Il y a des dizaines de conflits de par le vaste monde, des guerres qui, comme au Congo, détruisent depuis des années des millions de vies absolument innocentes. Certaines suscitent chez nous une émotion considérable, d'autres nous sont relativement indifférentes. Question de proximité ? du nombre de victimes ? de médiatisation ? d’effet de projection du type « ça pourrait être nous » ? peut-être un peu tout cela à la fois... Et puis il y a l’effroi qui nous saisit en regardant ce qui se passe en Israël et sur la bande de Gaza. Effroi devant les massacres ignobles et absolument inhumains perpétrés par les terroristes islamistes du Hamas. Effroi devant les armes qui hurlent et crachent la mort dans les rues de Gaza.
Pulsion de mort
À l’heure où l’émotion prime sur toute forme de sagesse, est-il encore possible de distinguer entre elles des situations qui ne peuvent être renvoyées dos-à-dos, par un commode fatalisme ? Beaucoup cherchent à renvoyer ainsi à une même réalité les belligérants. Comme s’il s’agissait d’une guerre « ordinaire ». Or, il y a chez les barbares du Hamas une haine du Juif que ne saurait expliquer la politique brutale et injuste de Netanyahou. Qu’un peuple conteste à un autre un territoire, lui dispute une frontière, se rebelle contre des contingences historiques qui l’auraient dépossédé, quoi de plus habituel ? Mais les actes posés, et la pensée politique qui les commande — quels que soient les toilettages de textes officiels dont chacun sait qu’ils n’ont aucune valeur sinon pour ceux qui ont la naïveté d’y croire — attestent bien qu’il ne s’agit pas d’une revendication territoriale ou d’un simple appel à la justice, mais bien d’une volonté affirmée d’éradiquer du sol d’Israël toute présence juive, par l’égorgement, le viol, en un mot, la terreur. Il n’y a pas de résistance lorsqu’on décapite des bébés et qu’on filme les tortures d’un enfant en les postant à des parents éplorés. Il y a simplement une volonté de tuer pour tuer, de faire disparaître. Tout en cherchant à provoquer chez celui qu’on agresse une pulsion de mort au moins égale à celle qu’on a déployée. Pourquoi alors agir ainsi ? Quel but ? Quelle motivation ?
La haine d’un Dieu qui fait alliance
Le père Laurent Stalla-Bourdillon tente une analyse profonde dans un billet posté sur le site du Service pour les Professionnels de l’Information : cette lutte engagée le 7 octobre dernier l’est au nom de principes beaucoup plus anciens que les tensions engendrées par la création de l’État d’Israël, par des motivations beaucoup plus archaïques dans lesquelles il nous faut bien accepter d’entrer pour pouvoir les dénoncer. Car c’est seulement ainsi, en les dénonçant et en mobilisant nos intelligences et notre désir pour y porter remède, que les choses pourront peut-être s’apaiser.
La crise est d’abord « une crise théologique et spirituelle ».
Comme l’écrit le père Stalla-Bourdillon, la crise est d’abord « une crise théologique et spirituelle ». La question posée par Israël au reste du monde ne cesse depuis les premiers mots de la Bible de résonner et de bouleverser les peuples et les puissants. Il aura fallu des siècles à l’Église pour le comprendre. Il faut désormais aider l’islam à l’accueillir et à ne pas en rester aux lectures fondamentalistes de ses textes sacrés. Ce qui est en jeu ici, c’est cette concurrence, écrit l’auteur, entre une perception de Dieu qui entre dans l’histoire et propose son alliance à un peuple afin qu’il partage sa vie et en porte le témoignage pour le monde, et une haine fondamentaliste qui entend imposer à l’humanité, une obéissance stricte à des préceptes brutaux. « C’est la haine d’un Dieu proche, d’un Dieu Père céleste qui révulse l’idéologie islamiste. »
C’est cela que l’identité juive porte dans le monde. Cela peut énerver, cela peut étonner, cela peut bouleverser, mais c’est ainsi. L’appel du Hamas à tuer des Juifs n’est pas un appel à libérer une terre occupée. Il s’apparente à un appel à supprimer cette réalité spirituelle et à ouvrir au cœur du monde, béantes, les portes de l’enfer.
La seule manière de tuer le mal
Mais il est tout aussi certain que le mal ne sera pas éradiqué par le mal, la violence n’élimine jamais la violence. Elle peut sembler l’atténuer, pour un temps. Mais elle revient plus tard et plus déchaînée encore. La seule manière de tuer le mal, c’est la vérité et la justice. Aux responsables politiques de méditer sur cet axiome et d’avoir le courage d’y entraîner leurs peuples en ne confondant pas le droit à résister à celui de massacrer pour anéantir.
À nous de prier pour qu’ils en aient la lucidité, tout en œuvrant, là où nous sommes, pour tenir une parole et un témoignage en particulier auprès de nos amis et voisins musulmans : et si nous étions attendus là, nous, chrétiens ? Auprès de nos frères musulmans pour les aider à ne pas sombrer dans les appels au néant de quelques-uns. Auprès de nos frères juifs pour rappeler au monde l’importance de leur place aux carrefours de l’humanité comme depuis la création du monde, le Seigneur les y invite.
Et si c’était cela, « être catholique » ? Se tourner vers son frère et croire en sa vocation, enracinée dans sa religion, sa culture et son histoire. Et, le regardant ainsi, dans le désir de lui rendre plus lumineux l’amour dont il est aimé, offrir ce que l’on est pour qu’il puisse devenir ce qu’il est dans le cœur de Dieu.