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C’est un discours fleuve – près de 35 minutes – et politique que le pape François a prononcé devant les évêques du pourtour méditerranéen réunis cette semaine à Marseille pour réfléchir avec des jeunes aux défis de cette mer que le pape a qualifiée de « miroir du monde ». Au premier rang, le président de la République, Emmanuel Macron a écouté le long exposé du pontife argentin prononcé en italien. Comme prévu, il n’a pas pris la parole lors de ce rassemblement.
Depuis la cité phocéenne, qu’il a rebaptisée « capitale de l’intégration des peuples », le pape de bientôt 87 ans a proposé un plan pour faire de la Méditerranée « un laboratoire de paix », elle qui concentre les grands maux de l’humanité. Dans son discours, le pape a ainsi cité les guerres, les inégalités, la désertification, les flux migratoires, les mafias et les trafics illicites, la prostitution ou encore la délinquance. « Par où commencer alors pour enraciner la paix ? », s’est interrogé le chef de l’Église catholique, qui depuis 10 ans arpente chacune des rives de la Méditerranée pour y prêcher la fraternité.
« Là où il y a précarité, il y a criminalité »
« C’est du cri souvent silencieux des derniers [qu’il] faut repartir », a-t-il martelé, déplorant que les pauvres soient aujourd’hui devenus « des numéros ». « Le changement […] consiste à les accueillir, et non les cacher ; à les intégrer, et non s’en débarrasser », a abondé l’évêque de Rome. Et de mettre en garde ses auditeurs : « Là où il y a précarité, il y a criminalité ».
Souhaitant mettre des visages sur ces pauvretés, le pape a cité les jeunes « livrés à eux-mêmes », les « enfants à naître, rejetés au nom d’un faux droit au progrès » ou bien les « gémissements des personnes âgées isolées ». Concernant ces dernières, le pape a semblé faire une allusion aux débats sur la fin de vie en déplorant qu’elles soient aujourd’hui « parquées dans la perspective faussement digne d’une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer ».
Ceux qui risquent leur vie en mer n’envahissent pas, ils cherchent hospitalité
Mais c’est sur la question des migrants que le pape s’est le plus longuement arrêté. « Ceux qui risquent leur vie en mer n’envahissent pas, ils cherchent hospitalité », a appuyé le pape, dans le sillage de son discours prononcé la veille sur la colline de Notre-Dame de la Garde, devant le Mémorial dédié aux héros et victimes de la mer.
Il a assuré que le phénomène migratoire n’était pas une « urgence momentanée, toujours bonne à susciter une propagande alarmiste, mais un fait de notre temps ». Il a alors fait remarquer qu’au Nord régnaient « l’opulence, le consumérisme et le gaspillage » et au Sud « la pauvreté et la précarité ». Dès lors, il s’agit de gérer cet état de fait au moyen d’une « sage prévoyance, avec une responsabilité européenne capable de faire face aux difficultés objectives ».
Cela fait plus de cinquante ans que l’Église en parle
Alors que le pape François est parfois critiqué pour ses prises de position sur les migrants, il a pris soin de rappeler que ses prédécesseurs avaient eux aussi lancé des appels en faveur de l’accueil et de ce devoir de solidarité du Nord vis-à-vis du Sud. « Cela fait plus de cinquante ans que l’Église en parle de manière pressante ! », s’est défendu le pape, convoquant Pie XII et Paul VI. Reconnaissant les « difficultés » que peut engendrer l’accueil, le pontife a toutefois rappelé que « le critère principal ne peut être le maintien [d’un] bien-être, mais la sauvegarde de la dignité humaine ».
Parlant des conditions d’intégration des personnes, le pape a insisté pour que les politiques migratoires ne finissent pas en « assimilations stériles ». « L’assimilation, qui ne tient pas compte des différences et reste rigide dans ses paradigmes, fait prévaloir l’idée sur la réalité et compromet l’avenir en augmentant les distances et en provoquant la ghettoïsation », a-t-il prévenu.
Vers une Conférence des Évêques de la Méditerranée ?
Pour faire de la Mare Nostrum un « laboratoire pour la paix », le pape François a aussi tourné son regard vers la jeunesse et le réseau des universités méditerranéennes. Il s’est réjoui que sur les 35.000 étudiants présents à Marseille, 5.000 soient étrangers. Par ces rencontres, a-t-il souligné, « on abat les préjugés, on guérit les blessures et on conjure des rhétoriques fondamentalistes ». Et d’ajouter encore : « des jeunes bien formés et orientés à fraterniser pourront ouvrir des portes inespérées de dialogue ».
Dans son discours, le pape s’est aussi tourné plus directement vers les chrétiens. À l’instar d’un Charles de Foucauld, il les a invités à adopter un « style de vie scandaleusement évangélique ». Il a souhaité que l’Église ne soit pas une « douane » mais une « porte d’Espérance pour les découragés ». Devant les évêques du pourtour méditerranéen, le pape a aussi émis l’idée de mettre en place une « Conférence des Évêques de la Méditerranée ». Celle-ci « permettrait de nouvelles possibilités d’échanges et donnerait une plus grande représentativité ecclésiale à la région ».