Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi le vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
L’enfance ne devrait-elle pas être la période des découvertes certes, mais surtout de l’innocence ? Pourtant des violences sexuelles entre mineurs existent, et se voiler les yeux devant ce douloureux état de fait n’en serait que plus dramatique. D’après le rapport du Sénat sur la délinquance des mineurs publié en septembre 2022, en cinq ans (entre 2016 et 2021), les violences sexuelles commises par des mineurs sur d’autres mineurs ont augmenté de 60%.
"Nous nous occupons des victimes ainsi que des agresseurs, pour aider chacun à se reconstruire", explique Claire de Gatellier, coauteur du livre Violences sexuelles entre mineurs (Artège), présidente de l’association Famille et Liberté et administrateur de l’association Jean Cotxet, qui œuvre pour la protection de l’enfance. "Aujourd’hui les enfants sont plus abîmés, plus maltraités qu'auparavant, et souvent sexuellement. Il n’est pas rare que les enfants sortent de l’hôpital psychiatrique quand nous les rencontrons. L’aggravation est réelle." Olivia Sarton, juriste, ancienne avocate et coauteur du livre, invite à une prise de conscience. "Les violences sexuelles entre mineurs ne sont pas "des jeux inappropriés" ou des "découvertes normales de cet âge", ces euphémismes édulcorent la réalité et empêchent d'identifier un comportement sexuel problématique. Ne pas prendre la mesure de ces situations empêche de donner une réponse adaptée pour prendre en charge les victimes et les auteurs."
La majorité des agressions sexuelles à l’âge de l’enfance ont lieu dans le cadre familial et ne sont souvent pas dénoncées. Gestes incestueux, exposition précoce à la pornographie, exposition des relations sexuelles au regard des enfants : ces situations sont pour les enfants des expériences traumatiques. Or de nombreux enfants auteurs d’agressions sexuelles sur d’autres mineurs ont un vécu traumatique dans leur enfance.
Le rôle de l’éducation
Les enfants découvrent le monde par la sensorialité. Toutefois toute sensation n’est pas d’ordre sexuel. "Médecins, pédiatres et pédopsychiatres s’accordent à dire qu’avant 10 ans, un enfant n’a pas à proprement parler de pulsions sexuelles comme à l’adolescence", explique Olivia Sarton. "Pourtant l’éducation sexuelle à l’école présente la sexualité comme bonne à tout âge, sous réserve que les protagonistes soient consentants. Cependant le Code de justice pénal fixe à 13 ans l’âge à partir duquel un enfant est en âge de discerner. Avant treize ans, un enfant est supposé non-discernant", précise l’ancienne avocate.
L'éducation consiste pour un enfant à apprendre à s'empêcher.
Le rôle de l’éducation est clé pour armer les enfants face à la réalité du monde. Pour Olivia Sarton, "l'éducation consiste pour un enfant à apprendre à s'empêcher : avoir des limites, contrôler ses pulsions, réfréner ses désirs." La pornographie apprend aux jeunes que ‘non’ peut vouloir dire ‘oui’, que les filles apprécient être violées, que la masturbation est utile. Claire de Gatellier poursuit : "Tout cela détourne le corps de sa finalité. Les parents ont besoin du soutien d'associations comme TeenSTAR ou Cycloshow pour apprendre aux jeunes à s’émerveiller de la sexualité."
Vigilance
L’éducation est indispensable, mais pas suffisante. "Il ne faut pas faire d’angélisme, il faut rester vigilant. Les parents ont tendance à penser que leur enfant restera dans l’infime frange des jeunes qui sont en sécurité, que rien de tout ça n’arrivera chez eux", souligne Olivia Sarton. "Les enfants doivent entendre un discours clair : les relations sexuelles sont réservées à un âge où on peut les pratiquer. Pas à la toute jeune adolescence. Tant pis si les parents passent pour des rabats-joie en gardant leurs enfants sous leur protection, en évitant les soirées pyjamas sans surveillance parentale ou en répétant que la toilette est de l’ordre de l’intime."
Pour Claire de Gatellier, "il est fondamental que les parents soient conscients qu’ils doivent parler les premiers de ces choses-là. Ils n’osent pas mais il le faut. Ils doivent parler les premiers pour ne pas laisser le champ libre à des prédateurs. Les enfants sont curieux, ils vont cliquer sur internet s’ils ne peuvent pas poser leurs questions à leurs parents. La première personne à aborder ces sujets imprime son discours dans le souvenir d’un enfant, c’est ce qui le marquera le plus."
Guérison
Claire de Gatellier se souvient de l’attitude d’un médecin disant aux victimes : "Nous allons parler de ce qui t’est arrivé ce jour-là. Nous parlerons de cela et aussi d’autres choses parce que tu es plus que cette agression." Il est important de ne pas résumer l’enfant à la violence qu’il a subie, pour éviter d’une part de justifier toutes les difficultés futures par cette agression, et d’autre part pour ne pas rester victime éternellement. La vie continue, il faut aider l’enfant à se reconstruire.
Par ailleurs, quand des violences sexuelles ont été commises, il est salutaire de faire intervenir les autorités compétentes. "Une agression sexuelle doit faire l’objet d’une procédure, quand bien même elle serait classée sans suite pour diverses raisons, explique Olivia Sarton. C’est extrêmement difficile quand les faits ont lieu au sein d’une même famille, mais introduire un tiers, à savoir la loi et la justice, permet une meilleure prise en charge. Pour la victime comme pour l’auteur, cela ouvre un chemin de reconstruction car les faits sont reconnus et peuvent finalement appartenir au passé."
La guérison demande d’ouvrir des espaces de parole aux enfants, sans les culpabiliser. Les violences sexuelles entre mineurs existent, c’est une réalité qui ne doit pas faire perdre l’espérance. Oser mettre des mots sur les événements, sans cacher dans le secret des faits qui dérangent, permet aux victimes et aux auteurs de ne pas rester victime et auteur toute leur vie. Alors, la vie peut recommencer.