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Non, la condition minoritaire des chrétiens n’est pas un avantage !

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Philippe Lissac

Jean-Michel Castaing - publié le 29/10/23

Les plus pauvres, matériellement, culturellement et spirituellement, sont les premières victimes de la déchristianisation.

On entend souvent des personnes se féliciter de la condition (nouvelle) minoritaire qui est celle des chrétiens aujourd’hui. Sur le constat, il n’y a rien à redire : les disciples du Christ sont en situation d’infériorité numérique avérée. Là-dessus, tout le monde est d’accord. En revanche, les avis divergent au sujet de la valeur à accorder à cet état de fait qui tranche avec les siècles précédents de chrétienté. Pour les uns, cette condition n’est pas négative. Elle incite les croyants à affiner leur foi, à se garder des pièges du conformisme et des facilités qui lui sont liées en galvanisant leur ferveur. La fin du christianisme sociologique permettrait selon eux l’émergence d’une foi plus personnelle et existentielle. 

Les pauvres, premières victimes du recul de la foi

Pour les autres, le rétrécissement considérable du troupeau qui suit le Christ signifie au contraire que les paroles du Maître ne touchent plus qu’une élite de pratiquants. Dans ces conditions, l’accès à l’intériorité du plus grand nombre est désormais obstrué pour l’Évangile. Les premiers voient dans la condition minoritaire un signe des temps favorable à l’éclosion d’une foi dégagée des pesanteurs sociologiques quand les seconds déplorent l’apostasie de grande ampleur dont elle est la conséquence. Quelle lecture de cette tendance lourde du christianisme en Europe occidentale est la bonne ?

Concevoir la diminution quantitative des croyants comme une opportunité pour régénérer le christianisme n’est pas une idée en adéquation avec l’Évangile. Elle traduit plutôt une mentalité de privilégié.

Pour bien juger d’une évolution sociétale, il est nécessaire de l’envisager de la place qui est celle des préférés de Dieu : les pauvres. Et quand il s’agit de foi, il n’est pas seulement question de pauvreté matérielle, mais aussi (et surtout) de pauvreté spirituelle et religieuse. Or, envisagée à cette aune, que nous révèle cette réalité sociologique ? La condition minoritaire des chrétiens d’aujourd’hui touche en priorité les personnes qui n’ont pas le capital religieux et relationnel suffisant pour survivre en période vaches maigres spirituelles. Ce sont elles qui pâtissent le plus de l’effondrement de la foi chrétienne.

Ne pas faire de l’Église un club de privilégiés

C’est bien beau d’épiloguer et pontifier sur les avantages de la marginalisation du christianisme, sur l’affinement de la foi qu’elle occasionne quand on possède un bagage culturel suffisant pour traverser sans dommages le désert. Mais qu’en est-il de ceux qui n’entendent plus parler de Jésus-Christ, qui ne connaissent personne dans leur entourage immédiat pour les entretenir des merveilles du salut et de la participation à la vie de la Trinité à laquelle ouvre la connaissance de Jésus-Christ ? Concevoir la diminution quantitative des croyants comme une opportunité pour régénérer le christianisme n’est pas une idée en adéquation avec l’Évangile. Elle traduit plutôt une mentalité de privilégié. Cela équivaut à se résigner à la transformation de l’Église en un club, sinon de purs, du moins de survivants méritants qui auront toutes les peines du monde à être les témoins crédibles d’un Royaume ouvert à tous. 

En son temps, Jean Daniélou s’inquiétait déjà des effets de la déchristianisation sur les pauvres (L’Oraison, problème politique, Arthème Fayard, 1965) :

L’expérience montre qu’il est pratiquement impossible à un chrétien qui n’est pas un militant de persévérer dans un milieu qui ne le soutient pas […]. Pour beaucoup, le christianisme a été moins un engagement personnel qu’une tradition sociale, moins une foi surnaturelle qu’un besoin religieux. Mais la question est de savoir s’il n’est pas précisément souhaitable que l’Évangile puisse s’étendre jusqu’à ces pauvres qui reçoivent cependant quelque chose de son salut.

Se féliciter de la condition minoritaire des chrétiens, c’est passer par pertes et profits toute une catégorie de la population qui n’aura plus accès aux richesses de l’Église. La foi deviendrait alors un ésotérisme et l’Église, un espace clos qui l’enseignerait aux “initiés”. Quoiqu’on en dise, un “chrétien sociologique” aura toujours plus de chance de connaître le Christ qu’un homme biberonné au relativisme agnostique qu’il est de bon ton de professer de nos jours. Le semeur de la parabole de l’Évangile n’a pas craint de lancer à toute volée les grains sur toutes sortes de terre, sans restriction (Mc 4, 1-9). L’Église n’a rien à gagner à se complaire à rester dans les marges statistiques. 

Tags:
ChrétiensFrance
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