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Il ne fait pas bon être prêtre au Mexique dans les années 1920. Ni même catholique, d’ailleurs… En 1917, sous prétexte d’en finir avec l’Église, perçue comme un héritage de la période coloniale espagnole, une puissance réactionnaire et un facteur d’obscurantisme, le pays s’est doté d’une constitution ouvertement anti-chrétienne qui, si elle était appliquée au pied de la lettre, équivaudrait à interdire le culte catholique. Dans un premier temps, si les vexations et les empêchements au libre exercice de la religion se multiplient au fil des ans, personne n’ose, cependant, aller au bout de cette logique. Il faut attendre l’arrivée au pouvoir du nouveau président de la République, Calles, franc-maçon qui hait fanatiquement le catholicisme, pour que la législation persécutrice soit mise en œuvre. Du jour au lendemain, ordre est donné de fermer les églises, interdire le culte et les sacrements, expulser les prêtres. Ceux qui prétendraient désobéir, passer dans la clandestinité et continuer d’assurer des secours spirituels aux fidèles désemparés sont passibles de la peine de mort, sans même qu’il soit nécessaire de les déférer devant un tribunal. Une mesure qui se veut hautement dissuasive mais aura des effets exactement contraires à ceux recherchés par Calles.
Les prêtres résistent
Nombreux, en effet, sont les prêtres qui, en cette année 1926, n’envisagent même pas d’obéir et décident de rester à leur poste, quoiqu’il leur en coûte. Certains, tel le jeune jésuite Miguel Pro, alors étudiant en Europe, décident de rentrer au pays afin d’assurer à tout prix la messe et les sacrements. D’autres, qui n’ont pas encore reçus les ordres sacrés, poursuivent en cachette leur formation grâce, entre autres, au séminaire clandestin crée par l’abbé Cristobal Magallès qui, en pleine persécution, continue à donner des prêtres à l’Église mexicaine.
À travers tout le pays, des dizaines de prêtres sont torturés, battus à mort, criblés de balles ou de coups de baïonnette, pendus devant leur église ou le long des routes.
Parmi ces ordinands se trouve, en 1927, Atila, ou Atiliano, Cruz, 26 ans, né en 1901 dans la région de Ahuetita de Abajo. De très modeste origine, Atiliano passe son enfance à garder les bêtes. À 17 ans, sa piété remarquée par son curé, il entre au séminaire, qu’il ne quitte pas lorsque, cette même année, la nouvelle Constitution laisse présager une prochaine persécution. Sitôt ordonné, alors que la terreur, orchestrée par les troupes de Calles, se déchaîne, Atiliano est envoyé dans la province de Guadalajara afin d’y remplacer l’abbé Turibio Romo, martyrisé pour avoir refusé d’abandonner ses paroissiens.
Un apostolat héroïque
Il n’est pas le seul… À travers tout le pays, des dizaines de prêtres sont torturés, battus à mort, criblés de balles ou de coups de baïonnette, pendus devant leur église ou le long des routes pour montrer ce qu’il en coûte de résister à la politique de déchristianisation. Leur supplice, loin d’épouvanter, provoque une colère énorme qui éclatera avec l’insurrection catholique de la Cristiada, cette "Vendée mexicaine" soulevée au cri de Vive le Christ Roi ! Il entraîne aussi, en vertu de l’éternel adage "le sang des martyrs est semence de chrétiens", de nouvelles vocations au sacrifice suprême. Atiliano sait très bien ce qu’il risque. Il l’accepte, conscient et déterminé, dans la certitude que la restauration des autels est à ce prix.
Son apostolat héroïque sera bref, quelques mois à peine. Le 29 juin 1928, alors qu’il a rejoint son curé, l’abbé Justin Orona, à Rancho de las Cruces afin de discuter avec lui des mesures à prendre pour maintenir le culte et des secteurs à se partager pour leur apostolat, les soldats de Calles, peut-être à la suite d’une dénonciation, surprennent les deux hommes, les frappent, leur infligent diverses tortures, avant de les fusiller. Atiliano Cruz et Justin Orona ont été canonisés par Jean Paul II en 2001 en même temps que vingt autres prêtres et trois laïcs tombés pour la royauté sociale du Christ sur le Mexique, et sur le monde.