Appels à la paix
Au Mali et au Niger, les catholiques sont très minoritaires. À peine 16.000 catholiques pour le second, présents essentiellement à Niamey et environ 200.000 catholiques au Mali, soit 1,7% de la population. Dans ces pays où les islams sont dominants, la parole des catholiques pèse peu. L’objectif est surtout d’éviter les persécutions et les répressions des groupes majoritaires, d’autant que les fractures religieuses et politiques épousent les diversités ethniques. Loin d’être en position de force, les évêques locaux ne peuvent que se contenter d’appeler à la paix.
La situation est différente au Gabon, où les chrétiens sont majoritaires (76%, divisés entre catholiques et protestants). Le régime d’Ali Bongo n’étant guère apprécié par les populations, aucun soutien n’a été apporté à celui-ci. Les évêques se sont en revanche réjouis que le renversement se soit opéré sans violence et sans effusion de sang.
Opposition à une intervention militaire
La position fut également unanime sur le refus d’une intervention militaire au Niger dans le but de chasser les putschistes. Non par soutien aux militaires ayant renversé le président Bazoum, mais par souci de ne pas envenimer une situation déjà très instable. Les évêques savent bien que si l’on connaît le début des guerres, on en ignore toujours et la fin et les conséquences, rarement positives pour les civils. Les évêques du Ghana ont ainsi exprimé leur opposition à une intervention militaire, comme la plupart des conférences épiscopales d’Afrique de l’Ouest. "Non à une intervention militaire sous l'égide de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, […] cette idée ne devrait pas même être envisagée", ont affirmé les évêques du Ghana dans un communiqué paru le 24 août. Pour eux, une intervention militaire ne ferait qu’accroître les difficultés des populations civiles.
Même son de cloche parmi les épiscopats de plusieurs pays proches du Niger. Les évêques de la province ecclésiastique d'Ibadan (Nigeria) ont ainsi adressé un message au président du Nigeria Bola Tinubu, qui défendait l'option militaire, pour lui demander de réviser sa position :
L'intervention militaire proposée par les dirigeants de la Cedeao pour restaurer la démocratie au Niger est très impopulaire au Nigeria. […] Les Nigérians sont en faveur de la négociation et d'autres moyens non militaires, et le président Bola Tinubu doit écouter les Nigérians avant quiconque.
Ils ont aussi rappelé que le Nigeria avait d’autres problèmes plus urgents à traiter : "[Il faut] éviter d'impliquer le Nigeria dans le conflit armé au Niger, car nous avons déjà tant de défis à relever en tant que nation".
Au Bénin et au Togo, les conférences épiscopales se sont elles aussi exprimées contre une intervention militaire, pour les mêmes raisons que les conférences des autres pays. Elles ont par ailleurs demandé la levée des sanctions économiques, qui pénalisent davantage les populations civiles que les autorités politiques. L’opposition à une intervention militaire de la Cédéao, qui n’a finalement pas eu lieu, a fait l’unanimité parmi les conférences épiscopales des pays voisins du Niger.
Gabon : attendre et voir
Au Gabon, les évêques du pays n’ont pas fait d’intervention officielle, appelant seulement à prier pour la paix et l’unité du pays. "L’Église catholique au Gabon n’a pas eu de réaction officielle au sujet de ce coup d’État. Mais elle observe l’évolution de la situation avec prudence et grande attention, en continuant à prier pour la vérité, la justice et la paix dans le pays", a ainsi rappelé le père Serge-Patrick Mabickassa, coordinateur de la commission épiscopale communication sociale et culture du Gabon, dans un entretien à La Croix Africa publié fin août.
Les évêques ont compris qu’une intervention publique en faveur d’un camp semait plus de désordre qu’elle réglait la situation. C’est aussi une demande du Vatican qui souhaite limiter les ingérences directes des évêques dans les affaires politiques. Ainsi au Congo, les multiples interventions des évêques face aux élections n’ont pas donné les résultats escomptés, mais ont contribué à réveiller des tensions endormies. Une position de prudence qui n’est pas sans rappeler la doctrine de Léon XIII : "Ne pas associer la religion qui unit à la politique qui désunit."