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Qui a déjà pris le tramway à Jérusalem a peut-être entendu, en français, une mère dire à son fils : "Abraham, viens donc ici !". Un tel ordre est rare en France, où les prénoms d’origine hébraïque et biblique sont peu portés, si ce n’est dans les milieux juifs. Surtout ceux des patriarches : Moïse, Abraham, Isaac, Jacob… Celui qui porterait un prénom vétérotestamentaire aurait-il un saint patron ? Rare est en effet l’usage de l’adjectif "saint" avant la mention des patriarches hébreux.
Dans la liturgie, les prophètes et patriarches ne sont ordinairement pas fêtés, puisqu’ils n’apparaissent pas dans le calendrier général, lequel répertorie les saints honorés dans l’Église entière. En revanche, ils sont bien présents dans le Martyrologium romanum (le martyrologe en français, ndlr). Ce livre officiel, dont la dernière version date de 2004, mentionne pour chaque date les saints vénérés par l’Église. Ou, plutôt, ceux qui peuvent l’être, dont beaucoup ne sont en fait célébrés que localement.
Les justes de l’Ancien Testament
On trouve ainsi Abraham au 9 octobre, Moïse au 4 septembre, Jérémie au 1er mai, ou d’autres prophètes qui font le lien entre les deux testaments, Siméon et Anne, proposés pour le 3 février. Chacun est accompagné d’une notice, par exemple, pour ces derniers :
À Jérusalem, commémoration de Siméon et Anne qui, l’un âgé, juste et pieux et l’autre veuve et prophétesse, reconnurent lorsqu’il était présenté au Temple selon les prescriptions de la loi, le Messie et Sauveur, espérance bienheureuse et salut d’Israël.
Ayant vécu avant Jésus et, plus encore, bien avant l’institutionnalisation de la canonisation des personnes mortes et réputés saintes, les justes de l’Ancien Testament n’ont jamais été officiellement déclarés "saints" par l’Église. Comme, d’ailleurs, bien d’autres. À commencer par les archanges Michel, Gabriel et Raphaël, fêtés tous les 29 septembre dans toutes les églises. Cependant, et la tradition iconographique orientale le montre bien, ils ont toujours été considérés comme les précurseurs du Salut accompli par le Christ et, à ce titre, honorés.
Si l’habitude de dire "saint Moïse", "sainte Esther" ou "saint David" s’est perdue quand il s’agit de lire la Bible, elle est tout à fait possible, tout comme leur mention dans la litanie des saints, le plus souvent en terminant par Joseph, mari de la Mère de Dieu. Deux grands saints qui n’ont pas non plus fait l’objet d’un procès au Dicastère pour la cause des saints ! Enfin, toute communauté peut décider de dire la liturgie en honorant les patriarches et les prophètes même s’ils ne sont pas dans le calendrier général…sauf dans le Patriarcat latin de Jérusalem où beaucoup d’entre eux sont célébrés. Et, peut-être, dans la bretonne cité de Saint-Abraham, dans le Morbihan, où le "père des croyants" mériterait d’être solennellement fêté.