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Lorsqu’il discernait le lieu où il allait établir son abbaye et fonder son ordre, Norbert de Xanten s’arrêta à Prémontré et y passa une nuit seul en prière. Là, écrit frère Dominique-Marie Dauzet dans sa Petite Vie de saint Norbert (DDB), il vit "en songe une multitude d’hommes en blanc qui font une grande procession dans la vallée, avec des croix d’argent, de l’encens et des chandeliers". À peu près 900 ans plus tard, il y a tout juste un an, le 22 août 2022, une petite colonie d’hommes en blanc arrivait dans la vallée d’Aspe, au monastère de Sarrance, dans les Pyrénées-Atlantiques. Quatre frères venus de l’abbaye de Juaye-Mondaye et un frère du prieuré de Conques venaient épauler le frère Pierre Moulia qui avait baptisé, marié et enterré dans la vallée depuis cinquante ans. "Curé des derniers ours", surnom qu’il s’approprie avec fierté, ce frère rieur et priant connaît toutes les histoires de la région qu’il raconte généreusement dans un accent rocailleux et chantant. Rien de ce qui est béarnais ou basque n’échappe à sa connaissance, ce qui est une aide précieuse pour ses frères venus le rejoindre pour porter et chanter la parole de Dieu dans la vallée.
Quelle est cette eau vive ?
S’ils sont en blanc, c’est parce qu’aux yeux de saint Norbert, c’était la couleur des habits des deux anges témoins de la Résurrection du Christ. Aujourd’hui, on peut voir ces hommes en blanc prier et chanter, travailler, aller et venir dans le monastère de ce village de 161 âmes qu’est Sarrance, "serré" entre les montagnes comme dans une étreinte affectueuse et protectrice. Les pieds dans le gave, la tête dans les edelweiss dont on couronna récemment Notre-Dame de Sarrance, le monastère et le village n’y font qu’un. Car le parvis de l’église est aussi la place du village, avec ses bancs invitant à la conversation sous les platanes et sa fontaine d’eau fraîche et délicieuse des montagnes à laquelle tous viennent puiser l’eau pour la journée.
On est avec les anges. Et ces anges-là sont des chanoines, et donc ils s’y connaissent en équilibre entre l’activité et la contemplation, l’extérieur et l’intérieur, le mouvement et la stabilité.
Quelle est cette eau vive que l’on vient y chercher ? Comme toujours, quand on vient faire une halte spirituelle quelque part, ce qu’on imagine recevoir est une projection imaginaire, souvent réduite et toujours différente, de ce qu’on reçoit réellement. Il est vrai qu’on reçoit à la mesure de l’ouverture avec laquelle on se dispose en arrivant. On est peut-être encore "dans le faire" : que dois-je "faire" pour que cette halte spirituelle, pour laquelle je me suis organisée, produise son meilleur fruit pour ma progression spirituelle ?
On est avec les anges
La réponse est beaucoup moins musculaire. On se détend et on écoute. Le gave qui coule et qui emporte tout ce qui s’accroche. Les conversations et les rires des hôtes et des pèlerins de passage. L’orgue de frère Jean-Daniel qui remplit l’air du soir. Les chants des offices. On est avec les anges. Et ces anges-là sont des chanoines, et donc ils s’y connaissent en équilibre entre l’activité et la contemplation, l’extérieur et l’intérieur, le mouvement et la stabilité. Il est l’heure de surmonter ces dualités. Et pour cela de se laisser faire, de se laisser vivre au rythme de la liturgie des heures, d’écouter chaque note délicatement posée sur chaque mot de la prière, lui donnant un souffle de vie qu’on n’avait jamais entendu.
L’anxiété d’être à la hauteur de ses idéaux se dissout, et on éprouve en ce lieu que Dieu nous aime comme nous sommes. Le souci qui nous travaille si souvent de nous conformer aux codes (y compris catholiques !) de tenue, de langage — à un style — disparaît. Loin des apparences, on éprouve ici que plus de simplicité n’entraîne pas de faire de concession à la beauté. Au contraire, ce lieu est de ceux où, comme l’écrit encore frère Dominique-Marie Dauzet à propos de saint Norbert, l’intelligence "se simplifie, s’épure en présence de Dieu".
L’expérience de l’épure
La simplification de l’intelligence n’est pas non plus une concession au développement intellectuel, car au monastère, on lit et on écrit beaucoup, on partage en entretiens spirituels et en homélies, voire en conversations autour du café à l’hôtellerie, tout l’héritage de nos maîtres spirituels. Expérience de l’épure, de la simplification, de l’écoute, de la douce joie d’être aimé tel que l’on est — que de fruits pour lesquels rendre grâce à Dieu remercier les frères de Sarrance, en souhaitant pour eux une abondance de bénédictions tout au long de cette nouvelle année de vie qui s’ouvre !
Pratique