Comme chaque année le week-end de la Toussaint, la branche Route des Scouts d’Europe a rassemblé 2.000 jeunes, âgés pour la plupart de 17 à 20 ans, provenant de tous les coins de France et d’Europe, lors d’une marche-pèlerinage vers la basilique de Vézelay. Les responsables de l’événement m’ont demandé de délivrer devant les routiers mon témoignage de chrétien dirigeant d’entreprise, à la suite de mon livre Déserter ou s’engager ? Lettre aux jeunes qui veulent changer le monde (Mame).
Simplicité et enthousiasme
À peine arrivé, j’ai été pris en main par Antoine, mon "ange gardien", qui m’a guidé vers le lieu du rassemblement. Je découvrais là une scène presque biblique. Les scouts, très nombreux, étaient assis sur l’herbe, sur la pente de la colline, au-dessus de leur campement. J’étais en contrebas, en plein champ, debout avec un micro au son parfait. Les organisateurs avaient pris soin de monter un auvent de toile pour me protéger de la pluie. Derrière ces jeunes en uniforme bleu foncé, flottaient les étendards colorés des huit provinces formant les différents tronçons du pèlerinage. Devant nous, se dressait la colline éternelle de Vézelay et sa basilique majestueuse du XIIe siècle qui, malgré les crises et les affrontements, a traversé les âges.
Plusieurs points m’ont particulièrement touché. Tout d’abord, ce mélange de simplicité — nous étions positionnés dans ce champ isolé, sur les contrebas de la ville de Vézelay, en pleine nature, sous la pluie, les routiers dormant sous tente, dans le froid de l’automne —, d’enthousiasme et d’impact. Car en prenant du recul, rassembler 2.000 jeunes adultes désirant réussir leur vie et s’engager au nom de leur foi, n’est-ce pas extraordinaire ? En contemplant le spectacle de cette foule, avant de risquer ma prise de parole, j’entendais au fond de moi-même comme une voix qui me disait : "Tu as devant toi 2.000 jeunes en quête d’unité humaine, spirituelle et professionnelle, qui choisissent de manière libre et responsable d’être routiers car ils souhaitent assumer leurs responsabilités dans la cité, être soucieux de l’autre et marcher à la suite du Christ. Toi qui appelles de tes vœux que se lèvent des cohortes de bâtisseurs d’essentiel, regarde, ils sont là, devant toi !"
"Là est la liberté"
Ensuite, le thème choisi pour le pèlerinage : "Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté !" (2Co 3, 17). Ce thème rejoint je crois l’aspiration profonde de tout homme à la liberté, et montre le chemin. Être libre ne consiste pas à faire ce que l’on veut, mais suivre en soi la voix du beau, du bien et de l’amour, qui n’est autre que celle de l’Esprit Saint qui nous précède, nous guide et nous protège, et qui ne désire qu’une chose : notre profond bonheur. Or, comme l’expliquait dom Jean-Charles Nault, père abbé de l’abbaye de Saint-Wandrille, par notre humanité abîmée, nous sommes souvent tentés de croire que ce que veut Dieu pour nous est contre nous ! Or, c’est tout le contraire. Dieu, s’il existe et s’il est le Dieu d’Amour, ce que je crois viscéralement, ne peut que vouloir notre bonheur. Le message de la Bible ne fait que confirmer cette vérité. Cela vaut la peine de relire le chapitre 30 du Deutéronome : "Tu reviendras au Seigneur ton Dieu, tu écouteras sa voix de tout ton cœur et de toute ton âme… alors le Seigneur te montrera sa tendresse… Serais-tu exilé au bout du monde, là même le Seigneur ton Dieu ira te prendre, et il te rassemblera… Le Seigneur te comblera en toutes ses œuvres ; il fera fructifier ta famille, ton bétail et ton sol ; oui, de nouveau, le Seigneur prendra plaisir à ton bonheur…" et plus loin "Ce que je commande aujourd’hui, c’est d’aimer le Seigneur ton Dieu, de marcher dans ses chemins, de garder ses commandements…" Or c’est exactement ce à quoi s’engagent ces jeunes routiers !
Des voies insoupçonnées
Ce thème de la liberté rejoint celui de ma propre vie, que je relate dans mon premier livre L’Esprit souffle. Suis-le. Itinéraire d’un dirigeant engagé (Mame). En se laissant aimer et guider par l’Esprit, alors s’ouvrent des voies insoupçonnées, en décalage souvent avec la routine ou la norme, mais bien plus passionnantes. J’ai pu dire par exemple à ces jeunes routiers qu’il est possible de réussir comme dirigeant d’entreprise en restant fidèle à ses valeurs, à son idéal, à sa foi. Certes, renoncer à la compromission peut faire perdre des opportunités financières ou matérielles, mais celles qui s’ouvrent en restant cohérent avec soi-même s’avèrent bien plus grandes dans le temps, et surtout beaucoup plus durables et sources d’une joie bien plus profonde.
J’ai donné l’exemple d’une situation où l’équipe d’Armor Group a soutenu l’un de ses concurrents américains dont l’usine avait explosé, en lui fournissant ses produits pour ses clients, alors que les autres concurrents avaient refusé de le faire. Nous l’avons décidé de manière désintéressée, en nous disant que nous aurions aimé être aidés de la sorte si telle situation nous affectait. Le gain financier à court-terme était presque nul, mais deux ans après, lors d’un revirement de stratégie de ce concurrent, c’est à notre entreprise qu’il a souhaité vendre son activité, alors que les autres concurrents voulaient l’acheter. Ceci nous a permis de gagner des parts de marché aux États-Unis, au point de devenir capables de racheter l’autre gros concurrent américain historique. Nous sommes ainsi devenus le leader américain incontesté. Or cette belle réussite n’est pas née d’une stratégie finement élaborée, mais d’un élan de générosité de l’équipe, dans laquelle j’ai perçu la présence de l’Esprit saint à l’œuvre à nos côtés !
Résistants et bâtisseurs
Enfin, l’humilité et la bienveillance de ces scouts m’ont interpellé. J’ai vu lors de cette impressionnante veillée dans la basilique, dont les piliers frémissaient des chants et trompettes du Kyrie des gueux, l’intensité avec laquelle ils plongeaient leur cœur dans l’amour de Jésus-Christ et se laissaient transformer, pardonner, purifier, appeler par Lui pour contribuer à l’édification d’un monde meilleur. Ces routiers-scouts sont conscients de leur faiblesse, mais pour autant ont un désir immense de progresser et de s’engager. Je repense à cette phrase magnifique d’un scout, mentionnée dans le film de Tanguy Louvel Une autre jeunesse, produit il y a quelques mois par Landry Productions, Candela et KTO TV : "Si tu veux t’engager, n’attends pas d’être prêt à t’engager. Justement l’engagement t’aide à être prêt à t’engager."
Alors, si le découragement devant la jeunesse vous guette, ancrez votre confiance dans le spectacle enthousiaste de ces jeunes résistants de lumière, qu’ils soient scouts ou engagés dans d’autres mouvements ! Ces jeunes sont ces bâtisseurs d’essentiel, qui, c’est certain, ne se contenteront pas de laisser mourir l’humanité !