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Qui ose dire aujourd’hui : “Je suis chrétien” ?

JEUNE-FEMME-JMJ-GODONG

P Deliss / GODONG

Henri Quantin - publié le 15/11/23

Difficile de ne pas trouver que les formules "Je suis Charlie", "Je suis Paris…" ne sonne pas souvent comme l’expression passagère d’une émotion collective sans conséquence ou un slogan de politique-spectacle. L’écrivain Henri Quantin se demande qui ose dire aujourd’hui, comme les premiers martyrs : "Je suis chrétien" ?

“Je suis chrétien, voilà ma gloire, mon espérance et mon soutien. Mon chant d’amour et de victoire, je suis chrétien, je suis chrétien.” Il semble acquis aujourd’hui que le cantique entonné par nos aïeux relève des vieilleries que nul ne regrette. On y diagnostique, avec horreur révulsée ou condescendance amusée, un triomphalisme militant plus proche de la fanfaronnade pharisienne que de la douceur évangélique. La pastorale de l’enfouissement, mêlée au soupçon sur toute forme d’identité — nationale, culturelle, sexuelle — qui fait dire “je suis”, a achevé ensuite de discréditer toute proclamation explicite de disciple du Christ. La règle d’or est de ne pas “être” quoi que ce soit.

N’est pas Charlie qui veut

Dans le même temps, toutes sortes de “Je suis” fleurissent dans les manifestations. Sans doute est-ce John Fitzgerald Kennedy qui a commencé à Berlin-Ouest, avec son célèbre “Ich bin ein Berliner”. Kennedy voyait dans la revendication berlinoise “la fierté suprême” de celui qui appartenait au “monde de la liberté”. Les JFK anonymes se comptent à présent par millions. Pour dire son soutien à une victime, on est supposé “brandir des pancartes ou des hashtags proclamant aux yeux de tous “Je suis Charlie”, “Je suis Samuel Paty”, “Je suis Palestinien”, “Je suis Juif”… Bizarre hommage à l’autre, s’il s’agit de défendre le droit à l’altérité, que de s’assimiler à lui. Il est vrai que les variantes “Je suis Paris” ou “Je suis Bruxelles” ont montré à quel point l’attribut du sujet avait ici une valeur extrêmement large. Sans doute est-on censé comprendre que le verbe être, par un effet de l’appauvrissement du vocabulaire, signifie “soutenir”, “penser à”, “se sentir solidaire”…

Même pris comme une simple façon d’exprimer son soutien à une cause, le “Je suis” ne va pas sans difficultés.

Même pris comme une simple façon d’exprimer son soutien à une cause, le “Je suis” ne va pas sans difficultés. Aux lendemains des attentats qui coûtèrent la vie à Cabu, Wolinski, Charb et plusieurs autres, leur confrère Willem avait mis les pieds dans le plat, en rappelant que n’était pas Charlie qui voulait. Et d’ironiser sur ces nouveaux “amis” inattendus qu’étaient le Pape, la reine Elisabeth ou Vladimir Poutine. Pas assez favorable à la liberté d’expression ? Peut-être, mais on remarquera que Riss, de son côté, s’en est pris, plus récemment, aux faux Charlie de la haine ordinaire. À Guillaume Meurice qui croyait trouver un soutien en lui après son “nazi sans prépuce”, Riss a répondu que “l’esprit Charlie n’est pas une poubelle qu’on sort pour y jeter ses cochonneries”. Après les faux Charlie par défaut, Meurice serait donc un faux Charlie par excès. Les deux mises au point de collaborateurs de Charlie Hebdo ont eu au moins le mérite de rappeler qu’il y a un abîme entre répéter un slogan de politique-spectacle et vivre en cohérence avec ce qu’on revendique bruyamment et ostensiblement.

Rendre témoignage à la vérité

“Je suis Charlie”, “Je suis Juif”, “Je suis Palestinien”… Je ne crois pas que l’assassinat du père Hamel ait donné lieu à des slogans du type “Je suis curé”, “Je suis catholique” ou même “Je suis chrétien”, mais cela importe peu, tant il y a mieux à faire que de courir après les expressions passagères de l’émotion collective. “Je suis chrétien”, d’ailleurs, n’est pas une phrase pour manifestations d’unité républicaine, pas plus que pour défilés de type Catho-Pride.

Elle n’est jamais aussi bien prononcée que quand elle précède le martyre, voire quand elle en est la cause. Ainsi du bien nommé Sanctus, dans l’amphithéâtre de Lyon en 177. À toutes les questions qu’on lui posait, rapporte Eusèbe de Césarée, Sanctus répondait seulement : “Je suis chrétien.” C’était là son nom, sa nation, son origine et sa condition. Alors que tout son corps était devenu plaies et meurtrissures, ses bourreaux ne purent obtenir de lui d’autres mots que celui qui faisait sa force, sa fierté et son union au Christ victorieux de la mort. Être chrétien, c’était sa gloire, son espérance et son soutien.

“Je suis chrétien.” Devant le bourreau, ce qui semblait fanfaronnade devient héroïsme et don de soi pour rendre témoignage à la Vérité. C’est encore plus vrai si on n’oublie pas que le Christ, dont les chrétiens portent le nom, pouvait dire lui-même : “Je suis Juif.”

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ChrétiensFoiSociété
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