. Ce 4 janvier, il est condamné pour diffamation à six mois de prison avec sursis et, surtout, cinq ans d’inéligibilité. Pour ses partisans, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un procès fictif et d’une sentence qui vise à l’éliminer de la course à la présidentielle. De quoi raviver les tensions. Un autre candidat de poids, Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, a vu sa candidature invalidée le 20 janvier, au motif qu’il possède la double citoyenneté française et sénégalaise.

Les principaux opposants ne pouvant pas se présenter, l’espace était libre pour le candidat officiel du pouvoir, l’actuel Premier ministre Amadou Ba, dont le charisme et la popularité sont proches du néant. Dès le mois de janvier, un grand nombre d’observateurs sénégalais et étrangers ont compris que Ba ne serait pas élu, à moins d’être "aidé" par le président actuel, Macky Sall. Le report de la présidentielle, une première au Sénégal, est ainsi perçu par beaucoup comme une tentative d’écarter les opposants et de permettre à Amadou Ba d’accéder au pouvoir. 

Quand le feu explose

L’annonce a été suivie de nombreuses manifestations à travers tout le pays, déstabilisant la structure sociale déjà fragile de l’État. Pour beaucoup, ce renversement démocratique vise à maintenir le clan de Macky Sall au pouvoir et à faire barrage à Bassirou Diomaye Faye, le principal candidat de l’opposition, et celui qui semble recueillir le plus de suffrages. Comme Sonko, Faye est originaire de la région de Thiès, comme lui, il est membre du Pastef, le parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité, parti créé et dirigé par Sonko. Arrêté en avril 2023 pour "diffusion de fausses nouvelles", il est toujours en prison. Mais n’ayant pas été condamné, la Cour constitutionnelle a estimé qu’il pouvait être candidat à la présidentielle. Il est néanmoins toujours difficile de mener une campagne électorale depuis une cellule de prison.  

L’appel de l’archevêque de Dakar

À situation inédite, réponse inédite. La ligue des imams du Sénégal et l’archevêque de Dakar, Mgr Benjamin Ndiaye, ont condamné ce report et appelé à l’organisation au plus tôt des élections. Dans un entretien accordé à l’agence Fides, Mgr Ndiaye a redit sa volonté d’aider à la mise en place d’un véritable processus démocratique. "Les Sénégalais doivent éviter la technique de l'évasion. Quand il y a une réglementation, il faut la suivre. La respecter nous permet d'avancer. […] Les institutions doivent être respectables et respectées dans leur mission pour que nous puissions avancer ensemble. Ce qui est le plus important pour moi, c'est que le Sénégal vive selon sa Constitution", a-t-il ainsi affirmé. 

Les catholiques sont minoritaires, à peine 300.000 personnes sur 16,2 millions d’habitants, dans un pays très largement musulman. On les retrouve essentiellement en Casamance et à Dakar, c'est-à-dire dans le sud du pays. Le catholique le plus célèbre du pays fut Léopold Sedar Senghor, père de l’indépendance et premier président du Sénégal, aujourd'hui quelque peu oublié. Les chrétiens tentent de jouer leur rôle de facilitateurs et de soutiens de la cohésion nationale, au moment où le pays pourrait sombrer dans une lutte politique et ethnique. En clair, faire primer la nation sur les clans et les intérêts partisans. Et espérer maintenir la paix.   

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