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Pourquoi l’Église recense les martyrs de la foi du XXIe siècle

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Plus de 260 personnes ont été tuées en avril 2019, à Pâques, lors d’une série d’attentats au Sri Lanka contre trois églises et des hôtels.

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Didier Rance - publié le 11/07/23
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Auteur des "Martyrs de la foi, témoins de la foi du XXe siècle" (Le Sarment), ancien directeur de l’Aide à l’Église en détresse, le diacre Didier Rance a été désigné par le pape François membre de la nouvelle commission romaine "Nouveaux Martyrs, témoins de la foi". Il explique qui sont les martyrs des temps modernes et ce qu’ils apportent à la compréhension de l’Église elle-même.

Ce 5 juillet 2023 a vu l’institution par le pape François d’une commission "Nouveaux Martyrs, témoins de la foi". Sa lettre qui l’accompagne la situe directement dans la lignée de la Commission "Nouveaux Martyrs" instituée en 1994 par saint Jean Paul II, renommée ensuite commission "Nouveaux Témoins de la foi" et aux travaux de laquelle j’ai participé. Quelques points de continuité ou de développement entre ces deux commissions méritent d’être signalés, à partir de cette lettre.

« En vue d’un Jubilé »

La célébration jubilaire œcuménique des martyrs du XXe siècle, le 7 mai 2000 au Colisée, préparée par cette commission, fut un des sommets de l’an 2000. L’Aide à l’Église en détresse (AED) en France y avait conduit plus de 750 pèlerins. Le pape François met surtout l’accent sur l’élaboration d’un “Catalogue, mais nul doute que les nouveaux martyrs qui y seront inscrits seront célébrés durant le Jubilé de l’Espérance de 2025, et donc leur espérance. À ce propos, le travail déjà ancien du philosophe allemand Josef Pieper sur ce thème est précieux. Pour lui, l’espérance des martyrs est la pierre de touche pour toute espérance chrétienne : à l’heure de mourir, les martyrs n’ont plus aucun espoir humain, c’est en Dieu seul qu’ils espèrent. Et de conclure :

S’il n’y a pas d’espérance pour le martyr, mieux vaut se taire sur l’espérance. 

À l’heure où bien des illusions humaines ont fait naufrage, il est bon de le savoir et de s’y tenir. 

Un Catalogue

Le Catalogue de l’an 2000 — plus de 14.000 noms en huit gros volumes — fut remis à saint Jean Paul II en décembre 2000. Les conférences épiscopales sont invitées de nouveau à prendre part à la collation des témoignages que la Commission centralisera, et elles seront nombreuses à le faire avec diligence. Quelques-uns des martyrs de notre XXIe siècle sont bien connus, ainsi le père Hamel en France ou les 21 martyrs de Libye (tous coptes orthodoxes sauf un) que le pape François a décidé d’inscrire au Martyrologe romain le 11 mai dernier. Mais la "nuée de “soldats inconnus de la grande cause de Dieu”", ainsi qu’il le dit en reprenant une expression de Jean Paul II, est grande. 

CANONIZATION
Canonisation de Mgr Romero, 14 octobre 2018.

Comme ceux du Grand Jubilé, tous les martyrs-témoins de ce Catalogue ne seront pas forcément béatifiés ou canonisés dans la foulée. Mais, à l’exemple du jésuite salvadorien Rutilio Grande qui y figurait et a été depuis béatifié avec ses compagnons, ou son ami Oscar Romero, lui canonisé (Jean Paul II l’avait évoqué le 7 mai 2000 au Colisée), des futurs saints reconnus tels par l’Église pourront sortir de la pépinière de ce nouveau Catalogue. 

Approfondissement du sens du martyre 

Le pape François précise dans sa lettre qu’il n’a pas "l’intention d’établir de nouveaux critères pour la constatation canonique du martyre". Mais, à un autre niveau, ce qu’apportent ceux de nos jours à la compréhension de la place des martyrs dans l’Église et à celle de l’Église elle-même ("Une Église sans martyrs, oserais-je dire, est une Église sans Jésus", pape François, 30 janvier 2017) sera certainement enrichi par leurs témoignages. 

Plusieurs thèmes à approfondir s’imposent, sur la base des fondements posés par saint Jean Paul et confirmés par Benoît XVI et François. En particulier l’articulation entre la foi, considérée traditionnellement comme cause du martyre (“odium fidei”) et la charité (“propter caritatem”), désormais mise au premier plan ; celle entre martyrs de sang et confesseurs de la foi ("Cet homme est un martyr", a dit publiquement le pape François en 2016 devant Ernest Simoni, un des rares survivants de la persécution en Albanie) ; ou encore la mise en œuvre de l’« offrande de la vie", cette nouvelle catégorie de sainteté instituée en 2017, et sa place entre martyre et héroïcité des vertus.

Dimension œcuménique

Autre thème fondamental : la dimension œcuménique. C’est là que l’évolution est la plus nette. Saint Paul VI a ouvert la voie en évoquant la mémoire des martyrs anglicans de l’Ouganda alors qu’il canonisait les martyrs catholiques. Puis Jean Paul II fit des gestes décisifs (Tchéquie, Slovaquie) et donna des fondements solides : "L’œcuménisme des martyrs et des saints est sans doute le plus convaincant" (Tertio millennio adveniente) ; "D’un point de vue théocentrique, nous avons déjà, nous chrétiens, un Martyrologe commun" (Ut Unum sint). L’inscription des martyrs coptes orthodoxes au martyrologe romain est un autre geste décisif. Donnant depuis quinze ans pour l’Université catholique d’Ukraine un cours sur le rôle des martyrs et des saints pour l’unité des chrétiens, je ne peux que me réjouir de ce nouveau geste décisif.

"Tout ce temps dépensé pour des morts, alors que tant d’urgences et de menaces pour notre humanité et notre Église devraient mobiliser les vivants !", pourra-t-on objecter. Non ! Les martyrs ne sont pas des morts mais des vivants et "par leur exemple ils ont montré et comme aplani la route de l'avenir ; il ne nous reste plus qu'à marcher sur leurs traces, avec la grâce de Dieu" (saint Jean Paul II, Novo millennio ineunte).

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