La polémique continue d’enfler autour du Collège Stanislas, après les propos de la ministre de l’Éducation sur la scolarisation de ses enfants dans ce prestigieux établissement privé du VIe arrondissement de Paris. Deux jours après la publication d’un rapport publié par Mediapart pointant du doigt certaines "dérives" de l’établissement, la Ville de Paris a annoncé le 17 janvier qu’elle suspendait temporairement les subventions allouées à Stanislas.
"Après avoir pris connaissance du rapport d’enquête administrative de l’Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR), révélé par le journal Mediapart, la Ville de Paris a décidé de suspendre son financement légal de l’établissement privé Stanislas", est-il indiqué. La ville, qui n’a pris connaissance du rapport que par voie de presse, "s’étonne qu'[il] (...) n’ait pas fait l’objet d’une transmission officielle aux collectivités qui financent cet établissement". Elle demande donc au ministère d’y avoir accès "dans les plus brefs délais".
Le rapport, remis au ministère de l'Éducation en août 2023, pointe des "dérives" au sein du Collège Stanislas, mis en cause notamment pour non-respect de la liberté religieuse des élèves et pour des propos "homophobes" et "sexistes" tenus par certains encadrants. "Les faits révélés par la presse sont extrêmement choquants et inacceptables" affirme la Ville. Elle n'a malgré tout pas eu connaissance du rapport dans son intégralité, demandant au ministère qu'il lui communiqué "dans les plus brefs délais". Par ailleurs, la direction de Stanislas s'est défendue de ces accusations dans un communiqué publié la veille, précisant "qu’au terme de la mission d’enquête, les Inspecteurs Généraux ne confirment pas les faits d’homophobie, de sexisme et d’autoritarisme mis en avant par les articles de presse".
Suspension "à titre conservatoire"
Toutefois, la Ville de Paris a d’ores et déjà pris la décision de suspendre "à titre conservatoire" le financement alloué au Collège Stanislas, et pourtant "obligatoire" en vertu de la loi qui encadre le financement des établissements privés sous contrat. Si aucune précision sur la durée de la suspension n’est indiquée, la Ville de Paris assure attendre "une clarification de la part de l’État quant aux relations qu'[elle] doit légalement entretenir avec cet établissement privé sous contrat".
La suspension temporaire du financement de la Ville de Paris au Collège Stanislas pourrait mettre l’établissement en relative difficulté. Car les établissements privés sous contrat sont en grande partie financés par des fonds publics. Selon le dernier rapport de la Cour des comptes sur l’enseignement privé sous contrat, les écoles maternelle et élémentaire sont financées à hauteur de 21,5% par les collectivités locales, et les collèges et lycées, à hauteur de 9,6%. La Ville de Paris, qui assume les compétences de la commune et du département, finance donc en partie les écoles maternelle, élémentaire et les collèges privés parisiens sous contrat.
Aucune poursuite
Dans son communiqué, la Ville de Paris indique qu’elle a versé à Stanislas au cours de l’année 2022-2023, pour les écoles maternelle, élémentaire et le collège, la somme de 1.373.905 euros, correspondant à 483 élèves en maternelle et en primaire, et 1.329 élèves au collège, dans le cadre des règles sur le financement des établissements privés sous contrat par les collectivités. Contactée ultérieurement, la ville suspend donc jusqu’à nouvel ordre "le paiement des prochaines échéances", sans en dire davantage. " Nous allons continuer à travailler de concert avec le rectorat de l'académie de Paris et nous allons apporter des clarifications qui conviennent à la mairie de Paris auprès de laquelle nous sommes totalement disponibles", a assuré Louis Manaranche, professeur agrégé d'histoire, directeur des classes préparatoires au collège Stanislas, à France info.
Sans avoir lu le rapport et pris connaissance du plan d’actions du ministère de l’Éducation, la Ville de Paris a donc décidé unilatéralement de priver un établissement privé sous contrat d’une partie non négligeable de ses finances. Sans remettre en cause le rapport, le Collège Stanislas n’a fait l’objet d’aucune poursuite disciplinaire ou de sanctions, comme l'a souligné la direction. "Ce rapport n'a pas conclu qu'il fallait prendre des sanctions disciplinaires parce qu'il n'y avait pas d'ambiance généralement sexiste et homophobe à Stanislas", a repris Louis Manaranche. De quoi s’interroger sur l’élargissement de ce type de traitement à d’autres établissements privés sous contrat.